JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Ko 3208.
31me année.
7??.SS, 28 Juin.
FRANCE. Paris, 23 juin.
VÉRITÉ ET JTSTIOE.
Ou «'abuune àYpres, rue de Lille, lo, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
l'HIX l>E L'ABOIXEIIEIT; par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3-5o. Uo n° i5.
I.e Propagateur paraît le M H EDI et le MliKt RIJM
de chaque semaine, (insertions 19 centimes la ligne).
L'indépendant de Douai publie la Dote sui
vante sur M. Quinetle, uommé ministre de France
en Belgique
C'est un excellent choix, qui forme un hono
rable contraste avec les choix honteux si fermement
flétris par M. de Boissy dans une lettre fameuse.
M. Quinette est un citoyen d'une haute moralité,
d'une probité toute épreuve, dont la vie privée
est digne de tous les éloges; il possède uue fortune
assez considérable.
Il a longtemps habité la Belgique avec son
père, ex-conventionnel, l'un des proscrits de la
Restauration. Ce n'est pas toutefois un républicain
de la veille ce correctif fera sans doute froncer le
sourcil de nos exclusivisles radicaux mais qu'im
porte a la France
L'archevêque de Paris, qui a été atteint d'une
halle dans les reins au moment où il allait, précédé
de la croix, porter des paroles de paix aux insurgés,
est dans un état très-alarmant. Il a demandé rece
voir l'extrême onction.
Une lamentable nouvelle s'est répandue, Mgr.
l'archevêque de Paris a succombé dans la soirée
après avoir été administré ce matin. C'est une perte
irréparable pour le clergé, pour les fidèles et les
pauvres dont il fut le père. Il est mort martyr de
son dévouement b l'humanité. [Union.)
L'instruction de l'affaire de Risquons-Tout pa
raît terminée, comme nous l'avons fait connaître
hier. On nous annonce des révélations tout b fait
piquantes. Il y a ati dossier un ordre écrit de M.
Delescluze lui-même, qui enjoint a un douanier de
guider la colonne expéditionnaire. C'est une pièce
que M. Ledru-Rollin réclamera sans doute, pour
le joindre au dossier de l'affaire Blervacq
[Journal des Flandres.)
M. le duc de Brabant, prince royal, a fait sa
première communion a l'église de Laeken. C'est M.
de Coninck, doyen de Saiute-Gudule, qui avait
fait l'instruction religieuse du prince, qui a officié.
Par suite des événements de Paris, les gé
néraux de l'armée belge ont reçu l'ordre de rester
b leurs postes, ainsi que les chefs de corps.
A trois heures, la Cité a été le théâtre de dés
ordres. Une colonne d'environ deux cents individus
s'est formée sur la place Dauphine sous la direction
d'un personnage déjà âgé, bien connu du quartier,
et qui y avait organisé le mouvement du i5 mai.
Plusieurs gardes de l'ancienne garde républicaine,
en uniforme mais sans armes, faisaient partie de la
cohorte. Apres avoir bu nombre de boulelles de
bière au café qui forme le coin de la place, ces
individus annoncèrent l'intention de se rendre a
l'Assemblée nationale. Ils se mirent en marche en
criant Five la République démocratique et
sociale.' Pour peu que la devise s'allonge encore
on devra l'apprendre par cœur. Un avocat criait
Vive la République qualifiée!
A cinq heures, une catastrophe a eu lieu dans
la Cité. La garde républicaine s'étaut approchée
d'une barricade pour fraterniser avec le peuple, et
se trouvant entre deux barricades, deux décharges
simultanées ont été faites toute la compaguie
républicaine a été massacrée.
L'École polytechnique est arrivée b 4 heures a
l'Assemblée nationale après avoir traversé l'émeute.
M. Senard, président, la remercie chaleureuse
ment, au nom de l'Assemblée, du concours qu'elle
vient de prêter. La voix de l'orateur est couverte
par les cris de Vive l'Assemblée nationale.
Après l'attaque de la barricade de la porte
Saint-Denis, et pendant que l'on était occupé b la
détruire, M. Bertiu, ancien notaire, a été atteint
d'une balle dans l'aine. La blessure paraît très-
dangereuse. Au même moment, ud garde national
a été tué raide par une balle au front.
Parmi les gardes nationaux tués dans l'attaque
de cette barricade, on cite M. Avrial, banquier.
Un des combats les plus meurtriers est celui
qui a livré place Lafayette. Deux cents gardes na
tionaux mobiles y sout restés sur la place. Après
une lutte d'une heure et demie, les insurgés ont été
repoussé b l'aide du canon, vers la Villette.
M. Francis Masson, avoué, chef de bataillon,
a été tué b la barricade du pont Saint-Michel.
Il s'était avancé, suivi de gardes nationaux, jus
qu'à la barricade du pont Saint-Michel, malgré le
feu de ceux qui la défendaient, s'y élança le premier,
et de sa main désarma un officier de la garde natio
nale qui combattait avec les émeutiers, et il le con
duisit prisonnier b la Préfecture de police, tandis
que l'on détruisait cette première barricade pour
marcher sur celles qui la soutenaient en arrière. Ce
prisonnier déposé au poste, M. Masson se hâtait de
regagner la place Saint-Michel, suivi de quelques
voltigeurs du 12de ligne, lorsque, au moment où,
se mettant b la tète des gardes nationaux de sou
bataillon, il s'avançait vers l'église Saint-Severin,
dont les cloches mises en branle par les insurgés,
sonnaient le tocsin, uue décharge partant de la bar
ricade, presque b bout portant, l'étendi raide mort,
atteint d'une balle au front.
