Chronique de la ville.
Journal de l'Alliance libérale d Ypres et de l'Arrondissement.
Dimanche, 28 Août 1904.
64e année. A0 55
l'UNION PAIT LA FORCE.
Vires acquirit eundo.
ANNONCES:
RECOMMANDATION IMPORTANTE.
.Vous croyons devoir
rappeler nos amis poli
tiques que le 51 courant
est le délai extrême fixé
pour recevoir les récla
mations électorales.
Les libéraux qui se
croiraient lésés dans leur
droit électoral, sont priés
d'ad resser i m méd ia temen t
leurs réclamations au bu
reau de l'Association libé
rale, rue du Séminaire.
Vive l'Instruction
Cuistres hors pair.
Examens Officiels.
Au Journal d'Ypres.
Sus Van tien Heuvel
Toujours propos de la
visile du Gouverneur.
Le Banquet.
B'araisxtmf te iïiimtuche.
P1LIX DE L'ABONNEMENT
pour la ville Par an -4 Irancs.
p' la province Par an *4 fr. 50
Pour les annonces on traite forfait.
On s'abonne au bureau du journal, rie de Dixmide, 53, Y près. Les annonces, les faits
divers el les réclames sont reçus pour l'arrondissement d'Ypres et les deux Flandres au bureau
du Progrès Pour la publicité en dehors des deux Flandres, s'adresser exclusivement au
Comptoir de Publicité Van Godtsenhoven et Thibesard, 14, Place de Brouckère, Bruxelles,
téléphone 3330.
Annonces 15 centimes la ligne.
Réclames 25
Annonces judiciaires 1 fr. la ligne.
On a pu lire, passé quelques jours,
dans un journal ultra-clérical, l'article
qui suit
Il y a quelques jours a eu lieu au Palais
du Cinquantenaire un concours pour trente
places de commis aux chemins de fer. Envi
ron 700 candidats se sont présentés, dont
les deux tiers pour le concours français, ce
qui prouve que les Flamands restent plutôt
revèches la carrière administrative.
Aux trente chançards qui auront réussi
cet examen, dont le programme est aussi
compliqué que celui pour être admis l'éco
le militaire, l'Etat allouera un traitement
initia! de 900 fr.
Nous avons voulu savoir au juste quelles
connaissances on exigeait de ces jeunes gens
désireux d'endosser la livrée officielle. Il y a
d'abord l'arithmétique, puis l'algèbre (les
deux degrés), les huit livres de la géométrie,
la trigonométrie, physique et la chimie.
On exige en outre la connaissance de l'his
toire générale du monde et en particulier
l'histoire de la Belgique, la géographie uni
verselle et quelques autres branches acces
soires La calligraphie tient une place im
portante dans le programme, derrière l'or
thographe, ce qui est du reste très juste.
On a exigé également des connaissances
approfondies de l'histoire de la littérature et
des qualités littéraires sérieuses.
Parmi les questions soumises aux réci
piendaires se trouvent celles-ci
Quelle différence trouvez-vous entre la
narration historique et la narration oratoi
re
Et cette autre
Qu'entendez-vous par la comédie de
mœurs, de mœurs et d'intrigue. Justifiez les
distinctions établir.
Les sous-officiers plus habitués aux com
mandements par file gauche, faisaient des
mines piteuses, et on le comprend aisément.
Seuls, quelques forts en thème, fraîche
ment sortis de rhétorique, avaient l'air sa
tisfaits.
Comme dissertation ou concours de style,
on a demandé aux candidats de démontrer
par des exemples tirés de l'histoire qu'un
grand homme doit unir beaucoup de caractè
re, de l'initiative, de la clémence et une
profonde noblesse de sentiment.
Pour l'histoire, on a fait narrer l'histoire
des Pays-Bas depuis la Révolution braban
çonne jusqu'en 1830, et pour la géographie
on a demandé une foule de choses auxquelles
les candidats, ne s'attendaient certes pas.
Un examen oral doit statuer ultérieure
ment sur le sort des candidats qui auraient
obtenu la moitié des points dans chaque
branche et les 6/10 sur le tout.
Eh bien, franchement, n'est-ce pas
beaucoup exiger d'aspirants commis aux
chemins de fer
Nous avons assisté l'entrée en loge des
700 candidats II y avait là nombre de sous-
officiers, des jeunes gens élégants et barbus,
des avocats et des ingénieurs en quantité
respectable, etc.
