JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT,
No 4,025.
Samedi, 20 Avril, 1850.
39 me
annee.
PS.3S, 2G Avril.
PRIX D'ABONNEMENT.
Yprcs, 3 moisfr. 3
Par la poste3 5o
On s'abonne Ypres cht-2, D. LAMBIN
MORTIER, Éditeur-Propriétaire, rue
de Lille, io, près la Grand'-Place-
Le Propagateur parait le MERCREDI
et le SAMEDI, j heures du soir.
Les lettres et envois doivent etre
affranchis.
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la ligne; on traite forfait.
LE PR0PA6ATEUR
CHEMINS DE FER
VÉItlTÉ F.T JX'STICE.
d'Ypres A Courlrai, 5—5o, 11, 5—oo,
de Poperinghe 20 minutes plus tôt.
De Courtrai Ypres et Poperinghe,
7—4o, to—55, 4—5o.
De Courtrai Mouscron ('t Lille
7—3o, to—5o, 15o, 9—5o.
De Courtrai pour Gand 7 00
!2-5O, 4-35, 6—.5
De Courtrai pour Bruges 74°> 9
t25, 620-
T9
L'Angleterre passe en revue ses vaisseaux
elle s'étourdit sur son abaissement moral en
faisant parade de la force de ses machines
vapeur et du nombre de ses hommes de guerre
man of war vaisseau). Sa puissance est là,
rien que là; Mais celte puissance est formi
dable c'est celle du lutteur antiquedu
moderne boxeur qui applique toute l'énergie de
la nature humaine au perfectionnement du
coup de poingLJ activité intellectuelle, le génie
de ce peuple est un ressort pour tendre avec
vigueur le bras d'acier dont il menace le
monde. Ni les subtilités parlementaires, ni les
perfidies diplomatiques ni le Biblisme, ni la
Philanthropie ne failliront comme moyens au
but égoïste de celte nation pressurer jusqu'à
l'écraser tout ce quelle peut saisir, pour en
exprimer et absorber les richesses. Que la
frivolité aille battre des mains la revue
navale de SpitheadLe Piémont, sous la
serre de son redoutable allié, s'amoindrit et
s'annule dans Vinfatuation de son importance
il se croit quelque chose parce qu'il est le jouet
qui tournoie et bourdonne quand une main
étrangère tire la ficelle qui le fait mouvoir. Ce
petit peuple, qui la maison de Savoie a fait
autrefois de nobles destinées, retombe-t-il en
enfance? La Russie reportera-1-elle vérita
blement vers le soin des améliorations de son
régime intérieur la dépense de force et de per
sévérance qu elle faisait pour son agrandisse
ment l'extérieur? La Prusse s'immobilise
de plus en plus dans l'obéissance de mauvais
gré une bureaucratie tracassière. L'Au
triche si longtemps courbée sous le même joug,
se sent revivre sous la direction bien déterminée
vers le but national, que lui imprime le des
cendant des Evêques du dehors, l'héritier du
Saint-Empire Romain. Tout semble sourire
au César Français... N'est-ce pas un des
familiers des Tuileries qui a proclamé la
nouvelle ère des Césars Mais nous ne pouvons
nous empêcher de nous rappeler le vers de
Victor Hugo, au sujet de la naissance du Roi
de Rome
Non l avenir n'est personne
Sire; l'avenir est Dieu.
Pour notre Belgique, toute notre appréciation
en un mol La perversité fait le mal, la fai
blesse le permet, l'ignorance y applaudit, les
préventions y poussent.
Nous l'avouons sincèrement naïvement, si l'on
vent nous n usons et n'userons jamais de ce lan-
g ige tranchant qui, taillant en plein champ, sépare
e peuple belge en deux camps hostiles les
cal oliqties et les libéraux. Cette scission, dans la
réalité du fait, i, esj j,aj vraje> jyja|s un |al)ga„e)
imprudent dans son emportement, eu répétant cette
distinction, perpétue entre les honnêtes gens une
dmston funeste au pays. 11 y a en Belgiq,je>
dans toute I Europe, l'ameute,nent des ennemis de
U religion, de la morale, de l'autorité, de l'ordre
de la sociélé. Celle tourbe, nous l'appelions,
mercredi, le parti pervertisseur. Nous n'avons
rien changer cette dénomination les outrages
la foi, l'honnêteté, a la justice, les doctrines
subversives et les dégoûtantes calomnies qui souil
lent les colonnes d'une certaine presse justifient ce
nom, et n'attestent que trop l'existence dans le
corps social d'êtres immondes qui le rongent, tout
en vivant sous sou abri et ses dépens. Ce serait
une fausse tolérance que de laisser en paix l'im
piété dans sa fange: il y aurait folie ne pas
redouter la gangrène désorgan satrice, suite inévi
table de ses morsures venimeuses. Il y faut porter
le fer et le feu.
Mais a faire peser sur une grande moitié du pays
l'accusalion de complicité avec les méfaits du
clubisme maçonnique, il y aselon nous injustice.
Ces imputations irritantes ou: le tort immense
d'éloigner de nous des hommes honorables qui
veulent, comme nous, la prospérité de leur pays
par le triomphe des principes moraux et sociaux
sur les négations passionnées et les attaques
révolutionnaires. L'homine n'est point un être
parfait en lui reprochant une faute imaginaire ou
l'incline a la commettre. Les brouillons, dans tous
les partis, suscitent des adhérents a la cause opposée
celle qu'ils défendent. Si nous aiinous véritable-
mentet uniquement la justice,soyons aussi empressés
de la rendre que vigilants la faire. Ne confondons
plus les libéraux avec les libertins. Prouvons que
nous chérissons la liberté, parce qu'elle est fille du
Christianisme et nous verrons grossir nos rangs de
tous les hommes de cœur qui reconnaîtront que
1 arbre de la vraie liberté, c'est l'arbre de la Croix.
