JOURNAL D'TFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3394.
33me année.
7??.SS, 10 Avril.
REVUE POLITIQUE.
Le gouvernement prussien paraît fort
embarrassé du rôle qu'il joue Erfurt;
d'un autre côté, le découragement s'em
pare des députés qui voient que les affaires
ne marchent pas. La confusion s'est mise
dans le parlement d'Erfurt.
La prochaine élection de Paris est en ce
moment le sujet de toutes les préoccupa
tions. On comprend généralement que la
lutte électorale qui va s'ouvrir peut avoir
des conséquences incalculables. Et cepen
dant, il est triste de le dire, la prévision
d'un danger imminent ne suffit pas encore
pour mettre d'accord des hommes si inté
ressés ne pas se diviser, en face d'un en
nemi qui n'épargnera personne.
Le parti légitimiste est décidé, dit-on,
s'abstenir entièrement dans l'élection du
28 avril. Les chefs de ce parti ont fait con
naître les motifs de leur abstention. La
manière de procéder de l'Union électorale
d'une part, et le choix de M. Foy de l'autre
ont motivé la conduite de ce parti dans
cette circonstance.
Dans le parti démocratique ce ne sont
pas les abstentions qui menacent de rom
pre la ligue électorale, mais les dissidences.
Le bruit s'est répandu Paris que le
Pape avait été empoisonné pendant le
voyage par un remède qui lui avait été
préparé.
L'ENSEIGNEMENT ET LES FINANCES.
LE PRINCE D'UN JOUR.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, el chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX. DE L'IBMKEIIK.VT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° o5.
l e Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 11 centimes la ligne).
Les libéraux exclusifs ont la nain réellement
malheureuse, surtout en ce qui concerne la manu
tention des ressources publiques, de la fortune du
pays. La plupart égoïstes et cupides, dépourvus de
principes religieux et animés d'une aversion in
quiète contre ceux qui attachent du prix h la con
servation de ces principes, en cherchant sans cesse
d'un coté a s'enrichir coûte que coûte, et d'un autre
coté h guerroyer coûte que coûte contre l'église
catholique et ses prêtres, ils ont porté de temps
en temps les coups les plus désastreux a la pros-
périié générale.
Ils ont détruit sous Joseph II le calme, le bon
heur, la concorde, le régime d'impositions modé
rées qu'avait su fonder la sagesse de Marie-Thérèse,
qu'exalte encore le légitime orgueil de nos vieil
lards. Ilsapplaudissaient chaque foisque l'esprit no
vateur du monarque blessait les antiques libertés
de uos provinces, parce que les innovationsl'enga-
geaient principalement dans une voie hostile contre
le catholicisme; et de leurs suggestions ils recueil
lirent les calamités de la guerre, une révolution, la
division du pays en deux ou trois partis, dont les
rivalités entraînèrent la défaite après beaucoup
de sang répandu.
Ce furent des libéralistes qui allèrent de Brux
elles et de Liège au nom du libéralisme, solliciter
de la Convention la réunion des provinces belges h
la république régicide de 93, alors que le couteau
de la guillotine était tous les jours rougi du sang
des victimes de Robespierre. Ils se disaient faus
sement les envoyés du pays, et accélérèrent l'ac
couplement monstrueux d'une nation sage et calme
avec un état anarchique et impie. Qu'est-ce qui
les poussait ainsi h consommer le malheur de leur
patrie? Ils voyaient qu'en France la violence ré
volutionnaire était avant tout dirigée contre
les prêtres, les couvents et les catholiques, et ils
étaient impatients d'assouvir de même leur haine
par la destruction leur convoitise par les spolia
tions. Peu importait dès lors que le peuple belge
allait perdre ses franchises et jusqu'à son nom, peu
importait qu'il allait se trouver en guerre avectoute
l'Europe pour une cause honteuse et criminelle, il
suffisait que le catholicisme fût opprimé, que les
biens des églises fussent confisquéset que l'a
théisme eût le champs libre. Des essaims d'étran
gers vinrent s'emparer de toutes les places lucra
tives, les villes étaient dévastées et couvertes de
mines, les dépôts de l'orphelin, les ressources du
pauvre, les deniers publics étaient enlevés et gas
pillés bientôt arrivèrent les contributions de
guerre, les emprunts forcés et les assignats; la jeu
nesse restait sans éducation elle était vouée bru
talement des guerres sans fin toutes les familles
étaient dans la désolation, et alors que faisiez vous,
libéraux? Vous pouviez vous applaudir de votre
œuvre, la religion parraissait démolie, l'influence
cléricale, comme vous parlez, était chassée, vous
voyiez le résultat de vos vœux et de vos efforts;
mais nous ne voulons pas dire que vous vous en
réjouissiez, car toutes les familles avaient gémir,
et vous aviez aussi votre part des souffrances.