L'administration garde le plus grand mys
tère au sujet de ces concours. Il est même
strictement défenau aux récipiendaires d em
porter le texte des questions ou de les co
pier. Pourquoi
A quoi bon exiger des connaissances lit
téraires approfondies de jeunes gens qui
i.'auront jamais qu'à aligner des chiffres,
dresser des statistiques et dessiner des ta
bleaux
Il y a quelq'ues années on donnait dans un
concours officiel comme sujet de disserta
tion
e Quelles sont les impressions d'un cheval
en voyant 'a première automobile
D'après ce'que nous avons appris, le lau
réat de ce beau devoir de style avait imaginé
une conversation entre un cheval de fiacre
stationnant la rue et un moineau qui, ses
pieds, venait picorer les grains d'avoin6
tombés du sac manger de la rossinante.
C'est, croire que les membres du jury s'é
chinent torturer l'imagination des pauvres
récipiendaires nous en connaissons beau
coup de gros bonnets qui seraient bien em
barrassés si on leur demandait quelle diffé
rence entre une comedie de mœurs et une
comédie de caractère.
C'est du Patriote qu'est extrait l'ar
ticle édifiant qu on vient de lire, sup
plément au n° du 21 Août courant
Eh bien non L'observation finale
de l'auteur du communiqué est de loin
trop indulgente.
11 n'y a pas sortir de ce dilemme
Ou bien les examinateurs dont s'agit
ont eu pour but d'exclure la presque
totalité des récipiendaires pour n'en
admettre qu'un tout petit nombre, hu
manistes sortis de quelque collège clé
rical et, en ce cas, ce sont des trom
peurs et des fourbes ou bien ils
ont cru être sérieux, et, en cet autre
cas, il n'y a pas le contester, ce sont
les derniers des cuistres et des imbéci
les
En toute hypothèse, c'est une honte
pour le pays que des fonctions de Jury
soient confiées des idiots pareils
Nous dédions notre confrère Yprois
cet extrait d'un article paru dans ia
Dépêcheorgane des démocrates-chré
tiens de Liège.
Il y a donc des catholiques qui pen
sent comme nous, que l'instruction
obligatoire est une réforme qui s'tmpo-
se l'attention du législateur belge.
De la Dépêche, organe des démocrates-
chrétiens de Liège, sur l'ignorance
Le nombre des illettrés est encore trop
considérable.
Les chiffres et les pourcentages que l'on
produit comme rassurants n'ont jamais pu
que nous scandaliser. Il y a progrès, dit-on.
C'est exact. Il n'y a plus que telle propor
tion d'illettrés, mais cette proportion n'est-
elle pas énorme encore.
Puis l'on ne peut pas se borner considé
rer le nombre des gens sachant simplement
plus ou moins lire et écrire. Ceux-là sont en
core, pour la plupart, plongés dans l'igno
rance. Il faut surtout considérer le niveau
d; l'instruction. Or, s'il est vrai qu'à la ser
tie rie l'école les connaissances sont très in
sufflantes, qu'en restera-t-il l'âge de vingt
ans, étant donré qu'âpre.* l'âge de douze
ans. beaucoup d'enfants n'ont presque.plus
l'occasion de lire ni surtout d'écrire
Un fait frappe toujours et attriste nos
compatriotes revenant de l'etranger par
n'importe laquelle de nos frontières c'est
de constater combien peu policée est notre
population relativement celle des autres
pays. Le défaut ou l'insuffisance de la fré
quentation scolaire sont certainement la cau
se principale de cette situation humiliante.
Si ia société veut remplir sa mission, un
jour elle mettra en tutelle les parents qui
privent leurs enfants des bienfaits de l'in
struction ne sera-t-elle pas aussi bien dans
son droit en obligeant instruire les enfants
qu'en obligeant les nourrir, les vêtir et
les loger 1
Et si cette mesure est bonne en elle-mê
me, fructueuse, et, en tout cas, inévitable
dans l'avenir, n'est-il pas préférable que les
catholiques en prennent l'initiative et l'appli
quent eux-mêmes plutôt que de laisser cet
honneur et ce soin leurs adversaires
j*jvia/VW. -
Les cléricaux ne sont pas tendres
pour ceux qui, dans leurs rangs, font
mine de prendre des airs d'indépendan
ce. M. Van den Heuvel est en train d'en
faire la pénible expérience. Les derniè
res nominations qu'il a faites ne sont
pas du tout du goût de ses amis de Na-
mur, c'est-à-dire de la dynastie des
Môlot, père et fils, et de M. Dohet,
l'ennemi du divorce.
Voici ce que l'orgaue de l'évêché,
VAmi de l'Ordrepublie sur le compte
de ce pauvre ministre de la justice
Entre autres qualités, M. Van den
Heuvel possède celle de la ténacité. 11
est têtu la façon des enfants gâtés
auxquels on a trop longtemps passé
toutes leurs fantaisies.
Nos mandataires politiques auront
voir ce qu'il leur convient de faire en
présence du parti-pris de M. le ministre
de la justice.
