37. Dimanche,
48e ANNÉE.
6 Mai 1888.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Revue politique.
Intérieur.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Heures de départ cZ'Ypres pour
Poperinghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
Ypbtcs, le 5 Mai 1888.
L'Italie n'a vraiment aucune raison de s'en
orgueillir de son expédition Massouah. Jamais
probablement gouvernement ne se sera tiré avec
moins de bonheur et d'honneur d'une affaire
dont il se promettait de si merveilleux résultats.
A l'époque de l'expédition du Tonkin et de For-
mose les journaux italiens n'avaient pas assez de
railleries pour l'armée française aux prises avec
les hordes indisciplinées des Pavillons noirs et
les réguliers chinois. Il est juste qu'on leur re
tourne aujourd'hui la monnaie de leur pièce.
Après quatorze mois de préparatifs militaires et
de travaux de tout genre qui ont coûté de nom
breux millions, cette formidable expédition, qui
devait anéantir les forces du Négus d'Abyssinie,
rentre bredouille au pays, n'ayant pas même su
tirer vengeance du lamentable échec infligé
l'année dernière aux armes italiennes.
M. Crispi se dit très satisfait de ce résultat.
C'est qu'il est véritablement modeste, beaucoup
plus modeste, en tous cas qu'il ne l'était il y a
six mois.
Sur ce point,il faut le reconnaître,la Chambre
des députés d'Italie ne semble pas vouloir se
montrer plus exigeante que le chef du cabinet.
Son attitude, en tous cas, est infiniment plus
patriotique et plus politique que ne le fut
naguère celle de la Chambre française pendant
l'expédition du Tonkin. C'est une justice rendre
aux députés italiens qu'ils savent éviter tout ce
qui pourrait compromettre le bon renom de
l'Italie au dehors et que, même s'ils ne sont pas
satisfaits de l'issue peu glorieuse de l'expédition
de Massouah, ils ont soin de ne pas crier leur
mécontentement par-dessus les toits.
On mande de Tanger que le conflit survenu
entre les Etats-Unis et le Maroc vient d'entrer
dans une nouvelle phase. Le Sultan repousserait
définitivement le protocole signé par le consul
des Etats-Unis, contenant les bases d'un arrange
ment. Le Sultan imposerait, enfin, au gouverne
ment américain des conditions inacceptables,
rendant impossible tout accord satisfaisant.
Le consul des Etats-Unis ayant demandé des
instructions son gouvernement, a reçu l'ordre
de faire tous ses efforts pour arriver une
entente sinon le gouvernement de Washington
aurait recours aux moyens extrêmes pour
obtenir satisfaction complète.
La frégate américaine Quinnembag sera bientôt
dans les eaux de Tanger.
La journée électorale de Dimanche prochain
aura une importance exceptionnelle en France.
Les trente-six mille communes qu'elle compte,
en dehors de Paris, seront appelées ce jour-là
renouveler leurs conseils municipaux.
L'ensemble des scrutins servira de baromètre
Eour apprécier où l'on en est, en réalité, avec le
oulangisme.
L'Instruction primaire en Belgique.
I.
Etudions l'odieuse comédie jouée depuis neuf
ans, par le clergé et tout le clan bien pensant.
De 1879 1884, on se rappelle avec quelle
âpreté, avec quelle violence, avec quelle indi
gnation, les représentants de la droite s'élevaient
contre les écoles communales et l'enseignement
qu'on y donnait. Tous les orateurs cléricaux
escaladaient, les uns après les autres, la tribune
nationale. Durant des semaines entières, on pro
nonçait chaque année aux Chambres des haran
gues furibondes, des réquisitoires interminables
contre les organisateurs de- l'enseignement offi
ciel et contre tous ceux qui, de près ou de loin,
y étaient attachés. Un véritable feu roulant de
reproches insensés et d'apostrophes injurieuses,
pleuvait sur les ministres, les gouverneurs, les
inspecteurs et surtout sur les pauvres institu
teurs, qui cependant n'y pouvaient rien et qu'on
représentait comme le bouc d'Israël chargé de
toutes les iniquités.
Deux griefs primitifs étaient articulés l'un
dans l'ordre matériel, l'autre dans l'ordre moral:
1° On ruinait les communes 2° on leur impo
sait des écoles qu'on nommait athées, immo
rales, maudites etc.
Pour aujourd'hui, nous prendrons ce second
grief et nous examinerons si, réellement, les
ecoles communales, réorganisées par la loi de
1879, méritaient plus que les écoles actuelles,
les abominations de la droite et du clergé.
