D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
MORT OU ROI.
49me Année. 1
Mercredi 13 Décembre 1805.
1V> 5,029.
L1 PROFANATEUR
9ll
Dimanche, il heures 45 du matin, est
mort le premier roi des Kelges.
Jusqu'au fond des hameaux les plus
reculés du pays, nul n'ignore, celle heure,
le lugubre événement et pourtant, si pré
paré que nous ayons été ce dénouement
inévitable, par les péripéties d'une longue
maladie et les alarmes incessantes de la
nation, nul encore ne peut se fajre l'idée
que Léopold premier ne préside plus aux
destinées de la Kelgique; tant la pairie
s'était identifiée avec l'homme qu'elle pleure
aujourd'hui, tant le Roi semblait insépa
rable de la nation et nécessaire son
existence.
La douleur du pays est profonde, uni
verselle, digne de la reconnaissance qu'il
doit Léopold l'\
El Certes, quand nous jetons les yeux
sur les gouvernements de l'Europe, Com
ment ne pas bénir la Providence de nous
avoir donné, durant ce tiers de siècle, sous
le règne de notre premier Hoi.une paix et
uhe prospérité sans égales autour de nous?
Arrivé au trône par les voies de la jus
tice, du désintéressement, de l'honneur et
de la liberté, Léopold est toujours resté
digne de la confiance que le pays avait
placée en lui. Il nous a régis sans ambition
du pouvoir, sans rêves de despotisme,
occupé seulement du soin de faire respec
ter et lieuiir les institutions nationales; et
si des griefs, que les catholiques oublient
aujourd'hui devant son cercueil, nous ont
autorisés regretter certains actes des
dernières années de son gouvernement,
n'est ce point encore qu'abdiquant ses
propres sentiments, il poussait jusqu'au
scrupule la pratique de celte maxime Le
Roi rètjne et ne gouverne pus?
A maintes reprises, d'ailleurs, son zèle,
son intelligence d'élite et sa rare habileté
politique nous ont préservé des crises les
plus redoutables. Devant le monde entier,
il a su entourer la royauté de notre
humble patrie d'une considération et d'un
renom de sagesse qui valaient au prince
le rôle glorieux de pacificateur des royau
mes, la nation l'estime et le respect de
l'Europe.
Si grande qu'elle soit néanmoins, la
perle que fait la nation n'est point irrépa
rable.
Léopold II recueillera, au milieu des
acclamations univerSélles, l'héritage du
royal défunt.
Instruit par l'étude et les voyages, arri
vé cet âge où l'intelligence s'épanouit
dans sa force, il a depuis longtemps appris
connaître les sentiments, li s besoins, les
intérêts réels du peuple au milieu duquel
il est né. il a vécu, il va régner. Maître
déjà dans l'art heureux de répandr e autour
de lui l'affection par son affabilité et ses
FOI CATHOLIQUE. CONSTITUTION BELGE.
générosités royales, il a conquis depuis
longtemps cette estime profoude et parti
culière réser vée aux veçtus privées et aux
vies sans tache. Son pere l'éleva dans la
pratique des institution nationales; une
saiote mère et un grand évêque l'ont
instruit dans les traditions catholiques de
la patrie belge. Il saura rester fidèle ces
enseignements, et comme il peut compter
sur le dévouement de la nation, la nation
compterasur lui.
Il ést bon que l'étranger le sache Si
peuple belge est unanime dans la manifes
tation de ses regrets et de sa douleur, il
est unanime aussi dans sa confiance al>-
Sdlae en l'héritier de la couronne.
C'est de tous les cœurs que pour lui
aussi jaillira la prière de l'Eglise Domine
salvum fac Rcçjem
Il y a eu au palais de Laeken pendant
les six heures qui ont précédé la mort du
Koi, des scènes émouvantes qui mérite
raient d'être racontées el méditées longue
ment.
Dès sept heures du malin, le duc el la
duchesse de Drahanl, ainsi que le comte
de Flandre furent mandés auprès de l'au
guste m .lade. EL. AA. IU'». ire quittèrent
plus le chevet du Koi. Line conversation
intime eut lieu eiitre' Sa Majesté et ses
dignes enfants; puis, le Koi manifesta le
désir de voir ses petits enfants ponr leur
donner sa bénédiction paternelle et leur
faire ses adieux.
L'entrevue des jeunes princes avec leur
illustre aïeul a été des plus attendrissantes.
Le Koi a prodigué les plus paternelles ca
resses au comte de llainaul et aux augus
tes sœurs de S. A. K. C'est en sanglotant
que les enfants de l'héritier du trône quit
tèrent la chambre où le Koi allait bientôt
expirer. Sa Majesté fut profondément im
pressionnée parla douleur du jeune prince
et des jeunes princesses.
