Correspondance. N° 5. Dimanche, 48e ANNÉE 8 Janvier 1888. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. La réserve de 50,000 hommes. Au pays des grèves. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. HOIl\ DE 1ER. Heures de départ cJ'Ypres pour Y près, le 7 Janvier 1888. On étudie au ministère des finances une nouvelle répartition de l'impôt sur le tabac. Comme l'on sait, la législation actuelle, dési reuse de favoriser la petite culture, accorde "'exemption aux agriculteurs qui ne possèdent que 150 plants. Ce privilège est justifié ample ment et si les libéraux reviennent au pouvoir quelque jour, ils s'empresseront cfe le mainte nir. Dans l'intérêt des planteurs, il serait bon qu'ils revinssent le plus tôt possible, le gouver nement clérical songeant modifier le système actuel suivant la promesse faite par M. Beer- naert, heureux d'ac:order satisfaction aux désirs des grands propriétaires fonciers, tous ou presque tous catholiques. La base du projet en gestation est de frapper d'un droit déguisé ou non les petites cultures de 125 ou 150 plants qui se sont développées depuis 1884 dans toutes les provinces d'une façon considérable. Pour notre Flandre l'aug mentation est même très-forte, les arrondisse- mentsd'YpresetdeCourtrai comptant beaucoup de petites cultures de tabac pour lesquelles on ne paie pas d'impôts. Aux agriculteurs de veiller. Après leur avoir promis en 1884 des dégrèvements fantastiques, on les menace au jourd'hui de droits nouveaux. Ils voteront encore en faveur de ces bons cléricaux On écrit de Bruxelles au journal le Temps de Paris, les lignes suivantes, qui sont de na ture faire faire d'amères reflexions par les vrais patriotes, non aveuglés par l'esprit de parti A la lettre si nette, si catégorique du procu reur du Roi d'Audenarde, M. de Malander se propose de répondre par un démenti formel, ce qu'annonce un journal clérical. Entre les deux démentis les honnêtes gens auront donc choisir, choix peu douteux qui n'augmentera pas la réputation de l'ex-bourgmestre de Renaix. On assure que ce nouvel épisode de l'épopée malanderine donnera lieu une interpellation la Chambre. On veut connaître les raisons d'ordre administratif qui ont empêché le procu reur du Roi d'Audenarde d'écrire plus tôt, et M. Lejeune sera invité, en sa qualité de minis tre de la justice, indiquer ces raisons-là. On dit le gouvernement fort ennuyé de la chose. On le serait moins. Ah I il y a de durs mo ments dans la vie des serviteurs des évêques [Economie). Les feuilles cléricales ne tarissent pas sur les splendeurs inouïes des fêtes du jubilé de Léon XIII. C'est là une chose toute naturelle. Mais com ment nos pieux confrères vont-ils s'y prendre désormais pour parler de la détresse du Pape et de la paille humide du Vatican Ceci est un extrait d'une lettre qu'adresse la Gazette un industriel du Hainaut. A son avis, la situation, au point de vue politique, est plus grave que jamais dans les bassins houillers Une feuille cléricale de Renaix vient de publier un article orné de gravures et consacré l'un des plus illustres enfants de la patrie. M. Van Praetprobablement Pas du tout le plus illustre enfant de la jatrie dont ce journal chante la gloire et burine es nobles exploits, est.... l'honorable M. De Malander. Nous recevons d'une Dame Luctle ou Made moiselle Lucile la lettre suivante que nous reproduisons dans toute sa naïveté Monsieur le Rédacteur du Progrès, Jeannette, ma voisine et amie, une rosière comme moi, vient de me communiquer la lettre que lui a adressée le rédacteur du Journal d'Ypres l'occasion du nouvel an. Je ne vous fais pas de reproche, cher Monsieur, cependant ie ne puis m'empêcher de vous dire que vous n avez rien de la galanterie de celui qui écrit si aima blement et que je considère tout bonnement comme un fascinateur. Je ne le connais pas, ce sémillant et irrésistible captiveur des cœurs, mais je ne vous cache pas que s'il m'écrivait comme cela moi, toute ma vertu ne résisterait pas un instant. C'est qu'il a une flamme lui et comme il dit tout cela Prrrrrhou Aussi Jean nette n'y tient plus; elle veut absolument le voir. Jugez-en par vous-même et prenez-y exemple. Il commence par dire que c est avec la plus vive impatience qu'il a attendu ce beau jour n pour lui dire combien il l'aime. Hein m avez-vous jamais rien dit d'approchant, cœur de pierre que vous êtes Une telle déclaration suffirait déj beaucoup et pour qui est sensible fleurette, la glissoire serait au bout. Mais pour ce petit Don Juan, ce n'est que l'entrée en ma tière et Jeannette sait quoi s'en tenir avec lui. Aussi d'un coup et sans hésister une seconde, il ajoute en levant les yeux au Ciel: Depuis l'au- rore jusqu'à la nuit, soit que je mange ou boive, soit que je flâne ou écrive, toujours n votre chère image est présente mon esprit je n'ai qu'un but, c'est de vous intéresser, une ambition, c'est de vous plaire. Quand elle m'a lu cette phrase, tous ses mem bres tremblaient, sa poitrine se gonflait et un sanglot de bonheur étouffait sa voix. Revenue elle ah le doux chérubin s'exclama-t-elle. Oui, tout ce qu'il fait, c'est pour me plaire. Me LE PROGRES VIRES ACQUIRIT EPNDO. r BONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. lout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25. Insertions Judiciaires la ligne un franc. Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser 4 l'Agence Havas, Bruxelles, 89, Marché aux Herbes. l'operinghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00 4-00 6-26 9-05 9-58. Poperinghe-Hazebrouck, .6-50 12-07 6-25. Houthem, 5-30 8-20 11-16 5-20. Comines, 5-30 - 8-05 - 8-20 9-58 10-10 11-16 2-41 - 2-53 - 5-20 8-58. Comines-Armentières, 5-30—8-0511-162-538-58. Roulers, 7-45 10-45 12-20 - 4-10 6-30, Langemarck-Ostende, 7-23 12-22 3-58 6-22. Courlrai, 5-30 - 8-20 - 9-58 1116 2-41 5-20. Courtraï-Bruxelles, 5-30—9-58—11-16—2-41 5-20. Courtrai-Gand, 5-30 8-20 - 11-16 2-41 5-20. -KTOSci Ces jours derniers encore, l'occasion du vote du pro jet de loi qui fixait 13,300 hommes le chiffre du contin gent pour 1888, en maintenant 130,000 hommes l'effectif général annuel. M. Frère-Orban a contesté que la Belgique puisse disposer, en cas de guerre, d'une armée - de 130,000 hommes, chiffre minimum des forces déclarées nécessaires par le gouvernement lui-même pour le service des places fortes et l'armée de campagne. Le ministre de la guerre a soutenu que cet effectif de 130,000 hommes était réellement un effectif disponible. Je me suis rensei gné hier auprès d'un lieutenant général qui, pourvu d'un commandement important, sait naturellement quoi s'en tenir ce sujet. Le chiffre de -130,000 hommes, m'a-t-il dit, est une pure fiction. Les 11. 12e et 13- classes ont au moins 70 p. c. d'hommes mariés que l'on ne pourra pas faire marcher utilement les 9= et les 10e, étant appelées, donneront aussi un déchet considérable. Il faut tenir compte de la réalité des faits. En dix ans, nos anciens soldats deviennent impropres un service actif. Nos paysans, parmi lesquels ils se recrutent presque exclusivement sous le régime actuel, sont mal logés, mal vêtus, mal alimentés ils ne vivent guère que de pommes de terre et dans les plus déplorables conditions hygiéni ques, les trous purin étant placés auprès des habitations, pour que le paysan puisse continuellement avoir l'œil sur cette fosse, qui est son trésor. Il faudrait, pour avoir 130,000 hommes autrement que sur le papier, augmenter le contingent c'était la conclusion de M. Frère, mais elle conduisait fatalement au vote du service personnel, car on ne peut songer aggraver la charge du service mi litaire pesant uniquement sur les paysans et les ouvriers. C'est pourquoi le ministère s'est employé détourner de la majorité ce calice, en soutenant que l'effectif indiqué existe l'état disponible. Le travail ayant repris partout, beaucoup de personnes pensent qu'il n'y a plus de trace de sérieuse agitation, que les tentatives de grève générale ne sont plus craindre, qu'on n'a plus redouter des excès comparables ceux de Mars 1886. C'est une erreur complète. Les théories socialistes qui dominaient, il y a deux ans et il y a quelques mois les théories qui entraînaient surtout réclamer le suffrage universel et le relèvement des salaires sont chaque jour battues en brèche par les idées anarchistes. Bien des bouilleurs ne voient plus dans le suffrage universel qu'ils exigeaient il n'y a pas si longtemps sous menace de révolution le remède tous les maux. Ça ne nous empêchera nin d'iess exploités comme toudi, disent-ils. C'est le bouleversement complet que rêvent beaucoup d'entre eux la destruction absolue de l'ordre social existant. Dans toutes les agglomérations ouvrières, des individus, venus on ne sait d'où, des Français ou des Allemands presque toujours, leur prêchent ces idées, insistent sur l'insuccès de leurs grèves, de leurs manifestations. Et ce qui a beaucoup contribué répandre ces idées, c'est la publication, dans une gazette socialiste deux centimes, de Germinal. Le roman de Zola, très-pessi miste, ne faisant entrevoir aucune amélioration du sort du travailleur, a été dévoré par des milliers de malheureux. On le trouve encore dans bien des maisonnettes de houil- leurs grossièrement broché l'aide d'un fil reliant les marges. On le lit en famille, le soir. On le commente. Et la con clusion pour ces esprits faibles, est que le socialisme, pas plus qu'une autre forme de gouvernement, ne rendra le peuple heureux. A détruire ce qui existe, on peut au moins espérer une amélioration de sort Qu'arrivera-t-il si ces idées anarchistes continuent se répandre? Nul ne peut le prévoir. Mais la situation certainement est moins rassurante qu'il y a deux ans.

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Le Progrès (1841-1914) | 1888 | | pagina 1