JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N<> 3402.
Mercredi, 8 Mai 1850.
33me année.
TPB.ES, 8 Mai.
REVUE POLITIQUE.
La tâche des électeurs est singulière
ment facilitée aux élections prochaines.
Elles n'exigent ni préparation, ni délibé
ration, ni comparaison, ni tâtonnements
en ce qui concerne MM. Jules Malou et
Van Renynghe: l'hésitation n'est ni per
mise ni possible. 11 ne s'agit que d'accom
plir un acte réparateur de reconnaissance
et de justice d'une part, et un acte de re
connaissance d'autre part.
L'esprit calomnieux de parti a proscrit
un talent éminent, sans avoir égard aux
services rendus, l'utilité du pays, la
gravité des circonstances. Le corps élec
toral a été leurré et tloué au moyen d'in
trigues et de manœuvres sans nom: les
libéraux qui se respectent ont déploré eux-
mêmes le résultat de l'effort surexcité des
passions aveuglés. Des regrets universels
ont suivi M. Jules Malou dans sa retraite.
La dignité civique de chaque électeur en
particulier, les intentions faussées du corps
électoral, la réputation d'indépendance et
d'intelligence de nos populations, indi
quent la nécessité d'une réhabilitation
éclatante, laquelle applaudira le pays
entier. L'œuvre a été commencée sous
d'heureux augures aux dernières élections
pour le Sénat, rebrousser chemin serait la
plus absurde des inconséquences.
AuxtilresquepossédaitM.VanRenynghe
la confiance de ses commettants, il vient
d'en joindre de nouveaux par la dernière
discussion sur l'enseignement moyen. L'es
prit français de centralisation que des Mi
nistres étrangers s'opiniâtrentà introduire,
l'ilotisme politique auquel ils entendent
réduire les communes, la croisade contre
les droits du père de famille dans l'éduca
tion de ses enfants, la spoliation du con
tribuable pour soutenir des établissements
inutiles, l'opposition systématique aux in
térêts religieux des populations; tous ces
leviers rais en œuvre pour affaiblir le
caractère national et le faire descendre
jusqu'au niveau d'un peuple léger, sans
principes solides, ont rencontré dans M.
Van Renynghe un adversaire décidé, la
fois modéré et ferme, maintenant les droits
de la vérité en présenced'une majorité que
liaient malheureusement trop d'engage
ments pris et que dominaient trop de pré
jugés pour céder.
Toujours est-il que l'orgueil doctrinaire
de MM. Rogier et Frère a dû plier devant
une minorité courageuse en comprenant
l'enseignement religieux parmi les matières
de l'enseignement des athénées et des col
lèges. C'est une honte sans doute pour un
pays catholique que l'admission de l'en
seignement religieux ait rencontré- deis
contradicteurs. Aucune voix n'àurait dft
s'élever pour la combattre. Aucun mi
nistre n'aurait dû la mettre en oubli. Mais
enOn, puisque nous vivons en des temps
où un pareil spectacle se déroule, il re
vient M. Van Renynghe une part impor
tante dans une concession qui a été une
véritable conquête. En pratique, elle nè
peut être considérée comme Une améliora
tion réelle d'une loi entièrement empreinte
d'un cachet anti-religieux, mais au point
de vue politique On peut apprécier com
bien le principe a dû coûter au ministère,
puisque M. Rogief s'est écrié a la fin de la
discussion qu'il était allé jusqu'aux der
nières limites des concessions <Ju'il pou
vait faire. Qu'on juge de l'esprit dont le
gouvernement est iufeclé, quand il coûte
tant de laisser ranger l'instruction reli
gieuse parmi les devoirs de la jeunesse
studieuse, et que l'admission de cette
matière, d'abord omise dessein, est en
visagée par lui comme une suprême con
cession, faite la dernière heure, en jetant
les hauts cris, dans la crainte d'une explo
sion plus fortede l'esprit public froissé que
l'adresse des 80,000 pétitionnaires.
Assurément qu'à une époque où toutes
les libertés constitutionnelles sont inces
samment menacées par des chicanes qui
tournent, éludent et dénaturent les articles
les plus clairs du pacte foudamenlal, des
hommes d'ordre, au sens droit, au cœur
patriote tels que MM. Van Renynghe et
Malou sont indispensables: ensorte que
les obligations des électeurs envers eux
et l'intérêt public concourent pour arrêter
sur ces deux citoyens le choix libre et una
nime de tous.
