Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement.
Dimanche, 12 Mai 1907.
67e année.
i\° 19.
PRIX I)E L'ABONNEMENT:
p,our la ville Par an 4 francs.
Par an 4 fr 50
Par an (i fr. 0O
ANNONCES:
Le Parlement Maître.
La Chambre.
l'union fait la kokce. i'araiHHtiHl le iàhmttwhe. Vikes acquirit eundo.
p la province
pr létranger
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Réclames 25
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Le pays est rentré Mardi dans sa vie
régulière, le pouvoir souverain, celui
de la Nation a pu se manifester le
Parlement a repris la parole
Et l'on a pu s'en rendre compte tout
de suite, sa voix parle encore liant et
ferme, quoi qu'on ait teuté, et lors
qu'elle s'élève, il faut bien que les an
tres se taisent.
On s'y attendait. La déclaration mi
nistérielle. que M. de Trooz, ne réus
sissant pas la lire la Chambre, a lue
au Sénat, s'accompagne du dépôt par
le gouvernement du projet de loi sur
les mines que l'arrêté royal avait reti
ré. Ou aura beau invoquer des arguties,
il y a là une reculade on a dû céder
et, sinon déchirer, l'an été de retrait,
du moins en anuuler les effets
Première victoire du Parlement.
Cette déclaralion ministérielle an
nonce un projet de reprise du Congo.
Au mois de Juin dernier, la lettre du
Roi traitait en adversaires ceux qui
voulaient- tout de suite examiner ce
grave problème. On va le discuter, on
aura le débat complet qui était indis
pensable.
Les deux faits saillants de la journée
sont là
Et puis, il y a les séances des deux
(JhauiOres. Elles ont été très significa
tives, elles aussi.
Tandis qu'au Séuat deux membres
modérés de la Gauch libérale, deux
sénateurs qu'on ni peut suspecter de
vouloir îles bouleversements, MM.
Dupont et San Wiener, disaient l ut
teiu e inaluiissible au régime parle
mentaire, tandis que M. Wien.tr stig
matisait avec tant de clarté un acte
que seul eût pu se permettie le gou
vernent mt île Napo'.eon, la Chambre,
nettement, était marquée, imposée, la
subordination du pouvoir exécutit au
pouvoir législatif
Avant que le gouvernement pût par
ler, il a fallu que la Chambre parlât.
Avant que M De Trooz pût expliquer
<•- que le mtm-tèie compte faire, il a
filluque fût relevée l'offense faite au
Parlement.
Et c'est sur les droits du Parlement,
rur ta dignité, sur ses prérogative?-,
q i'a roulé tout le débat qui n'est point
t rnnné.
Le gouver nemant, le po ivo:r exécu
t f, parlera quand nous aurons parlé,
quand aura été relevée l'insolence dout
le Parlement a été l'objet el a été,
en somme, le langage de la Gauche, de
le Gaucho tout entière. Et il a fallu
qu'on t'entendît.
A pre i l'incident soulevé t ré-, digne-
meut par M Furnémonf, aprél'apos
t ophe éluqueulo et mesurée do M.
Djotréeae président. Al. De Trooz a dû
i noncer lire sa déclaration. Après la
suspension de séance, M. De Trooz a
i tenter de s'expliquer, tandis que M.
d Smrt de Naeyer se taisait
Et alors est venu M. Jauson.
L'arrivée la tribune du vieux par-
I uientaire, qu'une ovation de toute la
G niche investissait d'une autorité eu-
vure accrue, saluait comme le repré
sentant des traditions dans lesquelles
i1 a vécu et que l'on entend défendre
avec lui, a vraiment eu de la grandeur.
L\ Droite a semblé le comprendre.
Elle n'a pas teuté de troubler le dis
cours du vieux leader libéral. Et me
sure que se développait ce discours
m igistral, d'une noblesse calme, d'une
lergie concentrée, mesure que Co
nteur évoquait les faits, rappelait les
t -ntatives systématiquement poursui
vi s dans le but de diminuer la dignité
et le rôle constitutionnel du Parlement,
disait ses inquiétudes patriotiques de
vaut les tentatives dangereuses pour
l'ordre, la situation se dessinait plus
claire. Devant le pouvoir exécutif, de
vant ces ministres qui venaient de cé
(1er par le dépôt du projet le loi sup
primé il y a trois semaines, devant ces
ministres et leurs amis silencieux,
c'était le régime constitutionnel, c'é
tait la souveraineté nationale qui se
dressait et dont la voix dominait les
autres. Cette voix est toujours jeune,
comme restent vigoureuses nos vieilles
traditions d'indépendance.
