JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3374.
33"»- année.
7PB.SS, 30 Janvier.
Au moment où l'Assemblée législative
élabore un projet de loi concernant les
denrées alimentaires; au moment où l'es
prit public se porte sur le sort réservé
l'agricpllure Belge, compromise dans sa
richesse et dans ses succès par les parti
sans du libre-échange, il est du devoir
d'un journaliste indépendant d'entretenir
ses lecteurs des différentes opinions émises
dans la Chambre, et de mettre les cultiva
teurs même de savoir quels sont ceux de
leurs mandataires qui prennent leurs in
térêts défense.
Sans vouloir nous arrêter particulière
ment sur la conduite du gouvernement
l'égard de la classe agricole, en nous po
sant en adversaires déclarés de la propo
sition faite par le ministère d'augmenter
les contributions foncières, il est facile de
juger combien étaient sincères les pro
messes faites par le cabinet du 12 Août
1847 l'agriculture quand on voit avec
quelleopiniâtrelé,le ministère fransquillon
Rogier, se refuse frapper les céréales
étrangères d'un droit de douane. En vain
M. Coomans par les raisons les plus fon
dées et les plus lucides a-t-il démontré
qu'il était de la justice administrative de
laisser le trésor percevoir un impôt sur le
froment exotique alors que, par des droits
importants on favorisait les produits ma
nufacturés; envain MM. de Liedekerke et
de Dentreghem, pour assurer l'agricul
ture une protection, méritée ont-ils fait
valoir, la lourdeur des taxes qui pèsent
sur l'ouvrier agricole; rien n'a pu con
vaincre le ministère de la nécessité de
subvenir au cultivateur belge, et de le
défendre contre les spéculations qui s'o
pèrent, grâce la facilité avec laquelle le
froment étranger s'étale sur nos marchés.
En présence des théories professées par
le cabinet libéràtre, théories dont l'appli
cation serait si préjudiciable l'industrie
agricole, il est fâcheux de ne trouver dans
nos représentants locaux, aucun champion
des travailleurs agricoles; bien plus, il est
doublement triste d'avoir vu un de nos
mandataires prêter son suffrage aux ad
versaires de la première industrie Belge.
Plusque jamais les électeurscampagnards,
devront reconnaître quel vide, quel lacune
l'absence de M. Jules Malou a fait dans les
Chambres; car il est de notoriété publique,
que, si cet homme d'état distingué, se fut
trouvé au parlement, sa voix pénétrante
et sage eut retenti d'un bout l'autre du
royaume, pour le salut de ^agriculture,
comme elle vibra, il y a du temps, lorsqu'il
fut question de frapper le tabac, d'un im
pôt lourd et odieux.
Voilà entremille autresfaits,unexemple
fâcheux de l'erreur et de l'aveuglement du
public aune époque passée;non seulement
le district d'Ypres, a perdu sa gloire et sa
considération dans les Chambres, mais ce
qui est plus, l'agriculture qui est la cause
publique compte un chaleureux défenseur
de moins, depuis que la coterie cartonnée,
est parvenu faire trôner ses créatures.
S'il faut en croire la rumeur publique,
des scènes de désordre, prenant le carac
tère d'une insurrection auraient eu lieu
l'école des Orphelins de notre ville. Cette
révolution scholastique, qu'on attribue gé
néralement la manière de faire quelque
peu bizarre de certain quidam, dont les
élèves prétendirent leur instituteur de
venu la victime, semblable aux soulève
ments populaires aurait basé son triomphe
sur les coups de pierres et d'autres objets
contondants. L'effervescence, parait-il, au
rait été si vive, et l'irritation si passionnée
qu'il a fallu la prompte intervention du
nouveau Régent, pour soustraire la ré
volte, l'individu qui en servait de jouet, et
qui s'est trouvé quitte pour une égratignure
la main. Instruits de ces faits, quelques
membres de l'administration des Hospices
se seraient rendus la dite école afin de
s'assurer si les mutins étaient rentrés dans
le devoir. Reconnaissant qu'il n'est point
de notre compétence de nous poser en
juges de ce qui se passe dans l'Institution
dont M. Desiere s'est éloigné après 22 ans
de louables services, nous publions ces
nouvelles sous toute réserve nous gardant
même de demander avec la généralité s'il
est vrai qu'entre benefaciens et benedictas
il y a une différence que tout le monde
puisse voir.
LA NIECE DU PAPE.
