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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
flo 3460.
Mercredi, 27 Novembre 183^^
34me
annee.
7PF.ES, 27 Novembre.
UN MOT SUR LE PRESENT ET
SUR L'AVENIR.
Il est la fois douloureux et instructif
de jeter un regard sur l'étal actuel de la
politique Belge, et l'examinant du point
de vue moral de peser les suites fâcheuses
que le système libéraliste prépare notre
pays, en laissant les ambitions, les ran
cunes, et l'intérêt personnel dicter la loi
au pouvoir; en soulevant les préjugés qui
divisent, les passions qui irritent,les haines
qui déchirent; en réfusant de protéger et
de défendre les principes immuables de la
religion catholique, seules bases solides de
la société.
Au risque de passer pour des prophètes
de malheur, nous osons le prédire: Si,
continuant dévier de la route tracée par
le Congrès de 1830; si, répudiant les prin
cipes nationaux pour le triomphe desquels
le Belge versa son noble sang, le gouverne
ment persiste faire la guerre la religion
du peuple, la liberté de l'enseignement,
la liberté de faire l'aumône, l'époque
n'est pas reculée peut-être où, envahie et
débordée entièrement par les passionsrré-
volutionnaireset les doctrines dissolvantes,
notre chère patrie comme laSuisse, l'Italie,
la France, le Piémont, éprouvera les hor
reurs d'une perturbation sociale.
L'histoire de toutes les commotions po
litiques, de toutes les révolutions n'est que
l'histoire desdévialions des gouvernements
et des peuples du sentier de la morale et
de la vertu. Or, nous ne dirons point: vit-
on jamais plus de licence, plus de mépris
LE DOCTEUR DE LA LOI.
pour la religion et la morale en Suisse, en
Italie, dans le Piémont que depuis que les
Oschenbein, les Siccardi, les Mazzini y
exercèrent leur empire; mais nous nous
bornons uniquement cette demande:
Vit-on jamais en Belgique depuis l'époque
de son indépendance, la presse distiller
plus de haine, et afficher une hostilité plus
effrontée contre la religion, ses maximes,
ses ministres? Vit-on jamais le pouvoir, les
administrations publiques pâtroner plus
ignoblement les organes du voltairianisme
de l'impiété? Vit-on jamais de plus épais
nuages d'aveuglement et d'indifférence re
ligieuse, signes précurseurs d'un orage,
s'appesantir sur les intelligences des hom
mes d'Etat et des masses? Non, jamais!
Quiconqueobserve ces funestes météores
peut-il s'empêcher que le trouble ne s'em
pare de son âme? et si l'espoir de voir la
Belgique résister aux éléments destructifs
conjurés contre elle, est demeuré vivace
dans l'esprit de certaines personnes, cette
confiance ne dérive-t-elle de la Providence
mais non pas de la sagesse et de la pru
dence ministérielle?
Il est vrai, la Providence a veillé d'une
manière visible sur notre patrie et la main
du Tout-puissanta préservée!conduitsain
et sauf le vaisseau de l'Etat, au milieu des
éceuils qui étaient craindre. Mais, qui
dira, que l'ange-de-la Belgique toujours si
catholique, aujourd'hui inféodée de maxi
mes perverses, ne retirera point son bras
protecteur de dessus nos têtes? Infini en
miséricorde celui qui dispose des gouver
nements et des peuples est aussi infini en
justice.
Quand, oubliant leurs devoirs les gou
vernements foulent aux pieds les préceptes
essentiellement conservateurs de la reli
gion et de la justice, et sacrifient aux pas
sions ennemies de l'Eglise les éléments de
bonheur et de paix publique, combien de
fois n'est-il pas arrivé qu'abandonnant les
peuples leur délire, au caprice de leurs
passions, la Providence permit l'orgueil
et la folie humaine de faire un triste essai
de leur impuissance et de la faiblesse de
leur savoir-faire?
La France de 1793 témoigne tous les
âges quoi conduit le matérialisme poli
tique. La Belgique ne verra-t-elle jamais
altérer son bonheur, elle qui prétend au
jourd'hui s'émanciper, s'affranchir de la
tutelle religieuse et suivre la roule où tant
de peuples ont trouvé l'abîme?
Evidemment, représentées dans le mi
nistère par plusieurs membres de la franc-
maçonnerie, et soutenues par une majorité
servile et complaisante dans les Chambres,
les loges dont le plan infernal fut en tout
temps de battre en brèche la religion, la
propriété, la famille, ne cessent de contre
carrer chez nous l'influence religieuse du
clergé, de l'amoindrir et de l'annihiler s'il
est possible.
