N° 58. Jeudi,
48e ANNÉE.
10 Mai 1888.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Revue politique.
Intérieur.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Heures de départ d'Ypres pour
l'operinghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
La politique a ses liquidations comme la
Bourse: pendant quelques jours, les nouvelles
s'accumulent et tendent la situation les affaires
deviennent difficiles,tous les intérêts s'alarment:
il y a crise -, puis, après quelque temps de ce
jeu, viennent des démentis catégoriques et il se
fait une détente.
Le temps se passe dans ces alternatives avec
lesquelles, toutefois, on commence se familia
riser en voyant qu'en général la situation de
meure en réalité toujours la même, et l'on serait
bientôt tout fait rassuré si les mêmes influen
ces ne recommençaient s'exercer, comme si,
craignant un retour sérieux de la confiance, la
réaction poussait une certaine presse répandre
de nouvelles alarmes.
On est convaincu, Vienne, que c'est grâce
la triple alliance que la paix a été maintenue
entre la Turquie et la Grèce. 11 paraît qu'elle a
été un instant très-compromise. Mais l'Angle
terre, d'accord avec les puissances, a détourné
le péril, a donné la Turquie des assurances
pacifiques et a fait entendre qu'au besoin elle
interviendrait dans le sens de cette garantie.
Les dessous sont toujours la question d'Orient
et les énormes éventualités qui s'y rattachent.
Il y a des puissances qui n'ont jamais séparé leur
politique extérieure des solutions traditionnel
les, mais, pendant qu'elles préparaient ces solu
tions, les graves événements que l'on sait
modifiaient, du tout au tout, l'équilibre euro
péen, et un nouvel arbitre prenait dans la ques
tion une autorité que n'avaient pas prévue les
diplomates de l'ancienne école. Et, avec ce nou
vel arbitre, qui de toute façon a fait ses preuves,
il faut compter désormais.
Encore, faudrait-il savoir ce qu'il veut, mais
il ne le dit point, et c'est la raison pour laquelle
tout le monde est dans l'attente et se réserve. Il
ne déplaît pas la Turquie de voir des compli
cations et des rivalités qui servent ses intérêts,
et c'est sans doute aussi avec un certain plaisir
que ses hommes d'Etat lisent, dans des journaux
inspirés par la Russie, des notes qui attestent
que le cénacle européen est pénétré de la respon
sabilité qu'on assumerait en poussant la réou
verture (le la question d'Orient.
On dit que le Maroc a cédé devant les mena
ces polies de l'Amérique. En voyant le Quinne-
bang partir, le Sultan avait cru que tout était
fini, et avait agi en conséquence, mais, par le
contre-ordre donné au commandant de ce
navire, il a compris qu'il était temps de céder.
Il a donc promis de respecter la décision des
arbitres et de payer, dans le délai voulu, aux
protégés américains, les indemnités fixées par
ces arbitres. Le Quinnebang est, dit une dernière
dépêche, reparti pour l'Amérique.
Somme toute, et malgré la tactique des bou-
langistes et quelques troubles partiels, le résul
tat des élections françaises est considéré comme
favorable. Quant la grève des verriers, elle est
en voie d'apaisement.
L'Iiislruclion primaire en Belgique.
II.
Dans notre précédent article nous constations
que, de 1879 1884, le clergé et sa suite toute
la droite parlementaire, avaient mené contre
l'admirable régime scolaire organisé par le parti
libéral, la furieuse campagne déchaînée par le
froissement de leur orgueil incommensurable,
campagne qui a eu pour résultat de bouleverser
le pays et de mettre la désunion dans les
familles.
Nous avons démontré que les écoles commu
nales n'étaient ni athées, m révolutionnaires,
nous avons prouvé qu'elles ne méritaient ni ces
reproches insensés, ni ces qualifications inju
rieuses. Les écoles publiques sont restées ce
qu'elles étaient alors l'enseignement y est
donné dans le même esprit et dans beaucoup de
communes par les mêmes instituteurs. Une seule
chose est changée la majorité est droite au
lieu d'être gauche, les ministres du roi sont
les humbles valets des évêques et il n'en faut
pas plus au clergé pour faire volte-face et trou
ver excellent ce qu'il a maudit pendant 6 ans.
Nous examinerons aujourd'hui l'accusation
tant de fois lancée contre le cabinet libéral,
savoir qu'il ruinait les communes, leur imposait
des écoles inutiles, et nous prouverons en nous
basant sur les chiffres fournis par l'immortel M.
Devolder, que l'enseignement décrété par la loi
de 1884 est plus boiteux que l'enseignement or
ganisé par la loi de 1879.
