JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT 1,610. 16 Aaïuéc. Dimanche, 5 Octobre 1856. LES CHEMISES DE JEAN COUAI. francs 50 c. Provinces,4 francs, f Le Progrès paraît le Jeudi et le Dimanche. Tout ce qui concerne le journal doit - Réclames, la ligne: 50 centimes. être adressé l'éditeur, Rue au Beurre. On ne reçoit que les lettres affranchies. ABONNEMENTS Ypres (franco), par trimestre, 5 INSERTIONS: Annonces, la ligne 15 centimes. Yphes, 4 Octobre. Nous reproduisons un arlicle du Journal de Liège en réponse aux déclamations de la presse cléricale, publiées l'appui des mandements des évêques jusqu'ici nous n'avons pas encore ren contré de réfutation aussi complète, ni aussi sensée de tous les sophismes auxquels se livrent les journaux soi-disant religieux. Cet article est aussi modéré dans la forme, que remarquable par sa logique serrée et la netteté avec laquelle il dégage les véritables principes constitution nels, que les feuilles cléricales s'attachent ob scurcir. La presse cléricale trouve étonnant, monstrueux, que nous discutions les mandementsdes évêques qui diffament les établissements d'instruction dirigés par l'Ëtatet les communes. Nos critiques sont anticatho liques et anticonstitutionnelles, rien que cela. Il ne nous appartient pas, nous laïques, de discuter les -actes de l'autorité ecclésiastique, quels qu'ils soient, et en attaquant les évêques propos de l'usage qu'ils font du droit de manifester leurs pensées, nous at taquons la Constitution elle-même. Il ne nous serait pas difficile de déterminer la na ture de l'autorité épiscopale et les limites qui lui «ont assignées,-et nous n'aurions pas grand'peine prouver qu'au point de vue catholique, leur parole ne commande pas toujours et aveuglément la sou mission absolue qu'ils semblent réclamer. Quant la question constitutionnelle, on n'a pas vu, que nous sachions, la presse libérale dénoncer comme un délit leurs mandements, invoquer le* anciennes lois ou les lois en vigueur dans d'autres pays pour réprimer les excès auxquels ils se livrent l'endroit de l'autorité civile. Nous avons fait res sortir l'inconvenance de leurs anathèmes, le but tout matérieiqui les a provoqués.'On peut respecter le droit de la libre manifestation de la pensée et en signaler les abus. Les évêques ne sont pas une auto rité constitutionnelle dont les actes commandent le respect, comme les arrêts des tribunaux, par exem ple. Quand ils usent de la liberté accordée tous les citoyens pour manifester leurs opinions, ils doivent s'attendre trouver des contradicteurs, et c'est de la part de leurs avocats une prétention inconstitution nelle de vouloir leur taire cet égard une position privilégiée. Si les prélats, dans la hiérarchie sociale, occupent un rang distingué et respectable tous égards, ils ont, par cela même, des devoirs, des ménagements observer plus sévères que les simples particuliers. Plus leur parole a d'influence, et plus ils doivent (suite et fin.) En attendant que l'on eût un nouveau vacher, Jean Couai fut chargé de mener paître le troupeau, lequel, ne sentant pas son gardien ordinaire, donna tout le jour des marques d'inquiétude. Le taureau surtout se montra fort mécontent, et plusieurs reprises, regarda d'un air in décis le valet de charrue, avec un hochement de tête par ticulier, qui fit vivement souhaiter ce brave garçon d'être débarrassé d'un pareil intérim. Le soir, l'étable, «e fut bien pis, le taureau se mit tout de bon en colère, et ne voulut point se laisser attacher. Le mufle encapu chonné dans son fanon pesant, il parcourait l'étable avec un grondement contenu très-peu engageant; et ce ne lut qu'en le plaçant, pour cette nuit, côté de sa mère, et en l'attirant par l'appât de quelques jointées de son, que le maître-bouvier parvint lui passer la chaîne au cou. La petite Guignelte, dans son dépit, aurait bien sou haité que l'on ne pût réussir mettre au taureau son attache. Tout ce qui, de près ou de loin, tendait