JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
33me année.
7??.2S, 26 Janvier.
LA. NOUVELLE POLITIQUE.
Fraîche est encore la mémoire des men
songes et des calomnies dont s'est servi la
presse libéràtre, afin de pressurer la chute
de l'ancieu ministère et éliminer de la re
présentation nationale les capacités dont
le pays était en droitde s'énorgeuillir. Les
Detheux avaient hébété nos populations,
les Malou poussé le char des finances au
bord de l'abîme, et nos intérêts en général
n'étaient rien moins que négligés. Il fallait
des mains plus habiles, des hommes nou
velle politique pour conduire le pouvoir
au port du salut.
Le ministère Detheux-Malou, tout en
déposant son bilan auquel ses ennemis
mêmes durent rendre justice, laissa les
rênes du gouvernement entre les mains
de Rogier-Frère-Dehaussy. Ils s'étaient
vantés d'avoir le spécifique de rendre ls-
vie l'industrie, au commerce et l'a
griculture, les trois branches de notre
richesse nationale; de relever les Flan
dres, enfin, d'être les avant-coureurs d'un
nouvel âge d'or.
Mais quel moyen de faire tout ce bien
la Belgique avec ces vieux roturiers de
gouverneurs, de commissaires de district
etautresadministrateursdelamêrae taille?
Avec la nouvelle politique tout devait être
remanié voire même les Chambres légis
latives. En vérité l'on se mit l'œuvre; et
avant l'ouverture des collèges électoraux,
qui devaient avoir lieu dans toute l'étendue
du pays, l'on n'entenditque promesses fas
tueuses et professions de foi de politique
nouvelle, toutes marquées au coin de la
plus minutieuse économie. Qui oubliera
jamais ce chef-d'œuvre qui parut dans les
colonnes du Progrès! Force serait aux mi
nistres présents et futurs de réduire leurs
budgets au plus strict nécessaire, de sup
primer les sinécures, de rabattre les gros
traitements afin d'alléger les charges des
contribuables. Enfin il s'agissait de s'em
barquer sur le vaisseau du bonheur, pourvu
cependant qu'on consentît donner lecoup
de pied aux Malôu et la préférence aux ca
pacités nouvelles.
Certes il ne fallait pas davantage pour
duper uu grand nombre d'électeurs: aussi
a-t-on vu sans surprise sortir de l'urne
électorale des noms si prestigieux. Mais
l'heure de contrôler les actes de ces hom
mes nouveaux a sonné. Qu'ont donc fait
ces soi-disant sauveurs, tant ministres que
députés? Qu'est-ce que le pays a gagné
l'apparition de la nouvelle politique? En
voici une petite esquisse: beaucoup de
destitutions, remplacées par des nullités
qui étaient peine en état de tracer une
phrase en bon français; de mises la re
traite avec grosse pension, de maint fonc
tionnaire qui encore longtemps aurait pu
servir le pays; la suppression de deux
commissariats de district, mais dont les
bénéfices ont profité aux autres titulaires
seuls; l'institution de commissions sans
nombre pour toute sorte d'affaires dont le
résultat le plus saillant a été de fortes
sommes d'argent payer par les contri
buables aux créatures de la politique nou
velle; deschansons populaires pour amuser
les pauvres et les payants; des expositions
de carottes, etc., avec des médailles pour
jeter de la poudre aux yeux des cultiva
teurs; des fêtes et des danses la solde du
pays: L'on a vu une Chambre employer
trois jours voter une loi qui n'en deman
dait pas une demi-heure; une Chambre
qu'on dirait avoir été de connivence avec
le cabinet de nouvelle allure pour que le
Sénat ne pût discuter loisir ni amender
d'importants projets de loi; une Chambre
enfin poser des lois protectrices au com
merce et l'industrie, favorisant les gros
centres et le pays wallon, et maintenir la
libre entrée des céréales et autres denrées
alimentaires, audépensde nos agriculteurs
et éleveurs de bestiaux. Enfin la plupart
de nos nouveaux représentants se sont
montrés beaucoup plus empressés tou
cher leurs deux cents florins de Hollande
par mois, qu'à se souvenir de leurs pro
fessions de foi politique. Nous ne louche
rons pas au trente millions de dettes dont
nos hommes la nouvelle politique pa
raissent avoir déjà enrichi la Belgique,
malgré les deux lourds emprunts qu'elle
a eu supporter.