Cette fois, par un coup double ou tri
ple, M. Van den Heuvel a eu l'ingénio
sité d'aller l'encontre de tous séna
teurs,représentants, conseillers provin
ciaux. Tant va la cruche l'eau qu'à
la lin elle se brise.
Il est bien entendu que nous ne dis
cutons ni ne critiquons les nouveaux
conseillers et juges, nous laissons de
côte leur personnalité, leurs mérites.
Ce que nous blâmons, c'est l'attitude
de l'honorable ministre de la justice
c'est son sans-gêne c'est son parti-pris
c'est sou quasi-dédain l'égard des
mandataires politiques, qui ont bien
cependant quelque chose dire aux
membres du cabinet, dont ils ont tou
jours été les plus fidèles soutiens.
Ce que nous ne pouvons admettre,
c'est cette stupide manie, ce sot dillet-
tantisme qui consiste donner les places aux
adversaires politiques, au nez de ses amis
politiques.
Mais, au fait, M. Van den Heuvel,
qui n'est ni sénateur, ni représentant,
sait-il ce que c'est que la politique
Les gens qui ont l'impudeur d'écrire
de telles choses prétendront-ils savoir
ce que c'est que la tolérance? Si M.
Van den Heuvel a fait des nominations
en dehors de tout esprit de parti, il faut
l'en féliciter, d'abord parce qu'il était
temps de proscrire la politique du do
maine judiciaire et ensuite parce
qu'une telle attitude dénote un certain
courage.
Or, l'Ami de l'Ordre contient peine
la rage que déchaîneut dans son âme
de dévôt les velléités d'independance
du ministre de la justice. Et quelle
imprudente naïveté .Avez-vous lu
Les mandataires politiques ont bien
cependant quelque chose dire aux
membres du cabinet dont ils ont tou
jours été les plus fidèles soutiens
Ne vous semble-t-il pas qu'il y a là une
légère pointe de chantage Il est vrai
que M. Mélot fils est ambitieux et il
fait comprendre M. Van den Heuvel
qu'un maroquin ministériel ne lui dé
plairait pas. Mais M. Van den Heuvel
est têtu comme l'a constaté le journal
namurois, et d'ailleurs n'a guère envie
de lâcher 1^ proie pour l'ombre. 11 est
le conseil juridique du cabinet, le code
vivant de M De Smet de Naeyer. Ce
rôle, il tient le remplir encore aussi
longtemps que possible. Les Gantois
aiment le pouvoir. Voyez actuellement
M. De Smet. Et MM. Begerem et Coo-
reman, qui furent ministres. Et M Hel-
leputte, qui meurt d'envie de l'être. Et
M Verhaegen Tout, tous Gantois. M.
Van den Heuvel, qui est Gantois aussi,
est de cette école là. où l'on pratique
ravir le principe du j'y suis, j'y res
te
Chez les convives règne un enthou
siasme non moins grand que parmi la
foule rangée sur les tiottoirs pendant
le défilé du cortège. On entend le bruit
d'ailes des mouches attirées par le par
terre do fleurs qui décore l'estrade.
Long et fade comme le reste, ce ban
quet. Il est loin d'être terminé lorsqu'à
6 1/2 heures Monsieur Colaert casse
bruyamment un verre d'un coup de
couteau et clame Silence On va
ebanter
Et notre Premier lance la première
note. Au Roi crie-t-il d'une voix
qui fait trembler les murailles de l'im
mense vaisseau. Puis, un silence Cha
cun croit que comme dans les repas de
corps de l'armée, le toast au Souverain
ne comportera que ces deux mots.
C'eût été très simple et très bien. On
lève déjà les verres pour pomper
fond, mais Monsieur Colaert se reprend
et d'une voix démesurément enflée il
claironne une longue, fastidieuse et
traînante Brabançonne en passant par
toutes les banalités et les lieux com
muns qui sont le plus bel ornement
des harangues de l'espèce.
Monsieur Uolaert devançant le temps
célèbre d'ores et déjà le 75e anniversai
re de l'indépendance nationale. Trois
quarts de siècle de sécurité, de tran
quillité, de prospérité, de liberté, d'é
galité, de fraternité etc., etc... Il dit
les mérites et la gloire immortelle des
lutteurs de 1830, plus heureux que
leurs pères, lesquels avaient gémi pen
dant des siècles sous le joug étranger
(y compris sans doute le doux régime
de la Très Sainte Inquisition espagno
le). Monsieur le doyen fait de gros
yeux, et les curés des paroisses pren
nent un air furibond. Gare Monsieur
Colaert. Vos maîtres ont l'œil sur vous
Le gouverneur est visiblement agacé.
Ses yeux errent du fond de son assiette
au faite des toitures et l'honorable
Commissaire du Roi semble demandée