Les interprétations nouvelles données
par M. de Haussy et adoptées par M. Tesch,
aux lois concernant les fondations pieuses,
la sécularisation de la charité, cette œuvre
du protestantisme et de la révolution fran
çaise ne fait-elle pas partie principale de la
politique nouvelle?
La loi sur l'enseignement contraire aux
droits, aux doctrines de l'église et la vo
lonté publique n'est-elle pas imposée au
pays? et l'autocrate Rogler n'a-t-il pas eu
l'effrortlerie révoltante de Qualifier de mau
vais citoyens les*1 hommes au cœur et au
sang Belge, qu'il soupçonnait d'avoir porté
des plaintes la cour de Rome contre les
tendances anticalholiques du faux libéra
lisme? Un système d'impôt attentoire aux
droits de la propriété, de la famille, et
encourageant le parjure ne sera-t-il sous
peu soumis la législature?
Quelle sera la conséquence de la doc
trine de nos libe'râtres, négation formelle
du catholicisme? l'ivraie jetée dans le sol
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abouue A Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et cirez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX ME t.'AltO\*l.tIIvïT, par trliucstre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n» a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine (insertions 13 centimes la ligne).
anecdote turque.
{Suite.)
«A
LE PARJURE.
La soirée était fort avancée. Aussitôt qu'il eut
achevé son tchiboulck, le Turc b la longue barbe
blanche s'éloigna son tour et s'en fût pas lents
jusqu'à la maison qui lui servait de résidence. Il
avait pris sous son bras la petite cassette, et parais
sait la porter avec autant de précaution qu'en pour
rait prendre un homme chargé d'un trésor. Mais
cependant, mesure qu'il avançait vers sa de
meure, ses pensées prenaient une teinte plus som
bre et plus soucieuse. Quiconque eût pu percer
l'ombre et "regarder fixement son visage n'eût pas
eu grand'peine comprendre qu'il se livrait en lui
quelque grand combat.
A chaque pas qu'il faisait vers sa maison, le doc
teur delà loi plissait-son front de rides nouvelles;
ses sourcils se fronçaient et ses yeux ne lançaient
plus maintenant qu'un regard oblique. Ce n'était
pas sans cause qu'il était ainsi en proie a la plus
grande agitaliou. Les démons de l'avarice et de la
concupiscence venaient d'entrer en foule dans son
cœur, et ils en tourmentaient la surlace. Celte cas
sette qu'il avait reçue en dépôt et qu'il avait promis
de rendre au retour d'Osman, les joyaux qu'elle
contenait, d'autres richesses dont on ne lui avait
pas parlé, mais qu'elle pouvait recéler encore, al
lumèrent tumultueusement ses désirs. Passant par
dessus les scrupules que son caractère de docteur
de la loi devait cependant lui faire respecter, il se
laissa dominer par toutes les mauvaises pensées qui
l'assiégeaient, et peine fut-il arrivé en sa demeure
qu'il succomba a la tentation d'ouvrir la cassette
du pèlerin.
Cette première faute accomplie, il ne lui fut plus
aussi difficile d'en commettre une seconde, bieu
plus grave encore et qui était pour ainsi dire la
conséquence de sa curiosité. Ainsi qu'Osman lui en
avait fait l'aveu au moment de partir, lacasselteren-
fermait des joyaux de prix Vhoggia y trouva de
plus un rouleau de piastres fortes, et il fit main
basse en même temps sur les piastres fortes et sur
les joyaux.
Vhoggia, qu'on appelait du nom de Nnh-Ef-
fendi, tressaillait de joie b la vue de ces richesses,
qu'il venait de s'approprier. Ainsi qu'un grand
nombre de musulmans infidèles aux préceptes de
la religion, il s'était livré .dès sa première jeunesse
h la débauche et b l'ivrognerie, et persévérait en
secret dans ces coupables déportements. Ni les ex
hortations de ses amis, ni les menaces du divan,
n'avaient pu corriger cette méchante nature, qui
faute d'efforts pour résister retombait toujours dans
ses plis comme un arbre mal venu que l'agricul
teur cherche vainement a redresser.
En voyant sous un seul coup d'œil une somme
eu or considérable et des joyaux de grand prix
réunis sous sa main, Nuh-Effendi sourit b la pensée
de reprendre avec plus d'éclat que jamais le train
de vie de sa jeunesse. Le temps des fêtes, des ban
quets, des promenades harmonieuses sur les eaux
du Bosphore allait recommencer pour lui sans qu'il
lui en coûtât rien, si ce n'était la peine dc'puiser
dans le coffrefort que la crédulité du pèlerin lui
avait confié.
Sur ces entrefaites, l'hoggia s'endormit, et loin