Le temps a cicatrisé les plaies, l'énergie reli
gieuse s'est réveillée, les autels ont été rétablis, le
commerce a refleuri,et aprèsWaterloo, il s'est con
solidé un royaume qui offrait sous le rapport finan
cier d'inappréciables avantages. Les produits de la
fertile et industrieuse Belgique allaient se répandre
par toute la terre, grâce l'esprit mercantile et
spéculateur des Hollandais, aidés de leurs colonies
et de leur flotte. Mais les libéraux exclusifs n'a
vaient pas oublié leur rancunes anti-religieuses.
Servîtes courtisans du despotisme, ils stimulèrent
les caprices du monarque calviniste pour troubler
Si vous croyez que c'est si aisé d'être
prince et d'en faire la charge!
Arlequin roi par hasard.
Philippe le Bon, duc de Bourgogne, comte de
Flandre, souverain de la plus grande partie des
Pays-Bas méridionauxétant devenu encore, par
l'abdication de Jacqueline de Bavière, comte de
Hollande, de Zélande et de Frise, alla recevoir
dans ces nouveaux Etats les serments de fidélité.
Il était accompagné d'Isabelle de Portugal, sa jeune
épouse, en l'honneur de laquelle il donna de belles
fêtes dans le palais de la cour de Hollande La
Haye.
Pendant ces ébats, qui égayèrent les vastes édi
fices qu'on appelle aujourd'hui La Haye le Bin-
nenhof, il arriva une petite aventure que quelques
chroniqueurs ont placée Bruges et d'autres
Dijon, mais saus raison et sans autorité, car le héros
de l'histoire est nn ivrogne dont la conduite scan
dalisait la ville, ce qui est conforme aux mœurs de
La Haye alors très-réglées; tandis qu'à Bruges en
ce temps-là et Dijon dans tous les temps, les
gens qui laissent leur raison au fond d'un verre
sont malheureusement en si grand nombre, qu'on
remarque peine leurs écarts.
Du reste, le fait a été célébré de plus d'une ma
nière et mis au théâtre plus d'une fois, mais tou
jours avec de nombreuses altérations. Le père
Ducerceau en a fait une charmante comédie de
collège. Nous donnerons de ce trait singulier une
narration fidèle, établie sur les récits et les tradi
tions les plus exactes.
1
Il y avait La Haye, au coin de la rue dite
Korle-Poote ou rue des Petits-Pieds et de la rue
des Grands-Pieds (Lange-Poote),- une modeste
boutique où vivait joyeusement un jeune homme
qui se nommait Willem. Il était du métier des
savetiers. Il travaillait si vite et si bien, qu'il gag
nait très-agréablement sa vie et celle de sa mère,
qui n'avait d'autre soutien que lui. Quoiqu'il eût
trente ans, il n'était pas marié. La raison en était
que les sages jeunes filles du voisinage ne voulaient
poiut pour époux un homme qui avait de mau
vaises habitudes. Willem ne pouvait souffrir qu'une
fête passât devant lui sans la célébrer comme un
homme très-altéré; et les rejouissances publiques
ne manquaient jamais de mettre sa bourse sec.
Si quelques princes donnaient un festin ou un bal,
il se croyait tenu leur faire raison, en buvant
leur santé dans quelque cabaret. Sa mère, après
beaucoup de réprimandes inutiles, avait pris son
parti de cette habitude, que Willem rachetait par
ses soins, son travail et sa tendresse filiale.
Or, pendant les fêtes que Philippe le Bon don
nait avec faste, Willem, qui tous les princes
étaient chers, s'imagina qu'il faisait partie essen
tielle des joies de la cour; et muni de quelques
florins qu'il avait cachés sa inère, il se mit boire
gaiement pour montrer qu'il prenait part au con
tentement de son souverain, vidant chaque coup h
son honneur, et cordialement sonmis a l'absurde
usage de s'enivrer la santé d'un homme qui ne
s'en porte pas mieux.
Le bon duc Philippe, avec un caractère peut-
être un peu trop absolu, étant homme d'imagina
tion, avait coutume de se promener quelquefois la
nuit, sans entourage nombreux, habillé en simple
gentilhomme, soit pour juger par ses yeux de l'état
et de la police des villes, soit pour jouir aussi du
plaisir qui n'est pas dédaigner de se trouver un
moment hors de l'étiquette, libre comme un homme
aprèsavoirété tout le jour esclave commeun prince.
Ainsi faisait le fameux kalife Héroun-al-Reschid,
le héros des Mille et une Nuits; ainsi avaient fait
en Espagne Pedro le Justicier, et Charles le Sage
en France; ainsi fit plus tard Charles-Quint.
La même nuit où nous avons laissé Willem