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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N« 3387.
Samedi. 16 Mars 1850.
33me annee.
7P3.3S, 16 MARS.
Si par une bizarrerie de caractère tout-
à-fait étrange et itiouie, il, aviuJ qu'un
capitaine de navire voulut làilcer son vais
seau au milieu de l'Océan, sans gouvernail
et sans pilote, quelles ne seraient point les
sages remontrances du public pour le dé
tourner d'un projet aussi dangereux, aussi
téméraire? Mais combien encore ne se
raient elles pas plus vives les clameurs,
les alarmes des assistants, s'il arrivait que
semblable parti fut pris, par un temps
d'prage et de tempête? Partout ne se re-
crierait-on pas contre une résolution aussi
irréfléchie? partout ne s'indignerail-on
contre une conduite aussi coupable aussi
insensée?
Peuples de l'Europe, ne vous étonnez
doue guère des pénibles alarmes auxquelles
la nation Belge se livre celte heure; mais
témoins de notre effroi, partagez nos justes
angoisses. Eclairés que vous êtes par les
rayons de l'expérience, mieux que per
sonne vous savez qu'au port gouvernemen
tal, ils existent chez nous, ces capitaines
assez imprévoyants pour essayer, de con
fier aux Ilots impétueux de l'époque, dé
pourvu de pilote et de gouvernail, le navire
de l'Etat chargé d'un trésor sans égal en
richesses, la jeunesse, l'espoir de la patrie.
Oui, nous osons en appeler au témoi
gnage de tout homme, chez qui les pré
jugés n'ont point altéré l'intelligence;
n'est-ce point meltreen rade, par un temps
gros d'orages, un navièe sans gouvernail,
sans pilote, que d'abandonner le jeune âge
aux folles passions, aux idées anti-sociales,
aux principes subversifs qui caractérisent
notre époque, sans lui donner le prêtre
pour guide, la religion pour soutien?
N'est-ce point livrer la patrie naissante au
jouet des vents révolulionnairesqui ébran
lent l'édifice social que de fermer l'école au
ministre du culte, et de rayer l'enseigne
ment religieux du plan des études? Pour
faire sentir toute la vérité et la justesse de
ce raisonnement, parcourons un instant
ces nations chez qui le frein religieux a
été brisé dans l'éducation publique, el là,
quel spectacle s'offre-t-il nos regards?
l'autorité de la loi y est méconnue; les
mœurs y sont grossières et féroces; la li
cence el la tyrannie y étendent leur em
pire; la paix des familles y est troublée;
le désordre, l'anarchie, l'infidélité y ont
leur siège coté du Trône et jusque dans
le foyer de la plus modeste chaumière.
Par contre; considérons ce peuple qui
répudie le matérialisme, l'irréligion, l'im
piété dans l'enseignement de la jeunesse
et dans son sein vous verrez la fidélité des
sujets l'égard de leur monarque toute
épreuve; jamais une arme régicide n'y sera
forgée; l'autorité légale y demeure invio
lable; le pouvoir paternel y est garanti
ainsi que la piété filiale el l'union domes
tique; partout dans les écoles, l'enfance
grandit dans les plus heureuses habitudes;
la paix, le bonheur régnent dans toutes
les classes; et pourquoi? Parce que la re
ligion est la seule puissance qui commande
au riohe la bienfaisance, la charité; qui
forme le cœur du pauvre la patience et
riCE.
Ou s'aboune "Yprès, rue de Lille, io, près la Grande
Place el elle/, les Percepteurs des Postes du Royaume,
fKII lit: L'.tBSVtEHIiXT, par trimestre,
Yprcs fr 3. Les autres localités fr 3 5o. XJu n» a5.
Le Propagateur parait le H.tMKni et le MKHCRKRI
de chaque semaine (insertions 1> centimes la ligne)'
REVUE POLITIQUE.
Les dernières troupes russes reste'es Cracovie
ont repris, le 8 mars, la route du royaume de
Pologne.
Les nouvelles de Berlin disent qu'on espère que
les négociations avec le Daneraarck, reprises très-
activement, auront un heureux résultat.
La ratification du traité de Munich relatif h la
Constitution allemande, par les trois cours qui y
ont pris part, est officielle.
Des nouvelles du Pirée, en date du 5 mars,
reçues par voie extraordinaire, annoucent que
l'Angleterre vient de lever le blocus.
Paris est toujours plongé dans la consternation.
Les journaux s'efforcent en vain de rassurer la
population alarmée; tout le monde comprend que
la France a reçu un coup dont elle se relevera
difficilement.
Le résultat des élections et la situation politique
que celles-ci viennent de créer au pays sont tou
jours l'objet de toutes les préoccupations. Comment
pourra-t-on faire face désormais aux éventuali
tés? L'inévitable crise que l'on pressent, sera-t-
elle suscitée parle pouvoir, ou bien lés socialistes
prendront ils l'initiative d'un coup de main insur
rectionnel? Dans cette alternative se résume a peu
près toute la question c'est un dilemne dont il faut
accepter l'une ou l'autre donnée.