LA NIECE DU PAPE.
No 3373.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On g'abonne A Vprèsrue de Lille, 10, près la Grande
Place, et cbei les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABMXEHENT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5-
Ee Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions centimes la ligne.
I. {Suite.)
LE BOULANGER.
La jeune fille se releva alors et embrassa ses
parents;on eut dit que la bénédiction qu'elle ve
nait de recevoir avait fait disparaître de son cœur
toute inquiétude, car sa figure prit aussitôt une
expression moins sérieuse.
On heurta h la porte; maître Claude ouvrit, et
un jeune gars, qui pouvait avoir vingt ans environ,
entra d'un air joyeux c'était Germain, l'épouseur
de Blanche. Après un instant, il témoigna son im
patience d'aller l'église.
Par saint Germain mon bienheureux patron
dit-il, jamais journée ne fut plus belle pour moi
que celle-ci. Mais qui nous retient maintenant
Voilà ma gracieuse Blanche si gentiment atouruée
que c'est merveille voir; ma mère Guillemette
elle-même est parée si fraîchement qu'on la pren
drait pour la sœur de sa fille... Parlons!... hâtons-
uous
Soit! dit maître Claude. Aussi bien l'heure
s'avance, et le premier coup de la messe ne tar
dera pas souner.
Blanche, tremblante d'émotion, s'appuya sur le
bras de son père, Germain prit la main de Guille
mette, et déjà on s'avançait vers la porte, lorsqu'on
moine se présenta, demandant parler maître
Claude Fournier. Le boulanger quittant le bras de
sa fille, introduisit le moine et parut prêt l'é
couter.
Que voulez-vous de moi, sire moine? de-
manda-t-il avec respect.
Je viens vous apporter des nouvelles de
votre frèremaître.
Claude le regarda tout ébahi.
Des nouvelles de mon frère... répéta-t-il,
dites-vous vrai, sire moine, ou vous jouez-vousde
moi?... Des nouvelles de mon frère Jacques Four
nier
De votre frère Jacques Fournier, affirma le
moine.
Mais... dit en hésitant le pauvre boulanger
hors de lui, il a donc manqué son serment? Il ne
devait en voyer de message céans que s'il devenait...
pape!
Il n'a pas manqué son serment.
Par saint Claude! que dites-vous là, sire
moine? Jacques Fournier... mon frère, serait...
Pape, sous le nom de Benoît XII. Après la
mort de Jean XXII, les cardinaux assemblés ont
porté au trône pontifical le cardinal Blanc. Celui
qui s'appelait ainsi n'était autre que votre frère.
Pape!... s'écria maître Claude abasourdi;
pâpc Benoît XII cardinal Blanc mon frère
Jacques!... ou je suis fou ou Satan me possède.
Non, maître, vous n'êtes pas fou, et si vous
voulez vous assurer de la vérité de mes paroles,
le palais papal est Avignon. J'ai rempli mon
message, maintenant que Dieu vous garde!
A ces mots il sortit, laissant les quatre personnes
qui venaient d'être témoins de celte scène, muettes
de surprise et de saisissement. Maître Claude fut
le premier qui retrouva l'usage de sa langue.
Je suis le frère du pape! s'écria t-il lout-k-
coup en se redressant d'une manière comique, ma
femme est la belle-sœur du pape!... ma fille est la
nièce du pape!
Puis il se mit sauter, et en fit faire autant aux
meubles et aux escabeaux, qui retombaient pêle-
mêle au milieu de la boutique. Tout ce qui se
trouvait sur sou passage était reoversé sans pitié.
Guillemette, comme reveillé ce bruit, sortit enfin
de sa stupeur.
Allons! allons, maître Claude, lui dit elle,
modérez votre joie; vous allez mettre en pièces
votre beau justaucorps neuf.
Par le ciel ma mie, vous êtes plaisante avec
vos avis, reprit le boulanger d'un air dédaigneux
croyez-vous que ce soit pour m'en régaler que je