REPARATION
N° 16. Dimanche,
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
57e ANNÉE.
21 Février 1897
6 FRANCS PAU AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES iCyCIRIT EUNDO.
tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, SI.
On traite forfait.
cIUDICI^IRE
Nous, LÉOPOLD DEUX, Roi des
Belges, tous présents et venir, fai
sons savoir
Le Tribunal de première Instance,
séantàYpres, Flandre Occidentale, a
prononcé le Jugement suivant
En cause Monsieur Émile
DEWEERDT, ouvrier-imprimeur do
micilié et demeurant Ostende, rue de
la Chapelle, admis au bénéfice de la
Çrocéduro gratuite par Jugement du
ribunal Civil d'Ypres, en date du
trente-et-un Janvier mil huit cent no-
nanto-six, ayant pour avoué Maître
Ernest NOLF, demeurant Ypres
<3oiiti*e Brunon CALLE-
W AERT-DE M EU L EN A E11Eéditeur-
imprimeur Ypres, défendeur repré
senté par Maître COLAERT.
Après uno inutilo tentative de conci
liation la cause a été introduite par
exploit d'ajournement de l'huissier
Louis BREYNE, en date du deux Mars
mil huit cent nonante-six dûment en
registré, et régulièrement portée l'au
dience du onze Mars mil huit cent no
nante-six où Maître Alfred LAHEY-
NE, pour le demandeur, a pris les
conclusions suivantes, faisant suffisam
ment connaître le point de fait et le
point de droit
Attendu que dans un article inséré
sous la rubrique tentative criminel
le dans le numéro du vingt-sept No
vembre mil huit cent nonante-cinq du
Journal d'Ypres (portant en marge la
relation suivante Enregistré Ypres
deux rôles sans renvoi le sept Février
mil huit cent nonante-six, numéro cin
quante-huit, folio trente-deux, case
sept il est dû deux francs quarante
centimes. Le Recevenr, (signé) E. Min-
naert duquel Journal l'ajourné est
éditeur responsable, il est relaté qu'à
la date du vingt-cinq Novembre mil
huit cent nonante-cinq, vers neuf heu
res et demie du matin, un coup de re
volver a été tiré dans une fenêtre d'une
dépendance du magasin de Monsieur
Jules BAUS, rue de Lille, numéro
vingt-huit Ypres, que ce dernier se
trouvait dans la place avec son tailleur,
Monsieur JulesSpinnewyn, au moment
où le coup fut tiré, que le coup est
parti et ne peut être parti que de la
maison voisine occupée par le sieur D
Attendu que le demandeur est clai
rement désigné dans l'article comme
devant ou pouvant être l'auteur du
S rétendu méfait dont Monsieur Jules
àus aurait pu être victime
Attendu que cette désignation se
trouve renforcée par la phrase Est-ce
un commencement d'exécution des
menaces qui ont été adressées plu
sieurs catholiques avant et même de
puis l'élection, Monsieur Emile De-
weerdt étant notoirement connu com
me libéral
Attendu qu'il est manifeste qu'en
désignant le demandeur comme l'au
teur probable ou tout au moins en lai
sant planer sur lui des soupçons de
culpabilité, l'auteur de l'article a agi
méchamment et dans l'intention de
nuire au demandeur en l'exposant au
mépris et la haine de ses concitoyens
Attendu qu'il résulte de l'enquête
Judiciaire, laquelle il a été procédé,
que rieu ne peut être reproché au de
mandeur, puisque l'enquête a abouti
une ordonnance de non-lieu qu'en
conséquence l'accusation dirigée con
tre lui est calomnieuse et ditiamatoire
Attendu qu'il n'est point douteux
que l'article incriminé est dommagea
ble pour le demandeur, qu'il l'est
d'autant plus qu'à raison du commer
ce exercé par sa femme et de la néces
sité dans laquelle il se trouve de ga
gner sa vie et celle de sa nombreuse fa
mille, il lui importe de conserver in
tacts son honneur et sa réputation
Attendu au surplus qu'en faisant
passer le demandeur comme capable
d'exécuter les prétendues menaces qui
auraientétéadressées plusieurs catho
liques avant et même depuis l'élection,
l'article incriminé a tendu le rendre
odieux ses concitoyens en général et
plus spécialement aux catholiques
qu'il a eu et aura pour conséquence
Certaine de léser le demandeur dans le
commerce exercé par sa femme en dé
tournant de chez elle une partie de la
clientèle qu'elle avait et pourrait ac
quérir
Entendre dire que l'article incriminé
est ditiamatoire et dommageable, en
conséquence s'entendre le défendeur
condamner payer au demandeur la
somme de deux mille francs titre de
dommages-intérêts ou toute autre
arbitrer par le Tribunal B'entendre
en outre condamner voir insérer le
Jugement intervenir dans son jour
nal Le Journal d Ypres deux re
prises différentes sous la rubrique Ré
paration Judiciaire et ses frais
Entendre autoriser le demandeur
faire insérer ledit jugement dans tels
autres journaux qu'il lui plaira et aux
frais du défendeur, frais récupérables
sur simples quittances des éditeurs des
journaux, ces dernières insertions jus
qu'à concurrence de mille francs
s'entendre condamner le défendeur aux
intérêts judiciaires et dépens, le tout
par jugement exécutoire par provision
nonobstant opposition ou appel et
sans caution Le tout recouvrable par
voie de contrainte par corps. Action
évaluée pour la compéteace trois
millo francs.