faire regretter le vacher, lui agréait fort. C'est pourquoi, dès qu'elle fut seule dans l'étable, s'affublant de la lourde peser les raisons qui les portent manifester leurs opinions. Et lorsqu'il s'agit de censurer les actes de l'autorité civile, de les dénoncer comme contraires aux intérêts religieux, ils doivent réfléchir mûre ment sur les conséquences de leur détermination, examiner sérieusement le but qui les a fait agir, pour ne pas donner prise des récriminations, qui compromettraient les intérêts mêmes dont ils pren nent la défense. L'hostilité des évêques belges l'enseignement donné aux frais de l'État et des communes n'est un secret pour personne on les voit pleins de zèle pour faire prospérer les établissements qu'ils ont fondés, pleins de mauvais vouloir contre leurs concurrens. C'est un parti pris chez eux de trouver mauvais tout ce qui s'y fait, de détourner les parens de leur con fier leurs enfants ils sont entraînés par la passion toutes sortes d'exagérations, et ils risquent, dans leurs emportements, de dépasser le but do justice et de modération qu'ils ne devraient jamais perdre de vue. Nous comprenons qu'il leur soit extrêmement désagréable de voir la presse libérale les rappeler aux sentiments des convenances, leur présenter l'exemple d'autres dignitaires de l'Église qui ne sont ni si violents, ni si injustes; mais ce n'est pas là contester leurs droits constitutionnels. Que diraient-ils eux-mêmes' si un ministre de l'intérieur écrivait aux gouverneurs, aux commis saires d'arrondissement, aux bourgmestres, des cir culaires conçues dans le sens de leur mandement, et qui auraient pour objet d'engager les agents de l'autorité civile détourner les parens de confier leurs enfants aux établissements du clergé? Le gou vernement pourrait prétendre user d'un droit, de la liberté d'opinion qui est garantie tous les Belges, et remplir un devoir constitutionnel qui lui ordonne de veiller sur la société que les lois confient sa garde. Il pourrait articuler, au même titre que les évêques, des griefs fondés sur l'enseignement clé rical. Nous voyons avec peine, pourrait-il écrire, les collèges des jésuites, des joséphites se multiplier dans la Belgique, les collèges épiscopaux, sous le nom de petits séminaires, attirer partout la jeunesse studieuse. Dans ces collèges, on se préoccupe fort peu de faire connaître nos institutions politiques, de les faire aimer par les jeunes gens. On voit, au contrai re, les professeurs s'occuper exclusivement faire regretter, un ordre de choses incompatible avec ces institutions, fausser les intelligences en leur don nant des opinions erronées sur les principaux faits de l'histoire, sur divers points de morale, de droit public et de droit privé; on les voit imprimer aux cape dont s'armait Jacquelet contre le mauvais temps, et qu'il avait dû laisser pour son successeur, elle se risqua, au péril de ses jours, délier le taureau, i seule fin de replonger son monde dans l'embarras, et de tirer un peu vengeance de la flétrissure imprimée celui qu'elle s'opiniâtrait défendre, seule contre tous. Quand un animal fait tant que d'être méchant, il l'est toujours davantage l'égard des femmes que des hom mes, par la raison sans doute que les voyant plus faibles et plus craintives, leur timidité redouble son audace. Ce n'était donc peu de chose pour la biquière, que d'ôter au taureau son licou. Toutefois, grâce la cave de la Jac quelet, elle s'en tira sans mésaventure; car profilant du moment où le farouche animal flairait profondément l'épaisse epveioppe, elle le déchaîna prestement, puis, soudain esquivée, courut crier par toute la métairie que le taureau venait de se détacher. Se faisant un malin plaisir de contrarier tous les gens de la ferme, Guignette eut lieu d'être satisfaite d'avoir détaché le taureau. Il n'y avait nouvelle au inonde, en ce moment, qui pût leur déplaire plus que celle-là, vu qu'il ne s'agissait de rien moins pour eux