JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 2706.
Samedi, 9 Septembre, 1843.
2l7me annce.
Le journal officiel du conseil communal
annonce que les impôts extraordinaires
qui ont été accordés la ville pour faire
face aux dépenses extraordinaires de ces
dernières années, telles qu'indemnités pour
les pillages, etc., ne pourront plus être
perçus l'année prochaine, moins que le
gouvernement n'accorde une nouvelle per
mission de maintenir ces impôts. La ré
gence ce qu'il paraît sollicitera ce main
tien pour dix ans, c'est dire jusqu'à
l'année 1853. Il est bon que nos conci
toyens n'ignorent pas que dans la somme
des impôts extraordinaires, qui pèseront
pendant dix années sur la ville, doit figu
rer la modique somme de cent cinquante
mille francs, pour le soutien d'un collège
de soixante élèves.
Consacrer quarante mille francs l'ins
truction des enfants pauvres de toute une
province, c'est dilapider les deniers pu
blics. Voilà ce qu'affirme un journal ami
des lumières, de la civilisation et du pro
grès! Qu'on s'en souvienne! Consacrer
quinze mille cinq cents francs de deniers
communaux, l'instruction moyenne d'une
soixantaine de jeunes gens, qui pourraient
faire leurs études sans coûter un centime
la caisse communale, c'est faire un acte
de bonne administration! Voilà ce que sou
tient le même journal! Jamais l'aveugle-
BETTY, OU LA FEMME DÉTERMINÉE.
ment de la passionn'a produit une con
tradiction plus manifeste.
Si les bienfaits de la civilisation se ré
pandent avec difficulté, les penchants vi
cieux qui semblent s'attacher son déve
loppement infectent jusqu'aux lieux les
plus éloignés des grands centres de mou
vement. Et même ici on tient encore
sauver les apparences, tandis que là se
manifeste le scandale dans une dégoûtante
nudité.
C'est ainsi que l'on trouve aujourd'hui
Poperinghe, ce que l'on y eut cherché
vainement il y a quelques années, savoir:
des jeunes gens de l'un et de l'autre sexe
qui se livent au dérèglement, des lions et
des rats, et encore sont-ils entachés d'une
dégénérescence complète.
En preuve de cette assertion, nous al
lons exhiber un petit échantillon recueilli
au sein de la police correctionnelle.
Deux filles, jeunes encore, mais pas trop
jolies cependant, s'occupent le jour la
dentelle ou la couture, et le soir s'en
vont de cabaret en cabaret offrir des œufs,
des' noisettes, etc., pour subvenir leurs
besoins et la subsistance d'une mère fort
âgée, ce qui sans doute est louable et mé
rite même des encouragements. Néan
moins la voix publique, atrocement mé
chante pour le dire en passant, dans la
petite ville dont il s'agit, leur attribue une
conduite plus ou moins équivoque, une
conduite repréhensible qui atténuerait d'u
ne singulière façon le dévouement filial
que nous venons de signaler.
Or, il est arrivé que six joyeux, trop
joyeux compagnons, la tête enflammée par
le jus du houblon, expulsés du cabaret
S'-Sébaslien par la police après dix heures
du soir, ont trouvé bon d'aller prendre un
pot de café et un pot de genièvre chez les
Dames blanches (on les appelle ainsi cause
de leur tablier blanc). Nous croyons bien
que, dans certains cas, l'accueil eut été
parfait. Mais devant les violences, devant
les cris, surtout devant les manières cy
niques de nos six énergumènes, il a fallu
que l'une des deux filles passât par la fe
nêtre pour aller invoquer le secours de la
police. Son désappointement a dû être
grand, lorsqu'elle a vu que l'agent qui se
trouvait la permanence ne voulait point
se déplacer, sans avoir d'autre motif, com
me il a été obligé de le reconnaître l'au
dience, si ce n'est qu'il avait vu sortir cette
fille de S'-Sébastien en même temps que
les gaillards qu'il en avait fait déguerpir.