Jusqu'à son dernier soupir, Sa Majesté
n'a cessé d'avoir ses mains dans celles de
M'"" la duchesse de Krahant. Son Altesse
Koyale s'est mOpti ée admirable de respect,
d'affection et de courage. C'est dans ces
moments suprêmes que se montrent les
gr andes âmes. Mmela duchesse de Krahant
n'a pas caché au Koi la gravité de sa situa
tion Sa Majesté écoutait la pi incesse avec
une touchante sérénité el en manifestant
les sentiments les plus chrétiens. Le Koi
embrassait avec une componction marquée
le crucifix que son auguste belle fil le lui
présentait, e' prit même l'image de noire
divin Kédempteur entre ses mains el la
pressa contre son cœur. En ce moment,
l.L. AA. Kl», étaient en proie la plus
grande alilirlion. il y avait dans ce spec
tacle quelque chose d'imposant et d'indes
criptible. Les sentiments du chrétien se
révélaient dans tout leur éclat et le père
de famille apparaissait dans toute sa ma
jesté.
Au moment où la dernière heure de
notre bien aimé Koi allait sonner, tous les
dignitaires du palais et de l'Etat, ainsi que
les présidents de nos Chambres, étaient
réunis autour du lit de l'auguste mourant.
L'émotion était peinte sur tous les visages,
et chacun attendait avec une anxieuse af
diction le triste événement qui devait pro
duire dans le pays une si grande el si légi
time consternation. Soudain un inouve
ment se produisit dans la chambre de Sa
Majesté. Toute l'assistance tomba genoux
sous le coup d'une suprême impression.
Le Koi venait d'expirer sans souffrance,,
en conservant son visage des traits se
reins cl tranquilles.
Léopold I"' toi des Belges naquit A Cnbnnrg, le
16 décembre 1790. Il était le sixième enfant de
Fi a 11 Cuis, duc de Saxe-Saalfeld Cnhnuig. Son
éducation liiléraue el scientifique f«l nés soignée
dix hml ans, il é'ail un des jeunes princes les
plus distingués de l'Allemagne Mais le malhem
éiait venu foudre sur sa famille. Lu i8u6, son pète
élair chassé de sa petite principauté, qui émit absor
bée dans la Confédéraiinu du Rhin, el lui même
de»ail aller prendre du service l'élianger. Une
de ses sœurs avait épousé le grand-duc Constantin,
fils de Paul lrr. Il se rendit en Russie, où il devint
bientôt général de cavalerie. En 18oâ, il accom
pagnait l'empereur Alexandre l'entrevue d'Ex
fuit. Le irailé de Tilsit avail rendu la principauté
de Saxe-Coboutg a sa famille; mais lorsque l'ai
liance avec la Russie paTiI coniproaiise, Napoléon
ordonna au prince Léopold de quitter le service de
la Russie, s urs peine de voir enlever A son Irèse la
couronne. En vain Léopold essaya de faire revenir
l'Empereur sur celle tèsoliitioii, il le ttouva iofleil
ble, el se m obligé de renoncer A la carrière tnili
laire pour coi.cerver a sou hère l'héritage pater
nel.
Ou élail en 18 10. Trois ans après, une sixième
coalition formidable se formait contre l'empereur
des Francai-; Léopotd teprenaii son commande
riieol dans l'armée russe, el se distinguai- sur les
campstîe bataille de Lrrtzçn, dé Baulzeti, de Kubur.
de Leipzig, de Bien ne, d'A rets sur-Aube el de la
Fère-Cb.inipeiuuse. Il entrait Patis avec les
al liés, et que'que remps api es accompagnait Tempe-
tetir Alexandre a Lundi es, oit il fixait l'attention
de la princesse Char lotte, héritière de la couronne
d'Aiigleterie, et qui était fiancée au prince d'O
range.
Aptes le cm ^-ès rie Vter où il défendit averl
succès les rirnrs ite son hè-e, el la bataille de|
Waterloo, qui décida du sot 1 de l'Europe, il re
intima en Angielene, où il épousa, le a mai 1816
la princesse Chat lotie. Ayant reçu le litre de dm 1
de Keodaj, et le itlte de ptinre tnyal, aimé de-
Anglais qui fondaient sur son uniou avec eu
future Rein- les ph-s cm ries espérances, l'édifier 1
ne cette hune f.r tnne s'éiiimla pat la mort de al
pt invesse Chariot e, qui fut et. Ie> ée 'a F fFecliorf dr I
pavs le 6 novembre tut-, en mettant au monde
1111 enfant omit.
Une année aptès, le dnc de Kent épousait 101
sœur de Léopold, qui devint tnère de la reiriej