que d'aller affronter des, coups de corne, genre d'exercice qui peut esprits une direction qui ne convient ni notre so ciété laborieuse, ni aux besoins scientifiques et litté raires qui se manifesteut chez tous les peuples de l'Europe. Ils s'efforcent de les détourner des voies que les lumières du siècle ont ouvertes, pour les plonger dans un mysticisme dangereux et les faire servir d'obstacle aux progrès de l'esprit humain, plutôt que d'en faire des ouvriers delà pensée actifs et intelligents. L'Université de Louvain va rebours du progrès scientifique que poursuivent tous les grands établis sements européens. On y apprend aux jeunes gens mépriser tous les hommes d'élite qui ont arraché l'enseignement public aux étreintes de la scolastique, aux vieux représentants du trevium et du quadri- vium ou y professe un droit naturel renouvelé de Saint Thomas d'Aquin, un droit public, qui date de Grégoire VII, un droit civil inspiré du droit cano nique. Ce n'est pas un pareil enseignement qui convient aux jeunes générations qui sont appelées développer les institutions libérales de l'Etat belge, «En vous fesant part, monsieur, de nos craintes et de nos douleurs, en vous signalant les dangers qui menacent nos administrés, nous remplissons le de voir qui nous ordonne de veiller sur les institutions que l'Etat a confiées notre garde. La Constitution veut que les ministres du roi combattent les efforts de ses ennemis et favorisent la propagation des bons principes elle leur commande de s'opposer tout établissement qui s'élève contre la science constitu tionnelle, et de repousser les doctrines erronées que l'on présente aux populations sous le faux uom de religion. Le ministre qui tiendrait un pareil langage pro voquerait inévitablement un orage d'injures et île récriminations de la presse cléricale, et qui sait? les évêques prendraient la parole pour analhématiser sa hardiesse! On trouverait qu'il abuse de l'autorité qui lui a été confiée; qu'il exerce une pression in constitutionnelle sur ses agents; qu'il usurpe une autorité qui ne lui a pas été confiée; qu'il attaque un des principes fondamentaux de notre Constitu tion la liberté d'enseignement. Et cependant ce ministre n'aurait rien fait que ne font les évêques il aurait obéi un devoir de la même nature que celui dont ils se prévalent; il aurait parléau nom du respect dû nos institutions, comme ils prétendent le faire au nom de la religion, et il aurait plus vrai que ne le sont les prélats de Bruges et de Gand. Est-ce dire que nous approuverions la conduite du ministre, alors que nous blâmons celle des évê ques? En aucune sorte. Nous croyons que l'opinion publique, la conscience des citoyens n'ont pas besoin avoir son agrément, en plein cirque, sous les ]|pux et aux applaudissements d'une ville entière, mais qui, dans le coin d'un parc vaches, est généralement dépourvu de tout attrait. C'est pourquoi la Guignette fut accueillit par une tirade de jurons de la part des hommes et par une enfilade d'Ah mon Dieu! de la part des femmes. Rattacher le taureau, nul n'osait s'y risquer. L'un parlait de lui jeter un nœud coulant, l'autre était d'avis de lui voiler la vue; celui-ci proposait d'aller prendre, au village, le dogue du boucher; et tout en discourant, chacun s'arma, qui d'un câble, qui d'un pal, qui d'une fourche, puis l'on se rendit en corps l'étable, les femmes suivant pour conseiller la prudence. Mais dès l'entrée, on fut frappé d'un spectacle bien inattendu; le taureau, arrêté devant le coffre ouvert de Jean Couai,'mangeait tranquillement une chemise. Il en avait déjà avalé une partie, et le reste de la nippe flottait sa gueule. Au bruit de tous ces arrivants, il se retourne vers eux sans lâcher le morceau, et se met les regarder avec attention, en continuant tordre et avaler. Tous joignirent les mains dans une même pensée, Guignette jeta un cri de délivraacc. L'innocence de J

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