Jeudi prochain, nous établirons que l'ensei
gnement bâtard, hybride, organisé par la loi de
1884, coûte plus aux communes que celui
qu'avait voulu le ministère libéral.
Revenons donc l'accusation relevant de
l'ordre moral et religieux. Cette accusation
était-elle fondée, était-elle sincère En aucune
façon. On a dit que la loi de 1879 était une loi
athée, révolutionnaire, impie et ce propos, on
rappelait le gouffre de 93, on prédisait que cette
loi préparait la Belgique une génération de
jacobins, de communardsvoire même de pétroleurs.
Il fallait bien dire quelque chose.
La loi de 1879 avait si peu ce caractère, qu'elle
transigeait trop hélas avec le principe
la fois si simple et si sensé, qui veut que l'ecole
soit le temple, le sanctuaire de l'instruction.
comme l'église doit être celui de la religion. Elle
ouvrait les portes de l'école aux ministres des
cultes, et mettait leur disposition un local
spécial, afin qu'ils puissent donner aux enfants
appartenant leur confession, toutes les leçons
qu ils jugeraient convenables. Il était donc im
possible de montrer plus de condescendance, et
de souscrire de meilleure grâce aux vœux des
pères de famille catholiques, tout en assurant le
respect aux autres opinions. C'était, notre
avis, une vraie bassesse que d'agir avec autant
de prudence dans l'espoir de contenter tout le
monde. Il fallait être radical.
Mais on n'a voulu rien entendre. Cependant on
a foulé aux pieds, avec une désinvolture incroya
ble, l'article 4 on a terrorisé les populations et
l'on a comparé les écoles de 1879 aux bouches
de l'enfer. La menace, l'outrage, la calomnie
sont tombés de partout tous les moyens ont
été mis en œuvre pour mettre le3 établissements
officiels en quarantaine.
Du haut de la chaire dite de vérité, les énergu-
mènes du clergé représentaient les instituteurs,
coupables de fidélité aux lois du pays, comme
des malfaiteurs qui mangeaient les âmes des
petits enfants C'étaient des renégats, des em
poisonneurs, des hypocrites, des pourris, des Judas
vendant leur âme pour cent francs comme Judas avait
vendu son divin maître pour trente deniers des sépul-
chres blanchis, des loups affublés de peaux d'agneaux!..
Nous en passons et des meilleures
Certains gros bonnets cléricaux, se glissaient
dans toutes les maisons, mettant le marché la
main des pauvres gens qui gagnaient durement
leur maigre pitance chez eux. De tous les con
fessionnaux sortaient des femmes affolées qui,
sur l'ordre de leur confesseur, faisaient une vie
insupportable leurs maris. On engageait les
enfants se révolter contre leurs parents plutôt
que d'aller encore l'école officielle des prêtres
allaient de porte en porte, tyrannisant les fai
bles, les réduisant la misère et au désespoir
s'ils refusaient d'obtempérer leurs ordres, fou
droyant les rebelles, marchandant les sacre
ments, gagnant ainsi les consciences faibles et
corruptibles.
Tout cela s'est vu, tout cela s'est fait, dans
notre libre Belgique, en plein XIXe siècle, en
présence des pouvoirs publics inactifs ou im
puissants, en présence de la Constitution qui pro
clame l'égalité des Belges devant la loi.
Et pour remercier le clergé de ses insolentes
provocations, le gouvernement, sans respect de
sa dignité et de celle du pays, envoyait des trou
pes parader aux réceptions dos évêques, les au
teurs de tout le mal. Quelle platitude
Sur tous les tons et toutes les gammes, la
bande noire déclamait que les plus graves inté
rêts étaient en jeu la religion était menacée
on chassait Dieu de l'école, on perdait les âmes
des petits enfants On employait les termes
les plus énormes du dictionnaire biblique, on
faisait des signes de croix effarés la rencontre
des instituteurs, on se détournait des écoles
communales avec terreur, on se lamentait hau
tement sur le sort de tant de pauvres créatures,
âue leurs parents aveugles condamnaient aux
ammes éternelles et tout cela parce que des
jeunes enfants apprenaient lire, écrire et
compter, d'un brave homme d'instituteur com
munal, qui n'avait jamais songé troubler la
conscience de personne parce que la loi avait
émancipé l'instituteur de 1 odieuse tutelle que le
clergé exerçait sur lui depuis 1842.
Seulement, il y avait une chose alors qu'on ne
disait pas et la voici la porte de l'école était
ouverte, le prêtre n'avait qu'à y passer pour
ramener Dieu et sauver les âmes des petits e n-
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Lois scolaires de 1879-1884.