La journée de Mardi a été excellen
te, réconfortante. Le Parlement a re
pris sou rang.
Nous reproduisons ci-après d'après
le Compte-rendu analytique le superbe
discours prononcé la Chambre par
M. janson au sujet du retrait du pro
jet de loi sur les mines.
M. Janson la tribune. Applaudis
sements prolongés gauche.) M. le minis
tre ne s'est pas borné seulement parler de
l'incident personnel M. le président il a
abordé le fond de la question et il a apporté
des explications pitoyables...
Al. Léonard. Ridicules
AI. Janson. et qui dénotent dans
son esprit une incohérence stupéfiante
{Exclamations adroite.)
Ou M. le président a connu l'arrêté royal'
du 11 Avril, ou il l'a ignoré. M. le président
nous dit qu'il l'a ignoré. C'est invraisem
blable. Dans la pratique parlementaire, le
président fait en quelque sorte partie du
gouvernement et il est incroyable que le
chef du gouvernement ayant obtenu du roi,
qui a obéi des conseils détestables, qu'il
signât cet arrêté, n'en ait rien dit au prési
dent de notre assemblée.
Il n'en reste pas moins vrai qu'on a fait
jouer notre président une misérable comé
die parlementaire. Quand nous l'avons por
té la présidence, nous avons été guidés
par la droiture et la fermeté de son caractè
re nous étions convaincus qu'il saurait
protéger et défendre la dignité du parle
ment. Très bien gauche.) Il n'en a rien
fait!... Bien plus, lorsque toute la gauche
libérale a pris un ordre du jour qu'elle a eu
la courtoisie de communiquer M. le prési
dent, celui-ci n'a même pas eu la politesse
d'en accuser réception.
Enfin, la Chambre ignorant l'existence
de l'arrêté royal, M. le ministre des finan
ces a demandé d'une voix doucereuse que la
Chambre s'ajournât et M. le président a dit
amen
Or, qui niera qu'il y eût ici un seul mem
bre même parmi les nouveaux ministres qui
ne se fut insurgé si ce moment nous avions
connu ce retrait {Nouvelle approbation.)
Je suis en ce moment partagé entre un
sentiment d'indignation et de révolté et un
sentiment d'amertume et de tristesse. Car
ce n'est pas sans douleur et sans chagrin
que l'on voit un arrêté royal dessaisir le Sé
nat d'une loi régulièrement votée par la
Chambre.
L'histoire ou la légende rapporte que,
certain jour, Louis XIV entra au parlement,
botté, en costume de chasse et la cravache
la main en s'écriant L'Etat c'est moi
Nous ne vivons plus sous un tel régime
Il y a deux choses dans l'arrêté du 12
Avril D'abord le retrait de la loi sur les
mines ensuite, l'ordre au gouvernement
de transmettre cet arrêté aux Chambres.
Cet arrêté royal ressemble un ukase de
l'Empereur de Russie il est sec, dur, bru
tal, grossier. Alors que le moindre arrêté
royal annulant la moindre décision d'un
conseil communal est motivé, l'arrêté du 12
Avril ne contient pas un mot d'explication
sicvolo sic- jubeo sic pro ratione volun-
tas C'est un coup de chicotte administré
au parlement non pas comme au Congo
dans le dos mais en plein visage. Longs
appla udissements ga uche.
Or, nous ne sommes pas disposés accep
ter le régime de la chicotte parlementaire.