Maître Colaert, dans un écrit de con
clusions signifié, en date du deux Avril
mil huit cent nonante-six, et dont les
motifs sont tenus pour ici énoncés, con
clut ce qu'il plût au Tribunal dé
bouter le demandeur de ses tins avec
dépens se réservant le défendeur d'é
tablir par témoins que le demandeur
lui-même a reconnu que le coup ne
pouvait être parti que de la fenêtre de
son grenier.
Maître Laheyne, dans son écrit si
gnifié en date du vingt-un Avril mil
huit cent nonante-six, dont les motifs
sont tenus pour ici reproduits, déclara
persister dans ses précédentes conclu
sions et dénier formellement que le
demandeur eut jamais reconnu que le
coup de feu ne pouvait être parti que
de chez lui.
Maître Laheyne s'étant retiré comme
avoué, Maître Ernest Nolf par acte
d'avoué avoué, enregistré en date du
huit Octobre mit huit cent uonante-
six et signifié Maître Colaert, en date
du six Octobre mil huit cent nonante
six, se constitua avoué pour le deman
deur.
Dans un nouvel écrit de conclusions
dont les motifs sont tenus pour ici re
produits et qui fut signifie Maître
Ernest Nolf, en date du 9 Décembre
mil huit cent nonante-six, Maître Co
laert conclut ce qu'il plut au Tribu
nal débouter le demandeur de ses tins
avec dépens et pour autant que de be
soin autoriser le défendeur établir
par témoins que le demandeur lui-
même a reconnu que le coup ne pou
vait être parti que de chez lui.
Enhu dans un acte de répliques, si
gmhé en date du huit Décembre mil
Luit cent nonante-six, Maître Ernest
Nolf conclut pour les motifs ici tenus
pour reproduits ce qu'il plut au Tri
bunal rejeter les conclusions tant prin
cipales qu'lncidenteiles de la partie
défenderesse et lui allouer Aie et nunc
lui demandeur les tins de son exploit
introductif d'instance.
Ces conclusions et répliques lues
l'audience ont été de part et d'autre
régulièrement signifiées.
Aux audiences des vingt-trois Octo
bre et onze Décembre mil huit cent
nonante-8ix, parties ont développé
leurs moyens et le Tribunal, tenant la
cause en délibéré, a remis le prononcé
au quinze Janvier mil huit cent nonan-
te-8ept.
En droit le demandeur a-t-il été suf
fisamment désigné et a-t-il été diffamé
par l'article incriminé? Y a-t-il lieu
d'accueillir ses conclusions et dans
quelle mesure Quid des dépens
bur quoi délibérant, le Tribunal, après
avoir entendu le ministère public en
son avis, rendit, l'audien
ce du quinze Janvier
mil liuit cent nouante-
sept, le Jugement sui
vant s
Attendu que l'action tend ce que
le défendeur soit condamné, même par
corps, primo payer au demandeur,
une somme de deux mille francs titre
de dommages-intérêts secundo: pu
blier dans le Journal d Ypres édité
par lui, le Jugement intervenir et
tertio aux frais, jusqu'à concurrence
de mille francs de l'insertion de cette
décision dans tels autres journaux qu'il
plaira au demandeur
Attendu que cette demande est fon
dée sur le préj udice que lui aurait cau
sé l'article inséré sous la rubrique
tentative criminelle dans le numéro
du vingt-sept Novembre mil huit cent
nonante-cinq, enregistré, du Journal
d'Ypres
Attendu que le passage incriminé de
cet article est ainsi conçu Tentative
criminelle Lundi matin, vers neuf
heures et demie, un coup de revolver
a été tiré dans une fenêtre d'une dé
pendance du magasin de Monsieur Ju
les Baus, rue de Lille, numéro vingt-
huit. Monsieur Baus se trouvait dans
la place avec son tailleur, Monsieur
Jules Spinnewyn, au moment où le
coup fut tiré. La balle du calibre dou
ze, a traversé un carreau de vitre, le
rideau de la fenêtre et est tombée près
de la cheminée. Le coup est parti et ne
peut être parti que de la maison voi
sine occupée par le sieur D.
Est-ce un commencement d'exécu
tion des menaces qui ont été adressées
plusieurs catholiques avant et même
depuis l'élection Espérons que la lu
mière se fera et que le coupable Bera
découvert
Attendu que le défendeur méconnait
que le demandeur soit directement vi
sé dans l'article qu'il prétend que la
maison du demandeur est seulement
désignée comme devant être celle d'où
le coup de fou est parti, mais que ce
coup peut avoir été tiré par des ou
vriers, des enfants, le pensionnaire du
demandeur ou même par un intrus
Attendu que si le demandeur n'est
point désigné nominativement dans
l'article, on y trouve des énonciations
qui suppléent au défaut du nom et que
»- - 1-..- ii..»...-. J.. i
mis en rapport avec l'intitulé tenta
tive criminelle ne peuvent laisser au
cun doute quant l'intention de son
auteur
Attendu que l'article incriminé con-
ient l'imputation d'un fait précis de
nature porter atteinte l'honneur du
demandeur et l'exposer au mépris
public
Attendu, en effet, que le Journal a
représenté le fait de la balle qui était
venue s'abattre, le vingt-cinq Novem
bre mil huit cent nonante-cinq, dans
a maison de Monsieur Baus, non com
me un accident, mais comme un atten
tat criminel perpétré par le demandeur
dans un moment d'exaltation politi
que
Attendu que l'article incriminé re-
LE PROGRÈS
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00
Idem. Pour le restant du pays7-00
INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames la ligne, fr. 0-23
Insertions Judiciaires la ligne, un franc. nniir
Les annonces sont reçues Pour l'arrondissement d'Ypres aux bureaux au m s,
le restant de la Belgique et de l'Etranger, également aux bureaux du journal ll ku .kl