Journal de l'Alliance libérale d'Ypres et de l'Arrondissement.
Dimanche, 21 Avril 1907. 67e année. 16.
l'union fait la force. le IHmatwhe. Vires acquirit eundo.
Pas de précédeuls.
Héuoion de la
Gauche Libérale.
de
Le retrait
la loi minière.
L'opinion
de M. Paul Janson.
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Des opinions divergentes se sout fait
jour sur la question de savoir si le gou
vernement a constitutionnellement le
droit de dessaisir les Chambres des
projets dont elles sont saisies par son
initiative.
Nous n'entendons pas discuter ce
problème de droit public. Mais il est
certain qu'il existe, dans notre histoire
parlementaire, des exemples de retrait
par arrêté royal de projets de loi, soit
au cours de ia discussion la Chambre,
soit, après le vote do la Chambre, le
Sénat étant saisi
Il importe donc d'examiner s'il y
a quelque analogie entre les cas où an
térieurement le gouvernement opéra
le retrait de projets soumis au Parle
ment et le cas actuel du retrait de la
loi sur les mines.
Il n'y en a aucune et il est permis de
dire que Je cas actuel est sans précé
dents
Comment se présente t-il en effet ?-
Le projet retiré a été voté par la
Chambre, par 94 voix contro 32, et il
l'a été contre le ministère. Tous les
ministres ont voté contre la loi. Il y a
donc conflit entre la Ctiambro et le
Cabinet. Et le Cabinet vaincu par la
Chambre a, par le retrait, casRé le vote
qui avait consacré sa défaite.
Le retrait, dans ces conditions, c'est
la révocation de la volonté exprimée
par la Chambre.
Voyons maintenant les cas anté
rieurs.
Le premier est celui du retrait par
le Cabinet de Brouckère du projet
d'organisation du crédit foncier.
Le projet de loi, dû Erère-Orban,
avait été voté par la Chambre le 1er Mai
1851. Mais la résistance avait été vive.
Le pro|et fut transmis au Sénat. Le
Sénat, hostile la mesure, lui opposa
la force d'inertie. Quand le ministère
Rogier-Frère tomba en 1852, le rap
port n'était pas encore déposé. Il ne
le fut que le 30 Décembre 1853. Et la
discussion s'ouvrit en Avril 1854 de
vant ia haute assemblée. Le pouvoir
étant alors occupé par MM. Henri de
Brouckère, Liedts, Faider et consorts.
C'était un ministère de conciliation,
voué une politique transactionnelle.
Le lendemain du jour où la discussion
commença, M. Henri de Brouckère,
connaissant les dispositions défavora
bles du Sénat, proposa l'ajournement
du débat la session suivante. Et, au
début de celle-ci, le 20 Décembre 1854,
M. Liedts, ministre des Finances, com
muniqua au Sénat un arrêté royal reti
rant le projet Cet arrêté était précédé
d'un rapport au Roi, dont le ministre
donna lecture et qui exposait les rai
sons pour lesquelles le gouvernement
croyait devoir abandonner la mesure
proposée par le Cabinet précédent. Il
n'y eut de protestations ni au Sénat,
ni la Chambre, pas même de la part
des auteurs du projet.
Le Cabinet de Brouckère, en effet,
en dessaisissant le Sénat, agissait d'ac
cord avec la majorité, d'accord avec le
Parlement.
En remontant au pouvoir, après la
dissolution de 1857, le cabinet Itogier-
Frère Urban proposa un projet de for
tifications d'Anvers. Ce projet tendait
la création de ce qu'on a appelé la
petite enceinte. Une opposition très
énergique se produisit dans les rangs
des deux parais. Le 4 Août 1858, le pa
ragraphe Ier de l'article 1er du projet
1 't rejeté, la Chambre, par 53 voix
contre 39 et 9 abstentions Le principe
du projet était repoussé. Le Cabinet
ne démissionna point, parce qu'il avait
la confiance de la majorité. Mal» le 5
Août. Rogier donna lecture d'unarrêié
royal portant retrait du projet.
En retirant celui-ci, le Cabinet sacri
fiait son oeuvre que la Chambre avait
condamnée. Il ne s'insurge, it pas con
tre la majonté, contre le Parlement.
Bien au contraire, il donnait leur vo
lonté une sanction immédiate et com
plète.
L'année suivante, le Cabinet présenta
un projet nouveau, celui de la grande
enceinte et le fit adopter
Ainsi, dans les deux cas que nous
venous de résumer, le retrait de la loi
ne fut pas une insurrection du gouver
nement contre le Parlement ce ne fut
pas une revanche d'un ministère battu
par la Chambre et l'anuulation de la
volonté de la majorité, ce fut un acte
du gouvernement en harmonie avec le
sentiment de la majorité.
