5e ANNÉE. - N° 422.
INTERIEUR.
DIMANCHE, 18 MA11845.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
YILLE D1 YPRES. conseil communal.
Feuilleton.
*9-
On «'abonne Yprei, Marché
au Beurre, et chez tous {les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
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Le Progrès
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
Y PRES, le 17^ITIai.
Rien ne doit être plus poignant pour nos
adversaires politiques que les revues rétrospec
tives, rien de plus accablant pour les ardents
champions de la liberté avant et après 1830, que
leur ligne de conduite actuelle. On s'en sou
vient, ce temps n'est pas trop éloigné de nous,
quand le clergé ainsi que ses adhérents, étaient
les plus avides de libertés. On ne pouvait laisser
Iropde latitude, liberté de la presse, liberté sur
tout pleine et entière de l'enseignement, liberté
d'association par-dessus tout. Ah! ceux qui ont
<iemandé et obtenu du congrès national ces
Ijaranlies politiques si larges, si immenses, sa
vaient ce qu'ils voulaient et ils n'étaient pas
sans arrière-pensées. La suite l'a bien fait voir.
La constitution de 1830, consacrant les ga
ranties les plus larges, a été volée aux accla
mations du elergé, comme de toutes les autres
opinions qui étaient représentées au palais de
la nation. Comment se fait-ii que celle Consti
tution Lanl bénie n'est plus qu'un fait pour nos
champions de la liberté illimitée, et que, si on
n'en transgresse jaas encore la lettre, l'esprit
n'en est plus observé.
Il est inutile de citer l'appui de cette asser
tion des preuves; elles abondent et tous ceux
qui suivent avec quelque attention la marche
rétrograde qu'on a imprimée la Belgique,
doivent en être convaincus. Mais ce qui pré
sente un enseignement utilec'est la manière
dont celte volte-face s'est opérée.
Souvent déjà nous avons parlé de l'encyclique
papale de 1832. Nos ultramonlains qui préco
nisaient la liberté en Belgique, étaient en oppo
sition directe avec leur chef spirituel, en Italie,
qui ne veut entendre parler d'autres libertés
que de celle de mettre ses sujets aux oubliettes,
sans autre forme de procès. Quand on vit que
la Belgique était mûre pour subir la domi
nation des prêtres, le saint Père lança l'excom
munication contre ceux qui voulaient que la
presse fut libre, que tous les cultes fussent to
lérés indistinctement.
Que firent les apôtres de la liberté en tout
et pour tous? D'un côté, les principes condamnés
par le Pape étaient devenus lois du pays et de
l'autre, leur chef spirituel condamnait ces mê
mes lois. On fit ce que les prêtres, qui ne sont
citoyens d aucun pays, mais qui forment une
milice dévouée aux ordres de Rome, ont tou
jours fait ils abandonnèrent les lois de leur
pays, ils renièrent ce qu'ils avaient approuvé.
Sans la moindre hésitation, ils admirent la con
damnation de ce qu ils avaient aidé élever et
envisagèrent la Constitution comme un fait qui
pouvait être changépuisqu'elle n'était plus
légitime leurs yeux, condamnée qu'elle était
par le Pape.
Qu'on ne nous conteste point que telle a été
la conduite du clergé les preuves les plus fla
grantes peuvent être citées l'appui de ce que
nous avançons. Du reste, en Belgique, le
clergé qui est la cheville ouvrière de opinion
improprement nommée catholique, se trouve,
l'étal de parti, dans la même position que les
républicains etles légitimistes en France, c'est
direqu'il conteste même le principe en vertu
duquel le gouvernement est établi.
Mous savons bien qu'on nous répondra que le
parti jésuitique paraît professer un grand res
pect pour les lois existantes mais ce n'est que
pour autant qu'elles lui -sont favorables, et les
nôtres jusqu'ici ne lui ont pas mal réussi im
planter sa domination en Belgique. Si on ne
marche pas plus vivement la ruine de tout ce
qui a été élevé en 1830si le rebroussement
n'a plus des allures aussi vives qu'en 1841
c'est que la partie de la nation la plus éclairée
s'est ouvertement prononcée contre ces tentati
ves c'est que les élections ont fait voir, que
les électeurs ignares et fanatisés marchaient
seuls sous la bannière du clergé et que ce
tiers-étal qui n'était rien avant la révolution
française, était devjnu la digue la plus forte
que les nations eussent opposer aux empiéte
ments du clergé. Que les élections deviennent
favorables au parti qui nous opprime et nous
verrons bientôt que l audace des ennemis de nos
libertés n'était pasabattue, maisquela prudence
leur conseillait d'attendre.
Séance publique du Vendredi, 16 mai 1845.
Présents, MM. Vanderslichele de Maubus,
Bourgmestre président; Alph. Vanden Peere-
boom et Iweins-Hynderickéchevins; Gérard
Vandermeersch. Louis Annoot, Théodore Van
den Bogaerde. Boedl, avocat, Martin Smaelen,
Boedt-LucienLegraverandCharles Vande
Brouke, Ernest Merghelynck et Pierre Beke
conseillers.
M. le secrétaire donne lecture des procès-
verbaux des deux dernières séances. La rédac
tion en est approuvée.
M. le conseiller Beke présente les rapports
sur la comptabilité de la Salle Syphilitique. Il
propose l'adoption du compte de l'exercice
1843, ainsi que celle du budget pour l'exercice
1845. Celte proposition est adoptée.
M. léchevin Vanden Peereboom, au nom de
la section de comptabilité lit le rapport sur le
compte de l'exercice 1843, du Collège communal
d'enseignement. Ce compte présente un excé
dent de 159 francs 62cesqui seront versés dans la
caisse communale. Le conseil adopte.