^NofPveaux applaudissements.) Et qu'on
ne cherche pas ici des échappatoires. Je ne
découvre pas la Couronne je m'adresse
vous, ministres, qui engagez la monarchie
dans une voie funeste et la compromettriez,
si elle pouvait être compromise
Quelle est votre système de défense Vous
n'aviez pas l'arrêté Bruxelles le 11 Avril
mais ne l'aviez-vous pas proposé Ne l'a
viez-vous pas signé avant de l'envoyer au
Roi Le journal officieux du ministère, le
Journal de Bruxelles, a dit naïvement
que dans les deux heures vous aviez été in
formés de la signature du Souverain Le
télégraphe fonctionne, en effet, je crois,
entre Bruxelles et le Cap Ferrât.
M. Furnémont. Il n'y a même que
cela qui fonctionne (Rires l'extrême
gauche.)
M. Janson. C'est, dites-vous, pour ne
pas exercer une pression sur le parlement
que le gouvernement s'est tu. Il a fait bien
pire D'un, trait de plume, il a annulé
l'œuvre législative de toute une année.
{Très bien
M. le ministre ajoute qu'il a usé d'un
droit constitutionnel. Ne perdez pas de vue
que les Constituants avaient vécu sous un
régime caractérisé par l'arbitraire royal. Ils
proclamèrent donc ce premier principe es
sentiel aujourd'hui méconnu c'est que tous
les pouvoirs émanent de la nation et que le
roi n'a que les droits que lui confèrent la
Constitution. Peut-on donc lui reconnaître
le droit d'exercer un veto anticipatif
Je ne le crois pas. Le veto définitif lui-
mé.i.e ne peut être exercé qu'avec une ex
trême prudenee et une très grande réserve.
Je m'en réfère sur ce point de droit aux ex
cellents discours prononcés dans cette en
ceinte par MM. Neujean et Huysmans.
M. Huysmans. Je partage votre avis
et je maintiens mon opinion.
M. Janson. Au surplus, lorsque dans
une telle matière, si délicate, il y a contro
verse, il faut s'abstenir de trancher la dif
ficulté contre l'un des pouvoirs.
Al. Neujean. Très bien En tout
cas. l'arrêté était contraire l'esprit de la
Constitution.
M. Janson. On a cité des précédents,
comme au Palais. Mais n'ai-je pas entendu
un jour, un illustre magistrat de la cour de
cassation dire que celle-ci n'était jamais plus
grande que quand elle reconnaissait sfes er
reurs
Les précédents ne peuvent donc pas pré
valoir contre le droit.
Et puis il y a les pensées généreuses qui
animaient les auteurs de la'Constitution
dont il est bon de se souvenir dans des
temps comme le nôtre. Rodenbach, en ap
plaudissant le régime de la monarchie con
stitutionnelle, ne disait-il pas
Ayons donc une monarchie héréditaire
avec une constitution, qui nous garantisse
toutes nos libertés si chèrement achetées
que le chef de l'Etat ait le pouvoir de faire
le bien, jamais celui d'enchaîner les droits
de la nation, jamais celui de' faire le mal
qu'il soit soumis comme nous aux lois qu'il
aura juré de maintenir, et que sa fidélité
conserver intact le pacte fondamental soit
la première condition de notre obéissance.
Vous ne l'y encouragez guère, messieurs
les ministres
Le bien ce serait l'instruction obligatoire,
le suffrage universel, le service personnel.
{Tris bien Mais vous ne pouvez enchaî
ner les droits de la Nation.
M. Thienpont, de son côté, disait
Une monarchie, dans laquelle les pou
voirs du chef seraient tellement restreints
que, sous la forme monarchique, nous joui
rions de toute la somme de liberté dont ja
mais aucun peuple ait joui, et qu'il soit pos
sible de concevoir dans les gouvernements
les plus libéraux, sous quelque dénomina
tion qu'ils soient connue en un mot, une
monarchie constitutionnelle représentative
et héréditaire, modifiée comme ci-dessus,
me paraît seule nous présenter une garantie
de cette stabilité tant l'égard de nous-
mêmes, qu'à l'égard des puissances étran
gères.
ami i
M. Blare, ^nies, un jurisconsulte éminent,
ai de M. Defaeqz, déclarait
Citoyens, vos représentants vont éta
blir une monarchie, ils vous le déclarent
avec franchise mais ce sera une monarchie
qui diffère de celle dont vous venez de vous
délivrer, autant que le juste diffère de l'in
juste, la liberté de la servitude, la bravoure
de la lâcheté cette monarchie sera un con
trat très clairet très précis entre vous et le
chef de l'Etat, un contrat dont vous pourrez
toujours exiger et obtenir l'exécution.