On a parlé dans divers journaux du
retrait du projet de loi sur la charité
on a versé dans une erreur. La discus
sion de la i loi des couvents en 1857,
fut interrompue par le renvoi d'un ar
ticle la section centrale. Puis, la
suite des émeutes, le cabinet De De
cker ajourna les Chambres et prononça
la clôture de la session.
Les élections communales suivirent
Kilo» eurent pour résultat la démission
du ministère et l'avènement d'un Ca-
binet libéral. Celui ci fit la dissolution,
qui lui donna une imposante majorité.
Et le projet de loi sur la charité resta
dans les cartons de la Chambre. La
discussion n'en fut pas reprise.
On est donc fondé dire que l'acte
que vient d'accomplir 16 Cabinet dé
missionnaire est sans précédents.
La Gauche libérale de la Chambre
s'est réuuie Mercredi après midi sous
la présidence de MM. Janson et Neu-
jean. Après une discussion qui a duré
deux heures, l'ordre du jour suivant a
été voté l'unanimité
Considérant que le ministère avait
résolu dès le 11 Avril de retirer le pro
jet de loi sur les mines qu'il a néan
moins laissé continuer le débat sur l'en
semble et que les ministres eux-mêmes
out pris part au vote
Considérant que le projet a été dis
cuté au cours de plus de quarante séan-
cjset fut adopté la séance du 12 Avril
une majorité considérable composée
de membres de tous les partis, 32 mem
bres seulement parmi lesquels les mi
nistres, émettant un vote négatif
Considérant qu'après ce vote, le
Cabinet fit connaître sa décision d'of
frir sa démission au Roi et que le chef
du Cabinet continua dissimuler la
résolution, dès lors réalisée du gouver
nement, de retirer le projet et de frap
per ainsi de stérilité le loug travail et
les votes de la Chanîbre qu'il pria
aussitôt celle-ci de s'ajourner
Que ce n'est que le surlendemain
14 Avril, étant démissionnaire qu'il fit
connaître par le Moniteur le retrait, du
projet que l'arrêté Royal le chargeait
de porter la connaissance des Cham
bres Législatives.
Considérant que cette procédure
artificieuse qui tendait soustraire le
ministre an jugement de la Ciiambre,
ëf l'application effective du principe
essentiel de la responsabilité ministé
rielle. constitue une flagrante offense
et un acte de duplicité l'égard de la
Chambre
La Gauche Libérale, réservant plei
nement son action parlementaire pour
le jour où la Chambre reprendra séan
ce
Proteste de toute son énergie dès
aujourd'hui, contre l'atteinte grave
portée la dignité du Parlement, et
contre la conduite du Cabinet, contrai
re la pratique saine et loyale de nos
institutions parlementaires.
Cet ordre du jour sera communiqué
par MM. Janson et Neujean au Prési
dent de la Chambre, gardien de l'hon
neur et de la dignité de celle-ci
Réunion île la g-nuclie
socialiste.
La Gauche Socialiste s'est également
réunie Mercredi après midi et a adopté
un ordre du jour dont les considérants
sont peu près identiques ceux de
l'ordre du jour de la Gauche Libérale,
mais demandant en ourre la convoca
tion urgente de la Chambre et le retrait
par le Roi de son arrêté du 11 Avril.
Réunion (lu conseil général
du Parti socialiste.
Le conseil général du Parti socialiste
s'est réuni Mercredi avec les députés et
sénateure.
Il s'agissait de discuter la rédaction
d'un appel au peuple. Deux courants
se sont fait jour, celui de M. Destrée
qui voulait profiter de l'occasion pour
organiser des manifestations républi
caines et celui des modérés, parmi les
quels MM. Denis, Furnémont et Cri-
mard. Ces derniers l'ont emporté.
M. Anseele a proposé de faire porter
le manifeste uniquement sur la ques-
tiou sociale. Une commission spéciale
a été nommée.
Dans toutes les villes du pays, les
groupes socialistes organisent les 28
Avril et 1er Mai des manifestations en
faveur de la journée de hait, heures.
Quelques opinions libérales.
M. PAUL HYMANS
a fait la déclaration suivante
En droit constitutionnel pur, le gou
vernement, qui a le droit d'initiative, a
le droit de retrait. J1 saisit non pas la
Chambre, mais les Chambres, la légis
lature, d'un projet, et peut les dessaisir.