Nous avions besoin de dire ces choses; car nous
prenons au sérieux la magistrature du jourualiste.
La pensée du publiciste chrétien doit avoir toujours
présents les intérêts publics, dont son journal est
l'organe ou le défenseur. Affections individuelles,
préférences personnelles, penchants qui portent
naturellement mettre en relief les objets de iios
sympathies, tout cela, pour le journaliste religieux,
doit être subordonné la chose publique: la
religion, l'équité, l'utilité sociale doivent être les
premiers objets de son amour, les premiers mobiles
de ses jugements. Il peut s'animer, se passionner
même (et sans passiou comment pourrait-il lutter?)
mais cette passion est celle de la vérité. Qu'il se
laisse donc aller a sa généreuse ardeur, en s'adres-
sant ses amis, aux indifférents, aux adversaires il
faut affermir les uns ou les avertir s'ils font fausse
route; il faut entraîner les autres; il faut vaincre
les ennemis. Cette œuvre est difficile; elle est
impossible pour quiconque n'a pasavec soi les deux
forces toutes puissantes en ce monde: la justice et
la raison. Avec elles, et muni de la grâce de Dieu,
qui bénit les efforts patients et désintéressés, ou
peut traverser des temps d'épreuves; ou peut être
méconnu, raillé peut-être, languir daus une médio
crité résignée, combattre seul ou avec un bien
petit nombre d'hommes modérés parce qu'ils sont
forts autant que vaillants; mais un jour, une heure
viennent où le travail de la pensée aura son fruit.
Aucune idée juste ne se perd; aucune ne dure saus
produire, son temps, son contre-coup dans les faits.
Le premier devoir du publiciste est donc d'avoir
avec lui ces guides éternels: qu'en s'inlerrogeant
chaque jour, il puisse se fortifier lui-même daus la
pensée qu'il est sur la route du vrai et du bien,
parce qu'il sent son cœur plein de charité. Alors la
discussion, si elle s'égare quelquefois dans les
détails, conservera toujours le parfum de sincérité,
de modération, d'honnêteté, qui est le caractère des
hautes croyances. Et, certain comme il l'est d'ex
primer toujours ce qu'il croit le plus profitable au
pays, parce que, au point de vue de la religion,
c'est le plus juste, il ne peut manquer de conquérir
peu a peu ses convictions ceux qui veulent que
les intérêts sacrés de la morale et de la patrie
l'emportent sur toute considération de parti, de
corporation, de coterie.
Sien fait de doctrines religieuses, nous sommes
tout fait d'accord avec nos confrères catholiques
de l'Europe et de l'Amérique, nous différons
essentiellement en fait de doctrines politiques, tant
avec les républicains catholiques des États-Unis,
qu'avec les impérialistes catholiques de la France.
Nous sommes catholiques, mais catholiques belges,
dévoués la Constitution qui est notre œuvre, et
qu'au besoio, nous saurons défendre mieux que
par des protestations. [La Patrie de Bruges.)
Quand les classes que Dieu met la tête de la
société méconnaissent les devoirs qu'elles doivent
remplir, lorsqu'elles oublient que leur privilège
est une fonction, lorsqu'elles secouent toute auto
rité et s'affranchissent de toute charité, lorsque,
pour être plus libres dans leur ambition, dans leur
orgueil et dans leur plaisir, elles disent: il n'y a
plus de Dieu, aussitôt la multitude les prend au
mot. Car, eu effet, il n'y a plus de Dieu pour le
peuple dès qu'il cesse de recevoir d'en haut les
lumières, les exemples, les soins qui lui sont dus
il n'est plus instruit, il n'est plus aimé, il n'est plus
soulagé, et dans son cœur s'agite le redoutable
problème de l'inégalité des conditions humaines.
Comment voudrait-on qu'il pût tenter de le
résoudre autrement qu'il n'a toujours fait? Otez
Dieu, ce problême fait chanceler la raison même
des bons et des sages, il écrase l'humanité. D'un
côté tant de misérables, et de l'antre si peu
d'heureux, c'est une injustice dont la conscience
livrée elle-même, ne peut prendre son parti. La
félonie des démagogues et l'enthousiasme des faux
prophètes s'empareront toujours aisément des
instincts divers, méchants, jaloux, haineux, mais
quelquefois aussi généreux et sublimes, qui se
résignent plus volomiers l'égalité dans la misère
qu'au froid et l'horreur de voir toujours les biens
de ce monde si injustement répartis. Les démago
gues et les faux prophètes apparaissent donc
suivis d'une foule innombrable, doublement tour
mentée de la faim du corps et de celle de l'âme, et
qui demande du pain et de la foi. Les uns pour se
faire ud parti, les autres obsédés du sentiment
confus de l'ordre et de la justiceparlent cette
foule; ils l'assouplissent leurs désirs en lui pro
mettant tout ce qu'elle souhaitetout ce qui lui
manque, des plaisirs, des vengeances, des doctrines
et la paix.
L'élève de Rousseau dit au disciple effrayé de
Voltaire, l'homme du peuple, socialiste convaincu,
dit au bourgeois bel esprit qui cesse de rire Oui,
plus de Dieu! Au spectacle de vos jouissances
égoïstes et de mes misères inconsolées, je sens qu'il
n'y a pas de Dieu! Mais pourquoi des grands,
pourquoi des forts, pourquoi des propriétaires et
des capitalistes, pourquoi toute l'humanité con-