JOIRNAL D YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
3
31 me année.
FiyoLLinr©^.
CANDËLARIA,
7??.20, 22 MARS.
Il est d'un heureux augure que l'har
monie qui semblait un instant sur le point
de s'ébranler dans le gouvernement répu
blicain provisoire de France, se soit au
contraire consolidée. La satisfaction don
née l'opinion publique sur les circulaires
de MM. Ledru-Rollin et Barrot, inspirées
par une première ardeur inconsidérée qui
s'explique, ne contribuera pas peu ras
surer la confiance des électeurs, et faire
espérer des choix dignes, libres, réfléchis,
capables de donner la France une assem
blée nationale la hauteur des lumières et
des nécessités de l'époque. Aucun Français
qui aime son pays, et quel Français vou
drait encourir le reproche contraire? ne
pourra négliger d'aller remplir le devoir
que lui impose une occasion solennelle,
unique, d'où va dépendre l'avenir de sa
patrie, le sort de l'humanité en Europe, la
paix ou la guerre, le progrèscivilisateur,ou
la barbare anarchie, le refus des conscien
ces ou une serie de vexations religieuses.
Jusqu'à présent au milieu de la grande
commotion qui vient d'agiter le peuple,
deux attentats par voie d'autorité en haine
de la religion ont été seulement signalés,
part quelques violences populaires dé
vergondées Lyon et Toulouse. C'est
bien trop sans doute, mais c'est moins as
surément que ne pouvaient le faire crain
dre de fâcheux souvenirs. La marche de
liberté sans entraves que veut suivre le
gouvernement autorise présager que la
voix du primat des Gaules ne sera point
repoussée, et que l'arrêté de M. Emmanuel
Arago, dissolvant brutalement les congré
gations religieuses dans le département du
Rhône sera retiré. L'expulsion des reli
gieuses de l'hôpital par la nouvelle com
mission des hospices de Valenciennes est
d'un arbitraire tout aussi blâmable, et di
rectement nuisible la population néces
siteuse qu'il n'est pourtant plus permis de
fouler aux pieds. Ce ne serait point inau
gurer une liberté sincère que de recourir
aux rigueurs proconsulaires, tombées en
désuétude, d'uue époque heureusement
déjà loin de nous, contre les paisibles com
munautés d'où se répondent sur la société
la bienfaisance, l'instruction, la piété, la
consolation de tous les malheurs, tandis
u'aux clubs de l'aris des départements,
es doctrines mauvaises, violentes, anar-
chiques, sauvages, peuvent impunément
et sans frein ni relâche, travailler les mas
ses, surexcitées par les déceptions éprou
vées, l'irritation du moment, le besoin et
des espérances exagérées.
Les personnes déléguées auprès du Mi
nistre de l'intérieur, dans le but de supplier
le gouvernement de venir en aide notre
industrie dentellière, si compromise par
les derniers événements de France, sont
rentrées dimanche dernier.
Elles ont immédiatement convoqué leurs
commettants, pour leur faire part du ré
sultat de leur mission. Une réunion de
fabricants a, en conséquence, eu lieu lundi
soir l'Hôtel de la Tête d'or.
11 résulte du rapport qui y a été fait, que
la dépulation a lieu de se louer de l'accueil
qu'elle a reçu de Monsieur Rogier, qui lui
a laissé entrevoir la possibilité, pourla ville
d'Ypres, d'obtenir, par la suite, un secours
qui, en mettant nos magistrats même de
contribuer continuer le travail la classe
ouvrière, leur assurera les bénédictions
des malheureux qui se souviendront avec
reconnaissance qu'ils leur auront dû, com
me pendant l'hiver de 1846, le pain qui les
aura nourri, eux et leurs familles.
Ayons foi aux promesses du premier
Ministre du Roi, et espérons qu'Ypres, qui
a toujours été si sobre de démarches du
genre de celle qui vient d'être faite, n'aura
pas en vain eu recours au gouvernement,
et que celui ci accordera toutes ses sym
pathies une ville que les circonstances
éprouvent si cruellement aujourd'hui.
