1,096. Dimanche,
5 Juillet 1885.
6 FRANCS PAR AN.
JOURKAL D'Y PïlJES IiT DE L'ARRONDISSEMENT.
Réparation Judiciaire.
45r annéé
PROGRES
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES ACQUIRIT EU.NDO.
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ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et :udiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour lé restant du pays7-00.
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 39.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25.
Nous, Léopold Deux, Roi des Belges, tous présents et
venir, faisons savoir:
Le Tribunal de première instance, séant k Ypres, Flandre
Occidentale, a prononcé le jugement suivant
Entre: Monsieur Maurice Gorrissen, secrétaire commu
nal, domicilié Ypres, demandeur représenté par Maître
H. Bossaert.
Et:
Monsieur Victor Demets, imprimeur, domicilié Ypres,
défendeur représenté par Maître R. Colaert.
Faits Après une mutile tentative de conciliation, le de
mandeur a, par exploit du ministère de l'huissier Verhae-
ghe, en date du quatre Novembre 1800 quatre ving quatre
enregistré, ajourné le défendeur devant le Tribunal de céans
aux tins ci-après.
La cause, régulièrement introduite, a été portée k l'au
dience du dix-neuf Novembre 1800 quatre vingt quatre, où
Maitre Bossaert, pour le demandeur, a pris les conclusions
suivantes, fesant suffisamment connaître le point de fait:
Attendu que dans le numéro du dix Septembre mil huit
cent quatre vingt quatre du Journal d Ypres dont le
cité est 1 éditeur et l'imprimeur responsable, enregistré,
deux rôles sans renvois, k Ypres, le trente Septembre 18c0
quatre vingt quatre, volume 47, folio 42 verso, case 5;
Reçu deux francs quarante centimes. Le receveur, (signe)
A. Bogaert, et au cours du récit des événements passés k
Bruxelles le sept Septembre 1800 quatre vingt quatre, le
demandeur est représenté comme ayant, avec d autres, dans
la nuit du sept au huit Septembre, attendu, armé d'un bâ
ton, les manifestants catholiques d'Ypres pour les assom
mer k la descente du train; que même il est désigné comme
s'étant spécialement fait remarquer parmi la bande que,
dans le numéro subséquent du treize Septembre mil nuit
cent quatre vingt quatre Enregistré deux rôles sans ren-
vois k Ypres, le trente Septembre mil huit cent quatre
vingt quatre, volume quarante s pt, folio quarante deux
verso, case 6' Reçu deux francs quarante centimes
Le Receveur, (signé) A. Bogaert, on a qualifiée de parti
des assassins.
Attendu que cette imputation, toute malveillante et diffa
matoire au premier chef a infligé grief et préjudice au de
mandeur en l'exposant la haine et au mépris de ses con
citoyens;
Vu l'article 1382, du Code Civil;
Plaise au Tribunal, déclarer calomnieux et hautement
dommageable l'article en question;
Par suite, condamner le défendeur k devoir:
1" payer an demandeur, k titre de dommages intérêts,
A. fane somme de cinq mille francs, ou telle autre k
arbitrer;
B. Une autre somme de trois cents francs k employer en
insertions du jugement dans le Journal de Bruges et
l'Etoile Belge
2" Insérer le même jugement dans son propre journal, k
la première page, ce k deux reprises et dans les quatre jours
de la Signification peine de cent francs par jour de retard,
le tout avec dépens.
