5e ANNÉE. N° 465.
JEUDI, !6.0CT0BRE1845.
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INTERIEUR.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton dit Progrès
LE LIVRE
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TIRES ACQUIR1T EDNDO.
YPRES, le 15 Octobre.
QUESTION ÉLECTORALE.
Si lous les habitants sont indistinctement in
téressés la bonne composition du conseil com
munal, deux fractions surtout la propriété et
l'industrieont inconteslablement l'intérêt le
plus direct, le plus immédiat voir les sièges
de l'hôtel-de-ville occupés par des hommes
éclairés et soucieux du bien public; quelle ad
ministration en effetpossède avec ses admi
nistrés des rapports plus fréquents, plus inti
mes que l'administration communalepar le
fait même que la plupart des questions soumi
ses ses délibérations sont d'intérêt purement
local, et même souvent privé. Or ces circon
stances doivent nécessairement amener souvent
en présence, la magistrature urbaine et les
citoyens qui représentent la fortune publique,
nous voulons dire la propriété foncière et le
commerce.
Le concours de l'autorité dans l'exécution des
ouvrages d'utilité eu d'embellissement public,
les travaux exécutés par elle, ses efforts pour
doter la ville de nouvelles voies de communi
cation, et lui assurer la plus large part du bien-
être possible l'amortissement bien entendu de
la dette, sont autant de preuves qui viennent
militer en faveur de ce que nous avançons.
Et maintenant, nous le demandons, ces avan
tages dont jouissent seules les cités où l'admi
nistration comprend les besoins de ses conci
toyens, ces avantages que nous avons conquis
par nos efforts constants, les eussions-nous obte
nus, si les fonctions municipales eussent été
considérées comme un vain hochet d'orgueil, ou
comme un moyen d'assouvir des rancunes per
sonnelles? Non, certes, et nous pourrions citer
des localités dont les magistrats nommés sous
l'influence de ces principes délétères, ont, par
leur incurie, laissé échapper des avantages dont
ils eussent pu doter leurs administrés, si, com
prenant mieux leur mission, ils eussent su faire
Taloir leurs droits.
Un écueil contre lequel nous ne pouvons
donc trop prémunir nos amis est le principe
d'exclusion personnelle quis'il prévalait ja
mais, subordonnerait l'intérêt de tous aux mes
quines proportions de quelques antipathies
individuelles, l'élection libre l'influence des
coteries, et, partant, serait diamétralement op
posé aux vues larges qui doivent animer le
véritable libéralisme qui seules lui ont assuré
la force qu'il a déployée jusqu'à ce jour, et
peuvent, seules aussi, lui ouvrir, dans l'avenir,
la voie de nouveaux triomphes.
Que dans les comices où les électeurs libé
raux seront bientôt appelés venir apporter
leur part d'action et d'influence, ils séparent
1 homme du principe, l'individualité de la chose
commune, qu'ils élisent, non pas celui qui leur
fiait le plusmais celui qui, par ses connais
sances, est le plus apte sauvegarder, défen
dre, assurer leurs intérêts, celui enfin, qui
par ses antécédentsla fermeté de son carac
tère et son indépendance personnellepeut^s
être considéré comme le plus digne.
En agir autrement serait se préparer pour
I avenir des déceptions fâcheuses, semer au sein
de la magistrature communale des germes d'im
popularité, entraver ou affaiblir les ressorts de
l'administration.
Nous avons cru devoirdans la conjoncture
actuelle, émettre ces considérations, parce qu'il
semble que les opiniôns des électeurs ne sont
pas fixées entre les quatre candidats que le
Progrès a mentionnés dans son N° du 9 de ce
mois.
Rien de plus rationnelen un sens qu'une
dissidence d'opinions la veille d'une élection,
elle annonce l importance que les citoyens at
tachent la question qui va se débattre, et,
sous ce rapport, nous n'aurions qu'à applaudir,
pour ce qui nous concerne, aux manifestations
d'esprit public, que nous voyons surgir de toute
part; mais ces manifestations ne seront un gage
certain du succès, que du moment où, une
base d'opérations étant arrêtée, chacun saura
mettre franchement son influence au service de
la majorité. 11 ne faut pas que, tandis que
le plus grand nombre scrute sans passion les
titres des candidats proposés aux suffrages de
leurs concitoyensquelques-uns repoussent
irrévocablement certaines candidatures, par des
motifs peu plausibles notre avis, du moment
qu'ils sont étrangers aux intérêts de la généralité.
Nous nous abstenons de citer des noms pro
pres, chacun nous comprendra, et ceux mêmes
que nous désirons voir entrer dans nos vues
apprécieront notre réservé, nous en avons la
conviction.
Loin de nous l'idée de vouloir imposer les
hommes dans lesquels nous pourrions avoir
placé nos sympathies, l'initiative du choix ap
partient l'assemblée générale préparatoire des
électeurs, mais, nous le répétons, nous voulons
prémunir nos concitoyens contre le danger des
considérations personnelles. 11 s'agit ici d'un
principe, et, devant lui, les affections, comme
les antipathies doivent se taire. N examinons
pas si tel candidat est plus populaire que tel
autre, mais s'il est plus apte, et surtout s'il a
"iné notre cause des gages suffisants d'indé
pendance.