La troupe de M. Colommer-Avuillion,
établie au cirque olympique dressé sur la
place du Cloître S'-Marlin, a donné ses
premières représentations. Le public nom
breux qui s'est rendu ce spectacle tou
jours attrayant a été pleinement satisfait
de la soirée. Tous les sujets de la troupe
rivalisent de zèle et d'aptitude. Les diffé
rents exercices ont lieu avec aplomb,
agilité et bon goût. Messieurs EJIiotle, père
et fils, artistes anglais, se font remarquer
particulièrement par leurs tours de force
et d'adresse, qui dépassent tout ce que l'on
a jamais vu et tout ce que l'on pourrait
s'imaginer.
Hier vers le soir un caporal ivre se mit
crier vive la république! Arrêté par un
oflicier, il a été conduit la grand' garde
accompagné d'une foule de gamins.
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VÉRITÉ ET JUSTICE.
on
LA FILLE AI CETTE ET LE GÉAKHIL 4VECCLK.
{Suite)
Le déjeuner, auquel j'avais invité M. Derivière,
après en avoir démandé la permission au général,
se passa de la manière la plus agréable. Jamais mou
pauvre voisin ne m'avait semblé aussi calme et ne
s'était montré plus parfaitement aimable. Sa bonne
grâce allait jusqu'à paraître heureux du retour de
sa santé, lui pour qui la vie était cependant le
fardeau.
Comme il revenait toujours sur sa reconnais
sance pour les soins qu'il avait reçus du docteur,
celui-ci lui dit
Général, je vous ai guéri de votre pleurésie,
c'est vrai, et j'en suis charmé mais il y a une chose
qui me ferait encore plus d'honneur, et surtout plus
de plaisir ce serait de vous rendre la vue. J'ai la
certitude que rien ne serait plus facile, si vous
vouliez vous soumettre une petite opération, qui
u'offre aucun danger et ne cause que très-peu de
douleur.
Je ne crains ni la douleur ni le danger, mon
cher docteur, répondit le chevalier; mais je suis
habitué inon infirmité, et le privation de la lu
mière est un regret de moins pour un pauvre pros
crit comme moi.
Songez, dis-je mon tour, que votre exil peut
cesser d'un moment l'autre, et alors de quelle joie
ne seriez-vous pas privé, si vous ne pouviez pas
revoir cette patrie qui vous est si chère
Je n'ai plus de patrie vous le savez bien,
mon jeune ami et c'est pour cela que je n'ai plus
besoin de mes yeux. J'obtiendrais ma grâce que je
ne rentrerais pas en Espagne car je m'étais con
damné la proscription avant de connaître la loi
qui m'a proscrit.
Je n'insiste pas, reprit le doctenr mais, si
jamais vous changez d'avis, ayez la bonté de vous
souvenir que je suis entièrement vos ordres.
Le général remercia, puis il se bâta de donner
nue autre direction la conversation. Quelques
instants après cet incident, le docteur Derivière
nous quitta pour aller faire sa visite quotidienne
l'hôpital.
Quand nous fûmes seuls, le chevalier et moi, je
lui demandai pourquoi il se refusait une chose
qui, en supposant qu'elle lui fût indifférente, serait
une joie pour mon cœur et un graud allégement
pour sa chère Candélaria.
Parce que mon infirmité est une punition de
Dieu, ce qui fait que les hommes n'ont pas le droit
d'y toucher. Depuis trois ans bientôt que je suis
aveugle, je sais que mon mal n'est pas incurable,
et je bénis le ciel qui m'a envoyé la grâce d'une
expiation volontaire.
Général, répondis-je, transporté de la gran
deur de ce repentir et du génie de cette conscience,
l'épreuve a duré assez longtemps, et maintenant
que vous avez l'avis d'un médecin, vous devriez
peut-etre consulter un prêtre, pour savoir si votre
persévérance n'est pas un outrage à-la miséricorde
divine, ou une satisfaction donnée l'orgueil hu
main.
Jettne homme, me dit-il avec émotion, vous
avez des arguments qui ne laissent pas que de jeter