Demande évaluée k dix raille francs, pour fixer le res
sort
A l'audience du trois Décembre mil huit cent quatre
vingt quatre Maître Colaert, pour le défendeur a répondu
Attendu qu'il est complètement inexact que dans l'article
visé par le demandeur celui ci soit représenté comme ayant
avec d'autres, dans la nuit du sept au hait Septembre, at
tendu, armé d'un bâton, les manifestants catholiques d'Ypres
pour les assommer la descente du train;
Attendu que, s'il çst vrai que ledit numéro du Jôurnal a
dépeint les personnes qui se trouvaient k la descente du
train par les expressions suivantes: «Une centaine de gueux
nous ont attendus jusqu'k trois heures de la nuit, la plupart
armés de bâtons il est faux que le défendeur ait voulu
viser le demandeur Gorrissen comme étant armé d'un bâton
ou ayant voulu assommer les catholiques;
Attendu que le fait posé par le demandeur et les autres
personnes spécialement désignées, de se trouver k la gare k
trois heures de la nuit, fait qui n'est pas contesté et ne sau
rait l être, a dû trapper l'attention des manifestants reve
nant de Bruxelles, par un train spécial qui ne pouvait ra
mener ni des parents, ni des amis du demandeur;
Attendu, en ce qui concerne le demandeur, que c'est ce
fait lk et aucun autre que le numéro du dix Septembre du
Journal d'Ypres a fait ressortir.
Attendu que l'imputation de ce fait singulier n'est pas
diffamatoire et n'a pu infliger grief ou préjudice au deman
deur en 1 exposant, comme il le prétend, k la haine et au
tuepris de ses concitoyens.
Attendu que le demandeur a déjk usé du droit de réponse
el que l'usage de ce droit l'indemniserait suffisammen si
préjudice il y avait eu pour lui;
Pour ces motifs, tous autres réservés ou k faire valoir
d'office, le défendeur conclut:
Plaise au Tribunal dire que les articles dont s'agit du
Journal d'Ypres n'ont pas visé le demandeur dans le
sens que celui-ci attribue k ces articles que, partant, ces
articles n'étaient pas diffamatoires et n'ont pu causer au
demandeur aucun préjudice quelconque;
En conséquence, débouter le demandeur de ses fins avec
dépens.
Ces conclusions dûment signifiées de part et d'autre par
acte d'avoué et avoué.
A l'audience du premier Mai mil huit cent quatre vingt
cinq, parties ont plaidé leurs moyens,
Le Tribunal a ordonné lk dessus le dépôt des pièces et
tenu l'affaire en délibéré.
En droit: les articles incriminés sont-ils diffamatoires et
dommageables k l'égard du demandeur?
En cas dâffirmative, y a-t-il lieu de lui accorder des ré
parations Lesquelles Quid des dépens
Sur quoi délibérant
Attendu que, dans le numéro du dix Septembre mil huit
cent quatre vingt quatre, volume 47, folio 42 verso case 5
Reçu deux francs quarante centimes. Le Receveur (signé)
A. Bogaert, presqu'entièrement occupé par le récit des
événements passés k Bruxelles le sept Septembre, loi* de la
manifestation générale des associations catholiques, Je
Journal d'Ypres dont le défendeur est l'imprimeur-
éditeur, responsable, a publié un article intitulé Victoire
etGuet apens, où se trouvent groupés, en nombre consi
dérable, des faits d'agression odieuse, lâche et violente, k
main armée, des manifestants catholiques par des bandes
de gredins infectes d'Alphonses ou négociants inter
lopes de canaille de voyous», tous appartenant
au parti des Gueux et dans lequel il affirme que ces scè
nes affligeantes étaient le résultat d'un complot général
tramé et laborieusement mis exécution jusque par de
hauts fonctionnaires administratifs
Attendu qu'k la suite du récit des événements de Bruxel
les, le journal raconte en ces termes la rentrée k Ypres des
manifestants catholiques de cette ville
Ici, comme dans toutes les autres villes de Province, le
mot d'ordre avait été donné.
Il fallait attendre les catholiques k leur retour pour les
assommer k la descente du train.
Le coup était monté ici comme il l'a été k Anvers,Gand,
Namur, Menin, comme il l'a été partout. L'autorité avait
elle e vent de quelque chose? Toujours est-il qu'k neuf
heures du soir, heure k laquelle nous aurions dû rentrer,
quatre gendarmes et plusieurs agents de ville se trouvaient
k la gare. Une centaine de gueux nous ont attendus jus-
qu'k trois heures de la nuit, la plupart armés de bâtons,
tous criant en chœur 0 Vandenpeereboom et k bas
Malou On a remarqué tout spécialement Messieurs
Vermeulen, le candidat Représentant; Gorrissen, le Se-
crétaire communal Emile Brunfaut, retour du Congo.