Le lendemain plainte fut portée chez le
commissaire de police. A défaut de té
moins, il s'abstient de dresser procès-ver
bal. Finalement, une vieille mère outragée
dans son domicile trouve une main chari
table pour adresser au procureur du Roi
ses doléances légitimes.
On s'abonne Yprea, Grand'-
Place, 34, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE I.'A BONNE3IEXT,
par trimestre
Pour Ypresfr.
Pour les autres localités A
Pria d'un numéro
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur paraît
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Il centimes par ligue. Les ré
clames, tS centimes la ligne.
vérité et justice.
7PBSS, 9 Septembre.
FEÏILLETOV.
En 1798, lord William Seymour avait terminé,
dans l'île de Wicht, au milieu d'une propriété
magnifique, la construction d'un superbe château
qu'entourait une antique forêt, dont les arbres
séculaires se jouaient des tempêtes les plus vio
lentes. 11 n'habitait cette belle demeure que pen
dant l'été et une partie du printemps; la mauvaise
saison, il la passait Londres.
C'était en l'hiver de l'an 1816. Il n'y avait que
trois personnes qui logeassent au château c'était
John, garde de chasse, Richard, domestique, et
ûetty, servante âgée de 18 ans seulement. La
campagne était couverte de neige; le vent du Nord
soufflait avec force; le froid était des plus intenses.
Il était environ trois heures de l'après-midi,
lorsque se présenta au château de lord Seymour
vu hallier, qui portait un énorme paquet sur son
six gaillards et deux tabliers blancs.
dos. Betty étant venue lui ouvrir la porte, il lui
demanda de pouvoir passer la nuit au château, et
lui offrit un beau foulard pour l'y engager. Mais
Betty, qui connaissait son devoir, lui dit qu'elle ne
pouvait pas y consentirparce que lord Seymour
ne voulait pas qu'un inconnu logeât chez lui. Cet
homme insista encore, mais voyant qu'il ne pou
vait persuader Betty d'accéder h son désir, il lui
demanda de pouvoir au moins déposer sa pesante
charge dans un appartement du château. Betty
céda a cette prière; et le colporteur déposa son
fardeau dans une pièce voisine et s'en alla.
A peine était il parti que Betty fut saisie d'une
grande terreur, qu'elle ne pouvait s'expliquer.
Quoil disait-elle, cet homme aurait pu porter ce
lourd ballot jusqu'ici, et il prétend qu'il mourrait
de fatigue s'il devait le transporter un peu plus
longtemps. 11 n'a pas l'air si fatigué qu'il le dit. Il
y a ici quel qu'anguille sous roche il faut que
j'aille voir!
Un certain sentiment de curiosité qui lui faisait
désirer de savoir ce qui pouvait rendre ce paquet
si lourd, vint la décider.
Elle entre avec précaution dans la chambre où
se trouve le paquet. Mais plus elle le considère,
plus il lui inspire de l'effroi. Toute envie de
pénétrer le mystère lui passe sur-le-champ. Betty
s'en retourne h son ouvrage. Cependant la crainte
ne lui laisse pas de repos elle ne peut travailler.
Elle allume donc un flambeau et vient la chambre
ou est le dépôt mystérieux. Betty ferme toutes les
fenêtres et tous les volets, met les verroux avec
soin et ramasse tout ce qu'elle a de courage pour
regarder le paquet d'uu œil assuré. Tout a coup
elle remarque que cette soi disant marchandise se
remue; ses cheveux se dressent sur sa tète, sa
figure pâlit. Stupéfaite, elle sort de la chambre et
la verrouille; elle va chercher le vieux Richard
mais elle ne le trouve pas il est absei^Jolui, de
son côté, esLparti pour Newport.
Cependant Bettv court fermer/lesver roux
chaifibres de Richar^et de John. En entrant dan»-