VÉRITÉ ET JUSTICE.—
L'ouverture de In Salle de spectacle d'Ypres
sura lieu le Dimanche, 10 Février prochain, a n
heures du soir, par un bal paré et déguisé au béné
fice des pauvres de cette ville. Prix d'entrée fr. i-5o.
II. {Suite.)
LE BOULA S» ER.
Ce fut avec une dignité' comique et prétentieuse
que maître Claude promit sa protection h tous ses
voisins et amis. Il était ivre de joie et d'orgueil.
Depuis la veille, il avait ri, pleuré, chanté, fait
mille folies, et l'énivreraent causée par la nouvelle
apportée par le moine ne l'avait pas eucore aban
donné. Aussi, comme on le pense bien, il n'avait
pas quitté sou bel ajustement tout neuf, et d'après
ses ordres, sa femme et sa fille devaient se tenir,
comme lui, dans une mise du sort brillant que son
imagination rêvait déjà dans l'avenir.
Quand je serai dans mon castel, se disait-il
tout le jourj'aurai des gardes, des vassaux, ma
table sera royalement servie, et je ferai bâtir un
four, car le mien commence devenir mauvais.
Dans sa lete, l'idée de sa position présente se
mêlait h ce qu'il espérait dans l'avenir, et le brave
homme était encore si étourdi qu'il ne pouvait voir
bien clair dans sa pensée. C'était surtout pour sa
fille qu'il Se créait de beaux rêves; car il faut
rendre cette justice a maître Claude, qu'il aimait
sa fille par dessus tout.
Pauvre enfant! je la verrai donc richement
dotée, femme de quelque haut et puissant seigneur,
accoutrée et vêtue comme une princesse! Par ma
barbe! qu'elle sera bien ainsi!...
Cependantquand le premier moment de joie
fut passé, maître Claude songea a mettre profit
sa qualité de frère du pape. Il fut convenu entre
lui et Guilleruette, avec laquelle il était parfaite
ment réconcilié, que l'on partirait le plus tôt pos
sible pour Avignon, qu'on se rendrait auprès du
pape et qu'on lui présenterait sa nièce. Le départ
une fois arrêté, il ne fut plus question que de le
mettre a exécution, et maître Claude s'en occupa
activement. Il ferma sa boutique, réalisa quelques
créances, et s'enquit de trouver une mule pour lui
et sa femme, et une haquenée pour fa fille.
Pendant que les préparatifs se faisaient, Guide—
mette,entrant un jour dans la chambre de Blanche,
vit la jeune fille assise auprès du vitrail et plongée
dans une profonde rêverie.
A quoi penses-tu donc, ainsi Blanche? lui
demanda-l elle.
Au passé et a l'avenir, mère,répondit Blanche.
Et certes, l'un doit te paraître plus gracieux
que l'autre. Il y a huit jours, tu allais épouser Ger
main, et tu ne pouvais espérer d'être appelée toute
ta vie que mademoiselle, comme il convient a la
femme d'un bourgeois maintenant il se peut que tu
épouses un seigneur, et l'on t'appellera madame.
Oui certes... mais Germain...
Germain, tu le vois, n'est pas revenu; il a
compris qu'il ne pouvait plus prétendre h la nièce
du pape.
Les préparatifs du départ durèrent encore quel
ques jours Blanche ne fit rien pour les in terrompre.
Enfin, maître Claude ayant tout arrangé, tout
conclu, un malin Blanche monta sur sa belle ha
quenée, le boulanger enfourcha sa mule, et Guil-
lemette se hissa comme elle put, derrière son mari,
sur le pauvre animal qui baissa la tête, comme ac
cablé sous l'honneur de porter a la fois deux si
grands et surtout deux si gros personnages. Le bou
langer jeta un dernier regard sa maison, et la
caravane se mit en marche au milieu des acclama
tions des bourgeois, qui tous avaient quitté leur
demeure pour faire leurs adieux a Fournier. Celui-
ci répondit aux acclamations par de petits saluls
protecteurs, toucha par ci, par là, la main quel
ques uns de ses plus anciens amis, et disparut au
grand déplaisir de la foule qui commençait le
trouver plaisant.
Quelques joursaprès,un jeunehomme de bonne
mine et de tournure avenante, quoique son cos
tume annonçât qu'il appartenait la bourgeoisie,
attendait dans une des salles basses du palais papal
Avignon. Un cardinal venait de l'introduire dans
I