Pendant toute la nuit, cette bande a mené un boucan d'en-
fer. Et plus loin dans un café de la rue de la Station,
la bande a grossièrement injurié et finalement jeté k la
porte un concitoyen, pareeque, disait la bande, il avait
voté avec les catholiques aux dernières élections. Enfin, k
trois heures, fatiguée d'attendre, la bande s'est dispersée.
Quand les manifestants sont arrivés k cinq heures il y
avait encore trois ou quatre gueux, entre lesquels Emile
Brunfaut, retour du Congo, qui avait attendu jusqu'alors
avec une patience digne d'un meilleur sort;
Attendu qu'il serait superflu, voire impossible, d ajouter,
k la lecture de ce factum, des considérations quelconques
pour prouver la malveillance coupable de l'auteur et la
volonté énergiquement manifestée de livrer les personnes y
désignées k la haine et au mépris de leurs concitoyeus
Attendu que cette malveillance, ce dessin de nuire s'ac
centuent encore par les réflexions dont le journal, dans son
numéro du treize Septembre mil huit cent quatre-vingt-
quatre, portant la relation suivante de l'enregistrement
Enregistré deux rôles sans renvois k Ypres. le trente
Septembre mil huit cent quatre-vingt-quatre, volume qua
rante-sept, folio quarante deux, verso case 6 Reçu deux
francs quar ante centimes. Le Receveur (signé) A. Bogaert,»
fait suivre l'insertion d une lettre de protestation du deman
deur Gorrissen en réponse k l'article du dix Septembre
Attendu, en effet, que le Journal d'Ypres a publié les
lignes agressives suivantes: il résulte k toute évidence de
cette lettre que Monsieur Gorrissen ne tient pas, absolu-
ment pas, k être compté parmi les slokslagers, Monsieur
Gorrissen k raison.
Tout homme de cœur doit tenir avant tout, k se déga-
ger de toute connivence avec le parti des assassins G est
donc avec plaisir que nous insérons la lettre de Monsieur
Gorrissen. Elle est une protestation indirecte contre les
assommeurs de Bruxelles dont certains gueux d'Ypres
auraient voulu suivre l'exemple.
Quant k l'autre réparation que Monsieur Gorrissen se
réserve le cas échéant, nous croyons que Monsieur Gor-
rissen, a voulu rire. Si Monsieur Gorrissen, qui certes
n'attendait pas k la gare des parents ou des amis ne vou-
lait pas être compté parmi les stokslagers, il n'avait qu'k
ne pas se montrer publiquement avec eux. Fallait pas
qu'il y aille.
Attendu que la publication des articles ci-dessus devait
éventuellement causer au demandeur Gorrissen un dom
mage d'autant plus considérable, qu'k la veille des élections
communales d'Octobre mil huit cent quatre vingt-quatre, où
le partie catholique espérait remporter la victoire k Ypres,
sa position de secrétaire communal devait être absolument
compromise, s'il s'accréditait qu'il appartenait,en politique,
au parti que l'on disait celui des «assommeurs» des voyous,
des assassins gueux, et qu'il fut capable de participer k
des actes de guet-apens, d'agression de ses adversaires k
main armée.
Attendu qu'en dehors même de la réalisation de l'éven
tualité du résultat des élections communales, le demandeur
Gorrissen k souffert, par le fait du défendeur, un dommage
moral et pécuniaire dont réparation lui est dû.
Vu l'article treize cent quatre-vingt deux du Gode civil
Le Tribunal déclare calomnieux et hautenientdorainagea-
ble l'article du Journal d'Ypres du dix Septembre cité
dans les considérants qui précèdent par suite, condamne
le défendeur Demets 1° k payer au demandeur Gorrissen,
4 titra de dommages intérêts.A.Une somme de cinq cents fr.;