En consultant les statistiques déposées la
Chambre par le ministre de l'instruction publi
que, on peut voir que les dépenses scolaires de
1 ensemble des communes du pays sont aussi
élevées quelques milliers de francs près
qu'en 1884. Cette diminution de quelques mil
liers de francs est bien dérisoire, étant donné
qu'il s'agit ici d'un budget de 17 18 millions
elle suffit elle seule pour anéantir l'accusation
de gaspillage lancée si souvent au législateur de
1879.
Mais il y a plus elle est toute factice. Et en
effet, il ne faut pas perdre de vue que l'Etat a
diminué son intervention de près de 5 millions.
Or, si malgré le brusque abandon de la part dû
gouvernement,le budget des communes est resté
peu de chose près ce qu'il était l'époque où
elles recevaient 5 millions de subsides de plus,
il est évident que ce sont elles qui ont dû sup
pléer aux subsides dont l'Etat les a si arbitraire
ment privées. Il saute aux yeux que leur
situation est de beaucoup plus mauvaise qu'il y
a cinq ans.
En réalité, l'Etat a fait des économies, mais il
les a faites aux dépens des communes. Aussi, la
plupart d'entre elles sont aux abois, elles ont
supprimé des écoles gardiennes, des écoles
d'adultes en grand nombre, mais ces suppres
sions ne leur ont servi de rien; on leur a endossé,
de gré ou de force, tant d'écoles primaires
qu'elles succombent la charge. Telle commune
qui se plaignait en 1883, d'avoir deux écoles, en
a maintenant trois ou quatre. Et quelles écoles,
grand Dieu La charité des fidèles, le dévoue
ment des bonnes âmes devait avoir sa récom
pense et sa réaction, elles se sont laites aux
dépens des communes et de l'instruction publi
que.
Pour chaque école officielle qu'on a suppri
mée, on aurait bien voulu n'adopter qu'une
école privée. Mais toutes les écoles privées ont
trouve très-avantageux de passer au rang d'éco
les publiques, et le clergé manœuvrant et mena
çant même, force fut aux dociles pantins d'obéir
et de se charger d'une foule d'écoles sans valeur,
où l'on ne donne qu'un enseignement suspect et
peu sérieux.
De là, la disproportion qui se voit dans les
chiffres donnés par M. Devolder pour 900
écoles primaires qu'on a supprimées, on a adopté
1500 écoles dites libres. Et chacun sait que
le personnel de ces établissements privés ne
présente aucune des garanties suffisantes d'in
struction et de capacité. C'est lamentable Un
grand nombre de ces religieux et religieuses ne
Sossèdent aucune espèce de diplôme quantité
'eux ne sauraient écrire deux lignes correcte
ment. De plus, sont-ils de taille, avec leurs
idées grotesques, leurs niaiseries monacales, leurs
procédés souvent orduriers, faire autre chose
que des races de crétins, comme l'a dit avec cou
rage un catholique autorisé
Le rêve, l'idéal des cléricaux s'est enfin réa
lisé. Les couvents et les congrégations ont mis
l'éteignoir sur nos écoles et puisent pleines
mains dans le trésor public.
Ce que les congrégations n'avaient pu obtenir
en 1857, ils l'ont conquis en 1884.
En 1857, la loi des couvents a soulevé la colère
du pays qui ne s'est pas laissé prendre au
piège. Les cléricaux ont profité de la leçon.
Ils sont arrivés leurs fins par des moyens
détournés. Que leur importe qu ils disposent des
ressources du trésor directement ou indirecte
ment? Le principal, c'est d'avoir la caisse.
Pour créer cette situation, pour caser ces
petits-frères et ces nonnettes dont on ne connaît
ni le nom, ni Y origine, ni le passé, il a fallu mettre
la porte 1,200 braves citoyens, ayant des droits
acquis et parmi lesquels on compte un grand
nombre de pères de famille. Ceux-ci, on les a
traités comme des malfaiteurs on a commis
leur égard cette chose infâme de les punir parce-
qu'ils avaient obéi une loi du pays, pareequ'ils
avaient fait leur devoir
C'est un crime dont le parti clérical ne se la
vera jamais.
C'est le renversement de toutes les notions de
justice. Et non seulement on a frappé des hom
mes auxquels on n'avait absolument rien re
procher, mais on a châtié ceux qui sont mainte
nus en fonctions.
C'est monstrueux Et nous ne sommes pas au
bout. Nous en verrons bien d'autres. Reste sa
voir combien de temps ce carnaval durera
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Ypres, le 9 Mai 1888.
Les dépenses scolaires.