JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3367.
33me année.
Au moment où une fraction nombreuse
de représentants partage la soif d'écono
mies que le déficit de nos finances et le
malaise commercial etagricole font éprou
ver avec tant de force, et qu'elle se montre
disposée faire le sacrifice d'une de nos
plus belles institutions, d'une armée qui
faisait notre sécurité l'intérieur et inspi
rait le respect aux nations étrangères; ce
qui nous étonue, c'est l'insouciante pro-
digualité dont le ministère et ses fidèles
de la Chambre des représentants nous ont
donné tant de preuves.
Ainsi nous les voyons, malgré vent et
marée, maintenir l'exploitation des che
mins de fer de l'État; aujourd'hui qu'il est
démontré qu'un énorme déficit en doit dé
couler annuellement pour le pays. Au lieu
d'en faire l'abandon des sociétés parti
culières, on préfère créer pour les contri
buables un impôt annuel de sept huit
millions; et certes, le temps est loin en
core où il est permis d'espérer quelque
amélioration cet état de choses.
Tout récemment, au détriment du trésor
et de l'agriculture, nous avons vu le parti
ministériel repousser une imposition mo
dérée, dont la section centrale proposait
de frapper les céréales étrangères.
A la vue de ces actes empreints de si
peu d'économie, qui ne serait tenté de
croire l'état prospère de nos finances; et
dès lors, comment excuser la désorganisa
tion de l'armée, devant laquelle ne recu
lerait pas un grand nombre de membres
du parti qui nous gouverne? li faut un mal
incurable et profond qui motive ce remède
suprême. Car ce n'est pas la légère qu'il
est permis d'exposer la Belgique des bou
leversements possiblesdes désastres dont
la moindre conséquence serait de consom
mer la ruine el la banqueroute nationales.
Il faut la raison suprême du salut public
pour exposer notre patrie, jusqu'aujour-
d bui si calme et si digne aux yeux du
reste de l'Europe, devenir un foyer de
désordres, d'émeutes et de révolutions; et
par suite, pour conjurer contre nous les
grandes Puissances, dépositaires de la paix
et de la tranquillité du monde. L'exemple
de Cracovie et les menaces qui s'amoncè-
lent tous les jours sur la Suisse déma
gogique devraient suffisamment présager
notre sort. Que pourrait alors la Belgique
désarmée contre les justes vengeances de
l'Europe mettant dans notre perte l'espoir
unique de son propre salut.
Pour nous, étrangers au pouvoir, ainsi
qu'à tout intérêt personnel, jamais la vue
_du bien commun ne s'effacera devant des
rancunes de parti. Depuis 1842 nous ne
sommes pas changés. Nous ne craignîmes
pas cette époque de renverser un minis
tère ami, en rejetant les propositions du
général DeLiem, ministre de la guerre,
dont les chiffres nous paraissaient trop
élevés. Aujourd'hui nous soutiendrons nos
adversaires, en tant que leurs exigences
nous paraîtront justes et raisonnables.
Nous signalons avec bonheur la désap
probation générale qui s'attache de plus
en plus aux mesures déplorables de -M.
de Haussy, dans notre patrie si libre el si
catholique. L'opinion se soulève de toute
part devant celte étrange politique, qui
déjà a privé de tant de soulagements le
pauvre et l'infirme. On sait comment les
conseils communaux de Mdns et de Thou-
rout ont recemuient accueilli ,les préten
tions ministérielles. La courageuse attitude
de l'un a du faire pressentir au ministère
quelque chose du mécontentement public;
et la noble indépendance de l'autre lui a
prouvé qu'il est des hommes pour qui le
libéralisme n'est pas une duperie, un son
creux, vide de sens.
L'AGRICULTURE ET LE MINISTÈRE
LIBERAL.
L'agriculture par sa richesse et son uti
lité, a été constamment un objet de la
sollicitude et de la protection spéciale des
gouvernements et des peuples. La culture
des terres, chez les anciens surtout, était
dans une grande estime. La profession de
laboureur ne dût-elle pas paraître des plus
honorables, et des plus méritantes alors
que les Hiéron, les Attale, les Archélaiis
et les Calon donnaient leurs soins et leur
travail composer des livres sur cette ma
tière? Chez les Assyriens et chez les Perses
on récompensait les satrapes dans le gou
vernement desquels ou trouvait les terres
bien cultivées, et l'on punissait ceux qui
négligeaient ce soin. A Rome, après le
culte des dieux et le respect pour la reli
gion, rien n'était tant recommandé que la
culture des champs, et plus d'une fois
l'histoire rapporte que des mains victo
rieuses et triomphantes conduisirent la
charrue.
Ces témoignages divers de la sympathie
non équivoque qu'ont accordée les pre
mières politiques, l'art de labourer la
terre devraient suffire pour arrêter toute
l'attention des Etats actuels sur cette
branche de la richesse publique, si plus
que jamais il n'était démontré que l'agri
culture est la mère et la nourrice du genre
humain, le principal revenu des gouver
nements et la source abondante des be
soins publics. C'est ces titres que les
princes les plus sages, les ministres les
plus habiles ont soutenu et encouragé le
commerce agricole.
Malheureusement la nécessité de secou
rir l'agriculture ne semble plus si intime
ment reconnu, ni prouvé par nos gouver
nants de nouvelle espèce. Le vote émis
récemment par la législature Belge et ten
dant proroger de six semaines la loi du
51 décembre 1848 qui autorise l'impor
tation des blés étrangers, confirme nos
paroles. Aucun motif puissant ne militait,
vrai dire, en faveur du maintien pur et
simple de la législation actuelle si ce n'est
le profit de quelques spéculateurs. Bien
des intérêts par contre, étaient en droit
d'exiger qu'on dérogàt au système établi
en portant 1 franc, au lieu de 50 cen
times par 100 kilogrammes, les droits sur
les céréales étrangères importées dans no
tre pays.
Sans nous arrêter sur la situation pré
caire du Trésor, qui n'eut qu'à gagner par
la création d'une recette dont le pays ne
pouvait souffrir, nous ne craignons point
de dire que l'agriculture, son grand avan
tage, se trouvait en droit de protester con
tre l'état actuel des choses. La récolte,
bénissons-en la Providence, a été pleine et
abondante; le froment, voir les mercu
riales se vend un prix fort réduit; en
présence des importations de céréales exo
tiques qui ont été considérables en novem
bre et en décembre dernier, c'est peine
si nos fermiers trouvent une occasion de
se défaire de leurs marchandises les
impôts cependant ne reserrent pas moins
les populations de la campagne, et le fisc
n'attend pas un jour mettre la main sur
les deniers que gagne le cultivateur la
sueur de son front.
Nous savons que les arguments que nous
faisons valoir au profit des cultivateurs
rencontreront des objections de la part de
certains aveugles adorateurs du soi-disant
libéralisme. Nous n'ignorons guère qu'on
nous dira, que la mesure volée n'est que
transitoire; nous ne serions aucunement
étonnés de voir certaine presse s'ébahir
devant les plaintes que nous formulons,
alors que le ministère a ouvert des expo
sitions agricoles. Mais les spéculations ne
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On Vaboune Ypres, rue de Lille, 10, près la Grand
Place, el chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)
7PP.ES, 5 Janvier.