C'est un principe de droit parlemen
taire, En 1854, le ministère Henri De
Brouckère retira par arrêté royal le
projet de crédit foncier dû M. Fière-
Orban, et voté par la Chambre sous le
ministère libéral de 1847. Si ce droit
ne peut être théoriquement contesté,
il n'en est pas moins certain que le re
trait d'un projet de loi dans les condi
tions où vient de se produire le retrait
du projet de loi sur les mines est un
fait anormal et sens précédents. Le
gouvernement a laissé la Chambre
achever la discussion du projet en tai
sant, en cachant son intention, arrêtée
dès avant le 11, d'eu décréter le retrait.
Battu Jeudi sur l'amendement Beer-
naert, Vendredi sur un amendement
qu'il avait présenté relativement la
réserve, il a été battu encore au vote
8ur l'ensemble par 94 voix contre 32,
parmi lesquelles celles de tous les mi
nistres. H s'est alors déclaré démission
naire, <r ne pouvant plus compter sur
l'ensemble de la majorité
Bien plus, il a aussitôt demandé la
Chambre de s'ajourner, montrant par
là qu'il se considérait désormais com
me dépourvu d'autorité pour continuer
discuter avec le Parlement. Puis, les
Chambres sorties, il publie, ayant tenu
jusque là ses intentions secrètes, l'ar
rêté de retrait. Ce n'est ui loyal ni
courageux.
Ce gouvernement,qui ne se considère
plus comme qualifié pour remplir son
office parlementaire, s'est jugé qualifié
pour casser lo vote de la Chambre. S'il
a eu recours ce stratagème pour se
sauver, déblayer le terrain et reparaî
tre ensuite devant la Chambre, il se
ménage sans doute un étrange accueil.
M, NEUJEAN.
Le retrait du projet de loi, dans les
conditions où il se produit, est sans
doute le prélude d'une dissolution des
Chambres. Ceci seul pourrait justifier
le mode de procédure adopté. Sinon,
nous nous trouvons devant un acte in
compréhensible Ni le ministère actuel,
ni un nouveau cabinet n'oseraient re
paraître dans les Chambres après cela.
Il y a donc, selon moi, atteinte grave
aux droits du Parlement si la dissolu
tion n'est pas prononcée tout de suite.
M MASSON.
Le coup est redoutable, surtout pour
la droite, car vous comprenez dans
quelle fureur cela va mettre l'extrême-
droite, et combien les colères vont être
aiguisées. C'est sans doute une riposte
de M. Woeste M. Beernaert. Seule
ment, les ministres ont montré une
audace et une désinvolture incroyables
en se taisant Vendredi. La plus Btricte
loyauté leur faisait un devoir d'aviser
le Parlement de ce qui se passait.
M Paul Janson a bieu voulu écrire
pour La Gazelleau sujet de la situation
créée par le retrait de la loi sur les mi
nes, l'article qu'on va lire. On y trou
vera toute la pensée nette et énergique
de l'émiuent leader progressiste.
Voici cet article
Le fait de etirer par un arrêté royal
uue loi votée par la Chambre, une
immense majorité, après des débats
qui out duré un an est d'une extrême
gravité cette gravité apparaît mieux
encore, si on considère que cette loi
contenait des choses excellentes, ad
mises pour ainsi dire l'unanimité,
telles l'interdiction du travail des fem
mes dans les mines, l'interdiction du
travail dans les mines des enfants en
dessous de quatorze ans, entraînant
comme conséquence ultérieure l'in
struction obligatoire, la garantie aux
ouvriers mineurs d'une pension con
venable, enfin la constitution d'une
réserve des mines au protit de l'Etat.
La gravité de la mesure s'accentue,
si on tient compte qu'elle est prise par
un ministère démissionnaire et qui re
connaît lui-même qu'il n'a plus la con
fiance du Parlement.
Il n'y a aucun précédent dans aucun
pays constitutionnel d'une mesure aus
si exceptionnelle et aussi grave prise
dans de pareilles conditions.
Ceci bien entendu, en réservant la
question controversée de savoir si, en
aucun cas le gouvernement peut des
saisir le Sénat d'une loi votée par la
Chambre, question sur laquelle les
avis sont partagés.
Voilà le fond.
Mais dans l'occurrence, ce qui domi
ne le débat, c'est l'outrage fait au Par
lement par la conduite du ministère.
L'arrêté royal, qui retire la loi, por
te la date du 11 donc dès le 11 les mi
nistres savaient que l'arrêté royal était
8igoéet que par suite toute délibération
de la Chambre était vaine et superflue