A la place de l'Estrapade, les insurgés avaient
fait des prisonniers. Forcés d'abandonner la barri
cade, les factieux se sont livrés b un acte attroce de
barbarie. Plutôt que de lâcher les prisonnier, ils
les ont lâchemeut assassinés en leur tranchant la
tête. Cinq gardes mobiles ont été victimes de cette
acte de cannibalisme. Un représentant a été ponr
ainsi dire, témoin d'une de ces exécutions. C'est un
homme habillé en femme, qui, avec un sabre fraî
chement aiguisé, remplissait l'office de bourreau.
Paris*4 juin.
L'Assemblée nationale s'est réunie ce matin a 8
heures. Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'elle ne s'est
occupée que de terribles événements qui ensan
glantent Paris depuis deux jours.
Peu d'instants après sa réunion, la Commission
exécutive a présenté sa démission en masse. Celte
démission a été immédiatement acceptée.
L'Assemblée a ensuite désigné soixante de ses
membres pour se rendre sur les divers points de la
capitale, et venir lui rendre un compte exact de la
situation des choses et des esprits.
Les membres désignés sont partis aussitôt pour
remplir leur mission, etsont revenus successivement
présenter leur rapport a la tribune.
Ils ont appris a l'Assemblée que parmi les in
surgés il y avait des forçats libérés, un grand nombre
de repris de justice, les ex montagnards de Sobrier,
les soldats de l'ancienue garde républicaine licen
ciée qui n'avaient pas été admis dans la nouvelle.
A deux henres, M. Duclerc est monté b la tribune
pour annoncer la démission de tout le ministère.
Le bruit circulait b deux henres dans la salle des
conférences que Rouen était en insurrection.
Des rapports précis manquent encore sur l'éten
due des pertes occasionnées par la lutte, mais il
n'est malheureusement que trop certain qu'elles
sont considérables; il y a un grand nombre de morts
et de blessés.
Parmi les blessés on cite MM. les généraux
Bedeau, Lafontaine, plusieurs officiers supérieurs;
MM. Clément Thomas, Dornès et Bixio, représen
tants du peuple; le dernier est, dit-on, blessé mor
tellement enfin une foule d'autres personnages
connus b divers titres, et dont les noms m'échappe
en ce moment.
M. Lefevre, qui a servi dans l'armée belge en
qualité de capitaine d'artillerie et qui commandait
un bataillon de la 2° légion de la garde nationale,
a reçu une balle dans la poitrine. On désespère de
ses jours.
Paris est en état de siège depuis ce matin.
Tout l'intérieur de la ville est couvert de troupes
et de gardes nationaux. La circulation est presque
complètement interceptée.
Les insurgés ont été successivement refoulés vers
les points extrêmes. Un fort parti s'est retranché du
côté du Panthéon, où on les a cernés et où on les
combat b outrance. Beaucoup d'entre eux se sont
établis dans des maisons, d'où ils tirent sur la troupe
et dont il faut faire le siège comme h Saragosse. On
assure que le général Cavaignac a menacé de mettre
le feu b ces maisons, s'ils ne se retiraint pas.
Un mouvement a été tenté sur Vincennes. Le
commandant aurait fait savoir aux insurgés qu'il
était décidé a se défendre jusqu'à la dernière ex
trémité, en ajoutant que lors même qu'on parvien
drait b entrer dans le fort on u'aurait point Barbés,
attendu qu'il lui brûlerait la cervelle plutôt que de
le laisser enlever.
Parisi5 juin.
La garde nationale de Pontoise a cruellement
souffert. Faut-il le dire, les journées des 23, 24 et
25 juin compteront plus de victimes que les révo
lutions de r83o et de février i848 réunies.
Plusieurs petits journaux de Paris n'ont point
paru. On n'en entend pas crier un seul dans les rues.
Les insurgés 11e font pas ou presque pas de pri
sonniers. On a vu derrière les barricades des têtes
élevées au bout des baïonnettes, des lances ou de
piques. Leur drapeau est surmonté d'un bonnet
rouge. Leur but a été, sur beaucoup de points, le
pillage et l'incendie ils ont mis le feu b la mairie
du 8° arrondissement et b beaucoup d'hôtels de la
place Royale.
La garde nationale de la Chapelle s'est mêlée
aux insurgés. Sur toute cette ligne du boulevard
extérieur, les insurgés ont employé les maçons qui
sont daDS leurs rangs b creneler le mur d'enceinte
et b élever des barricades formidables. Le général
Cavaignac a donné l'ordre de lancer sur ce point
une pluie de boulets, de biscaïens et de mitraille.
Il parait que dans l'attaque d'hier qui a été
dirigée contre le Panthéon où les insurgés s'étaient
barricadés, le canon a fait d'épouvantables dégâts
sur les colonnes et sur une foule d'objets d'art. 3oo
insurgés avaient battu en retraite dans le collège
Henri; la garde mobile les y a suivis, et, après avoir
fait sortir les élèves et les professeurs, a impitoya
blement passé les insurgés par les armes.
Nous recevons la lettre suivante qui dous
parvient b l'instant