La Procession jubilaire du Saint Sang
que le mauvais temps a fait remettre d'un
jour, a parcouru hier son itinéraire avec
le plus grand ordre, au milieu d'une foule
innombrable. Vers onze heuresdu matin la
pluie est venue contrarier la marche, qui
néanmoins a continué. Rien n'est compa
rable l'imposant aspect de la Grand'Place
de Bruges au moment de la bénédiction
du Saint Sang l'autel construit devant
l'hôtel-de-ville. Le nombreux clergé pros
terné sur les douze marches et de chaque
côté de l'autel, les quatre évêques en ha
bits pontificaux, ce peuple immobile, la
têtedécouverte, genoux, et les sonsgraves
de la musique religieuse dominant au milieu
du silence universel tout ce merveilleux
appareil était comme le témoignage una
nime du genre humain, que le Sang qu'on
exposait l'adoration est bien celui qui fut
répandu pour tous les hommes, et dont
tous attendent le salut. Aussi loin que du
Marché il était possible d'apercevoir un toit,
il était couvert de monde. Les maisons
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne A Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, el chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'IBSISGIIEIIT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur paratt le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (lasertlons 19 centimes la ligne).
Les journaux allemands s'occupent beaucoup de
l'arrivée de l'Empereur de Russie Varsovie.
Suivant eux, le Czar y ferait un assez long séjour
et surveillerait de là les mouvements de l'Europe;
il n'interviendrait que dans le cas de troubles qui
compromettraient l'ordre général.
Les correspondances générales de Madrid an
noncent qu'aucune mesure définitive n'a été ar
rêté jusqu'à présentrelativement la dissolution
des Cortès.
Une dépèche télégraphique parvenue Madrid
le 5o avril annonçait, pour le surlendemain, l'ar
rivée d'un courrier de cabinet porteur des pièces
relatives a la solution du différend diplomatique
entre l'Espagne et l'Angleterre.
Paris est toujours tranquille, cependant des
bruits menaçants circulaient le 4. On parlait de
manifestations tumultueuses pour le soir, et l'on
allait même jusqu'à dire que des bombes fulmi
nantes seraient le commencement et le signal de
l'émeute. La politique adoptée par les meneurs
socialistes ne permet pas de croire que ces bruits
dussent se réaliser. Les chefs du parti ne veulent
engager la lutte qhe sur une question qui puisse
tromper et décider les masses; ils se réservent,
comme nous l'avons déjà dit, pour la loi sur le
suffrage universel. Aussi malgré les sinistres ru
meurs dont nous venons de parler, la plus grande
tranquillité continuait régner dans toute la capi
tale, samedi soir au moment du départ des dernières
correspondances.
Pas de nouvelles importantes de Paris. La fête
de samedi, favorisée par un temps magnifique, a
été très-brillante; aucun incident fâcheux n'a
marqué le 2* anniversaire de la proclamation lé
gale de la République; malgré les appréhensions
manifestées par quelques journaux, l'ordre n'a pas
été un seul instant troublé.
Les nouvelles de Paris ne soDt pas plus inté
ressantes. Tout s'efface devant la question de la
réforme électorale. Le parti démagogique qui se
voit menacé dans son existence, jette les hauts
cris, et cherche par ses odieuses menaces, inti
mider ses adversaires.
M. de Broglie, chargé de rédiger l'exposé des
motifs de la loi électoralea dû soumettre lundi
son travail h la commission. On croyait que le
projet serait présenté aujourd'hui l'Assemblée.
La réunion du quai d'Orsay s'est assemblée
le 5 au soir, elle était fort nombreuse, et elle a
traité une question fort grave. On a entendu tour
tour MM. de Montalembert, Jules de Lasteyrie,
Thiers et Berrver, de Larochejacquelein, Molé,
etc.... MM. Thiers, Berryer, Molé ont vivement
impressionné l'auditoire en parlant des dangers de
la situation, des moyens d'y remédier et de la
nécessité pour tous les hommes qui veulent sauver
le pays d'agir de concert. Puis on a abordé l'objet
principal de la réunion c'est-à-dire le projet de
réforme électorale, et, après une discussion qui n'a
pas duré moins de deux heures, l'assemblée, une
graude majorité, a décidé qu'elle soutiendrait le
principe de l'urgence que la commission doit ré
clamer en faveur du projet.