Quant M. Destouvelles, il s'exprimait
ainsi
Aucuns se sont elévés contre la prodiga
lité des Rois, contre le mauvais usage qu'ils
font de leur liste civile et les moyens de
corruption qu'elle met leur disposition
la fixation de la liste civile appartient au
Congrès. C'est lui tarir la source et des
prodigalités et de la corruption l'amour,
la reconnaissance, les bénédictions des peu
ples, voilà le vrai luxe d'un monarque con-
stitutionel. Celui que vous placerez sur le
trône, sentira, il faut l'espérer, sa position,
et dans tous les cas, vous lui ôterez les
moyens d'en abuser.
Qu'eût dit M. Destouvelles s'il avait as
sisté au spectacle navrant que j'ai dénoncé
dans cette Chambre de cette institution dé
plorable et pestilentielle du bureau de la
presse qui salit tout et fait suspecter toutes
les opinions Très bien gauche.)
Mais laissons là ces questions théoriques,
car le fait est clair, indiscutable. La loi sur
les mines n'était pas une loi d'ordre secon
daire et accesssoire. L'ancienne loi avait
été reconnue inefficace et insuffisante même
avant la découverte des nouveaux bassins
et l'admirable corps des mines que dirigea
avec tant d'éclat M. Harzé était sans cesse
paralysé dans son action par les vices et les
lacunes de la législation.
Mais enfin après de longs efforts, la nou
velle loi est votée. D'excellentes choses y
étaient inscrites en faveur notamment des
ouvriers. Elle a donné lieu dans cette Cham
bre des discussions du plus haut mérite.
Bien plus, un moment donné, la Cham
bre n'a pas pensé, comme le disait l'organe
officieux du gouvernement, que les intérêts
économiques étaient satisfaits parce que les
intérêts du capital l'étaient. Elle a eu la vi
sion très nette des lueurs fulgurantes qui
passent dans le ciel et annoncent des orages
qui seraient désastreux pour la fraternité
des citoyens. La Chambre a donc voulu
réaliser une loi de solidarité.
Voilà les sentiments dont le projet s'est
inspiré et le gouvernement, préoccupé des
seuls intérêts du capital, a convié la Cham
bre passer outre. Par bonheur, la Chambre
ne l'a pas suivi et parmi ceux qui s'y sont
refusés, j'en vois qui siègent dans le nouveau
cabinet C'est alors que la loi a pensé aux
enfants et leur a interdit l'accès de la mine
comme elle l'interdit aux femmes qu'il con
vient de laisser autant que possible au foyer
domestique, Elle a pensé aussi aux vieil
lards en leur assurant une pension de 360
francs par an, de quoi avoir du pain chaque
jour. Puis est arrivé la question discutée et
discutable du travail des adultes, propos
de laquelle des opinions contraires ont été
défendues avec talent.
Et de tout cela, de par l'arrêté royal, il
ne reste rien Existe-t-il un seul précédent
d'un acte pareil dans un seul pays parle
mentaire Il n'y en a pas. Interrogez vos
ambassadeurs ils ne pourront vous citer
aucun exemple de ce genre. Cet arrêté est
donc une provocation et un défi lancé la
classe ouvrière c'est un outrage tous nos
travailleurs. {Très bien l'extrême gau
che.)
Une fois de plus, les fauteurs de désordre
ne sont pas dans la rue mais au banc minis
tériel. Nouvelles approbations.) Et n'est-il
pas déplorable que les ministres du Roi
l'engagent dans une pareille politique
Encore si le gouvernement s'était senti
appuyé par une majorité solide, ferme, unie,
mais non les ministres étaient démission
naires et ils ont compromis la couronne,
comme ils l'avouent eux-mêmes. Voilà donc
des hommes qui n'avaient plus qualité que
pour expédier les affaires courantes, qui ac
complissent un acte qui fausse et qui altère
tout notre régime constitutionnel {Irès
bien l'extrême gauche.)
Et après l'avoir proposé, que font-ils
On a vu des hommes politiques violer le