On est unanimement d'accord, quant la
réélection des conseillers dont le mandat va ex
pirer. Ainsi, les seuls choix nouveaux qui soient
faire, sont les remplaçants de M. De Patin,
décédé, et de M. Iweins, démissionnaire;
que le corps électoral avise avec calme et
impartialité pour nous nous accepterons son
verdict, et appuyerons de tous nos moyens ses
candidats, devenus dès lors les nôtres. Ainsi
comptons-nous qu'en agiront tous les électeurs,
et les candidats eux-mêmescar nous avons
assez de confiance dans le patriotisme des uns
et des autres pour croire que ceux qui n'ob
tiendraient pas d'abord la majorité, ne vien
dront pas se mettre au travers de l'élection de
leurs compétiteurs, ou des conseillers réélire,
et compromettre ainsi, sans profit pour eux, le
sort d'une élection laquelle se rattachent pour
la ville de si puissants intérêts.
Nous sauronspour notre partenregistrer
les actes de civisme que nous réclamons de nos
amis, et, le cas échéant, les faire valoir assez
éuergiquement, pour que leurs auteurs n'en
perdent pas le fruit.
Union et abnégation, il y va du succès de la
lutte!
NOUVELLE.
deuxième partie.
III. Suite
Albert était peine seul depuis un instant et il se disposait re
gagner sa demeure, lorsqu'il se vit assailli tout-à-coup par une bande
de forcenés ivres de vin et de pillage
Que fait là ce curieux? s écrièrent-ils d'un ton menaçant}
tandis que le peuple se laisse égorger pour la défense de ses droits?
c'est un aristocrate! A mort l'aristocrate!
Albert était vêtu avec soin, il n'en fallait pas davantage pour jus
tifier l'accusation de ces furieux.
Mais je le reconnais, mes braves! dit l'un d'eux en s approchant
davantage du jeune homme, c'est le secrétaire du ministre de la
justice, du traître Durantbon!
Aux yeux de ces hommes égarés tous les ministres et ceux qui
servaient Louis XVI étaient des traîtres!
A ces mots, les vociférations redoublèrent avec une rapidité épou
vantable
Ah lu es le suppôt du ministre de l'injustice!
- Del un de ceux qui ont engagé le roi refuser de sanctionner
les derniers décrets!
Oui,oontre les prêtres!
Pour le camp sous Paris!
A bas le veto!
A bas les ministres!
A mort le secrétaire!
»- Qu'il paye pour son maître
Albert pressé de toute part, s'épuisait en vains efforts pour résister
ce Ilot humain qui allait l'engloutir.
Allons, allons! finissons-en! s'écria l'un des plus furieux de
cette horrible bande} tiens, l'ami, voilà ton coup de grâoej le peuple
te pardonne!
Et le bras vigoureux armé d'un large couteau s'abattit sur
Albert..,.
Du cri douloureux retentit.» les meurtriers reculent épouvantés
eux-mêmes du spectacle qui frappe leurs yeux...
Albei t n'a pas été atteint par le fer de l'assassin, mais ses pieds
git le corps d'un jeune homme, d'un adolescent. Son visage est pâle
et ne porte encore aucun de ces signes extérieurs qui caractérisent
1 homme viril. Ses longs cheveux noirs boivent le sang qui s'échappe
abondamment d'une profonde blessuie, sa main gauche presse le
cœur comme pour y retenir la vie, sa main droite s est raidie en
serrant avec force celle d'Albert
Celui-ci, saisi d'horreur et de pitié, a reconnu la victime qui vient
de se dévouer pour lui-, ses yeux qui semblent sortir de leurs orbites
se fixent sur elle avec une expression si déchirante que les meurtrier^
en paraissent attendris; la parole expire sur ses lèvres, le sang se
reflue vers son cœur et va en suspendre les battements, mais tout-
à-coup un espoir le ranime la main qui serrait la sienne, a tres
sailli la victime n'a pas encore succombé. La force lui revient
avec l'espoir, et puisant une énergie extraordinaire dans la gravité
de sou danger
Malheureux! s'écria-t-il, en s'adressant d'une voix étouffée aux
meurtriers vous avez tué mon infortuné frère! Ah laissez-moi
^'emporter; laissez-moi lui offrir les derniers devoirs!
Les tigres sont émus, ils ont retrouvé des entrailles humaines... ils
s'écartent silencieusement, détournent la tête, et Albert disparait
en emportant dans ses bras défaillants la généreuse victime, la belle
et noble Jeanne de Las Sierras.
Il ne songea pas d'abord s'éloigner de ce lieu qui avait été
depuis quelques heures le théâtre de tant de scènes étranges ou dou
loureuse.s Il craignait encore que ce peuple si mobile dans ses im
pressions ne retrouvât lout-à-roup sa férocité, et il savait trop que
si les meurtriers eussent connu le nom et la patrie de Jeanne, rien
n'aurait pu la soustraire leur vengeance.
(La suite au prohain A7».)
R.-Th. Pirohon.