Quelques journaux conseillent des mesures éner
giques, mais ils se renferment dans des termes va
gues; d'autres, et l'organe de M. Victor Hugo est
de ce nombre, engagent M. Louis-Napoléon Bo-
naparteà désavouer hautement toute arrière pensée
impériale ou consulaire, et h se rattacher eufin aux
républicains.
Dans le Bas-Rhin, la liste démocratique a triom
phé, mais seulement une majorité de 5,ooo voix
sur gg,ooo votants.
Des dépêches télégraphiques parvenues hier a
Paris annoncent que le parti de! l'ordre l'aurait
emporté dans sept départements; ce résultat lui
assurerait 11 nominations.
ALDOVRINDIIS 31 A G N US.
¥1.
RETOUR A GAND. [Suite.)
Elle parlait encore et le prêtre cherchait h calmer
la pauvre femme, qui donnait en effet des signes
d'agitation précurseurs trop certains de la démence,
lorsque l'archiduc entra, le front plissé par la co
lère et par le mécontentement. Il embrassa froide
ment la princesse au front, alla au berceau de son
fils, qui se trouvait dans une pièce voisine, et après
avoir donné aux femmes qui s'y trouvaient l'ordre
de s'éloigner, il fit signe au prêtre de venir le
trouver
Mou père, dit-il, j'ai entendu les aveux
que vous faisait l'archiduchesse, et le hasard qui
vous a rendu le chirurgien el le confesseur de
ma femme vient eucore de vous faire son confident.
Vous comprenez que la reconnaissance et la né
cessité vous attachent désormais h ma maison.
Soyez-moi fidèle pour l'avenir comme vous m'avez
été utile par le passé, et votre fortune est fait. Je
vous nomme donc aumônier de l'archiduchesse, et
vous remplacerez son confesseur, don Minola, parti
cette nuit, d'après mes ordres, pour l'Espagne, où
il méditera dans un cachot sur les dangers de l'in
discrétion.
Don Miuola avait, comme vous, surpris le
secret des accès de démence qui s'emparent de
temps autre de l'archiduchesse; il avait confié ce
mystère 'a un des officiers de ma maison cet officier
est son compagnon de voyage. Vous voyez que je
sais punir comme je sais récompenser.
Maintenant voici l'ordre que je vous donne.
Vous ne sortirez point de ce palais, sous quelque
prétexte que ce soit personne ne vous connaît ici,
et vous ne direz personne ui votre nom ni d'où
vous veuez. Dans quelques jours aura lieu le bap
tême de mon fils; puis sa mère partira pour l'Es
pagne vous serez du voyage, car entre vous et la
reine c'est désormais la vie et la mort. Si quel
qu'un vous connaît h Gand, que ce quelqu'un vous
croie mort. En effet il n'existe plus rien en vous
du pauvre prêtre que vous étiez encore hier au
soir. Selon que vous agirez, vous êtes destiné a
la fortune la plus inouïe ou bien une prison sans
fia. C'est h vous de choisir.
vu.
A PRAGUE ET A VITTORIA.
Memlinck, A ri ton i us et dame Marguerite restè
rent donc plongés dans la plus vive inquiétude sur
le sort de leur ami toutes les démarches sans nom
bre auxquelles ils se livrèrent pour découvrir
quelque chose de sa destinée demeurèrent inutiles.
Ils passèrent dans l'afflictiou et dans les larmes les
fêtes du baptême du jeune priuce nouveau-né et ne
prirent aucune part aux réjouissance que la ville de
Gand célébra avec tant d'éclat et d'enthousiasme.
La cérémonie eut lieu dans l'église deSaint-Bavon,
et l'aumônier de la reine, qui présenta l'enfant h
l'eau sainte, tint constamment son visage caché
sous le capuchon de son aumusse, de manière h ce
que personue ne put voir ses traits.
Le sentiment de douleur causé par la disparition
mystérieuse d'Adrien finit par s'amortir peu peu.
dans le cœur de ses amis, grâce au succès obtenu
par les peintures d'Antonius. En effet, leur exhi
bition attira beaucoup de curieux le nom du jeune
artiste se répéta avec enthousiasme dans la ville, et
le plus riche bourgeois de Gand. Adam Spendle-
maus, acheta les principaux tableauxd'AIdnvrandus
pour les envoyer en présent aux ducs de Parme et
de Plaisance, qui favorisaient beaticonp dans leurs
États le commerce du riche marchaud.
Le nom d'Aldovrandus se répandit donc glo
rieusement en Italie comme il s'était répandu en
Flandre, el l'Espagne ne tarda point elle-même a
savoir ce nom célèbre, car un jour il arriva chez le
jeune peintre une lettre h son adresse qui contenait
un bon de mille pièces d'or sur le plus riche mar
chand de la ville, et qui lui demandait en échange
de cette somme le meilleur et le plus important de
ses tableaux. L'œuvre précieuse devait être adres
sée a Madrid, h l'aumônier de la reine. L'aumônier