Il est donné lecture des clauses et con
ditions du bail passé entre l'administration des
hospices civils et les délégués de la province
pour la location de l'Hospice du Béguinage, ac
tuellement occupé par la gendarmerie. Celte
convention est faite pour neuf ans et au prix
de deux mille francs de loyer. Le conseil ap
prouve l'acte passé entre les hospices et la pro
vince.
Le Conseil revient la demande faite par le
sieur Verfaillie, meunier, tendante être auto
risé établir une usine avec machine vapeur
destinée moudre le blé. L'avis de l'autorité
communale est requis, afin de pouvoir ériger
un établissement de ce genre. Le conseil est
d opinion d'émettre un avis favorable, mais en
priant la députation permanente de n'autoriser
l'établissement de cette usine, que pour autant
q u'elle ne puisse gêner ni intercepter la vue sur
la ville dont on jouit en se rendant Ypres par
la roule de Courlrai.
Le conseil examine la demande du sieur Del-
vaux, tendante être autorisé fondre de l'huile
iïïsa aa aa&sîïîcD'ïîa,
(Suite.)
IV. LE DUEL.
Un jour, par un beau soleil, il y avait grande foule sur la place
Royale. Ses façades de briques rouges étaient animées d'un nombre
infini de têtes qui se montraient toutes les fenêtres. Les passants
stationnaient dans l'enceinte, remplissaient les ailées et se grou
paient sur les portes} mais les pages et les gentilshommes surtout
s'arrêtaient avec curiosité,car le spectacle qui se préparait était dans
leurs attributions, et fait pour leur inspirer le plus baut intérêt.
C'était une chose iuoui'e qu'un duel en ce moment Paris, et en
plein jour. Le roi Louis XIII avait juré son sacre d'extirper cet
usage de ses états, et la peine de mort avait été prononcée contre ce
délit. Aussi la surprise était extrême de voir deux combattants qui se
préparaient croiser le fer si publiquement, au mépris de la nou
velle loi. Mais lorsque les champions jetèrent leur feutre et le
manteau qui les enveloppait, et que la foule reconnut avec ébahis-
Reim nt le duc de Guise et le oomte de Coliguy, leur nom oourut de
toutes parts, et l'intérêt fut redoublé par l'illustration des person
nages de ce drame. Le comte de Joinville, témoin de Coliguy, venait
de monter cheval pour aller chercher un second au duc de Guise,
cl les combattants attendaient son retour.
En quittaut la comtesse de Berghes, son généreux ami était parti
en toute bâte pour Paris, Comme le duc de Guise ne pouvait y pé
nétrer qu'i/icoynito, il ne chercha point daus les hôtels des grands,
niais il connaissait les lieux de réunion des conjurés revenus en
Frauce après la dispersion de l'armée de Soissnns. En effet, il
pénétra dans une maison retirée de la rue Saint-Paul, et se trouva
au milieu d'une assemblée clandestine. Caché dans un angle obscur
de la pièce, il vit là les hommes les plus marquants de ceux poursuivis
par l'implacable ministre c'étaient Maritlac, Vendôme, La Val-
lette, le chancelier d'Aligrc, etc. Le duc de Guise dominait cette
assemblée de toute la puissance de sa noble physionomie, de sa
slature imposante, de son organe mâle et vibrant. 11 parlait de son
dévouaient son pays, du bouheur qu'il aurait servir la France
étaut proscrit par elle, et des moyens que sou esprit lui suggérerait
pour venir malgré elle au secours de cette contrée iuhahile se créer
elle-même son bonheur et sa liberté.
Quand il fut sorti, et se trouva seul dans la rue, la voix d'un
homme qui marchait derrière lui porta ces paroles sou oreille
Duc de Guise, le dévouaient au pays se montre sur le champ de
bataille} quant au patriotisme clandestin, il est permis de ne pas y
croire. Vos devoirs envers votre roi et votre patrie ne vous occupent
guère} il en est même un plus sacré que vous vous êtes dispensé de
remplir.
Le duc se retourna et pâlit en reconnaissant celui qui l'interpellait.
Il lui dit avec hauteur
Voulez-vous bien me parler clairement? comte de Coligny?
Je 112ns de cent lieues d'ici exprès pour cela. Une femme pure
comme les anges du ciel, qui vous appartient par un mariage secret,
s'est compromise aux yeux de tous, parce qu'elle pensait que sou
droit de vous aimer allait bientôt être connu du monde comme
d'elle-même. Cepeudant vous parlez, vous la laissez courbée sous
l'apparence du déshonueur, classée au rang de la maîtresse d'un
grand seigneur. Elle! rehaussée de vingt quartiers de noblesse! et
d'uue noblesse de cœur au-dessus de toutes les autres! Reconnaissez
votre tort, duc de Guise, venez donner votre nom celle qui a droit
de le porter, et allez ensuite où le destiu vous conduira.
En regardant ce que vous venez de me dire comme une pro
position que vous me faites, je n'ai rien vous répondre, si ce n'est
que ma volonté et mes desseius m appartiennent. En le regardant
comme une leçon que vous me douucz, la réponse que j ai vous
adresser ne peut être faite que par mon épée. Tirez la vôtre, comte
de Goligny.
Comme ces deux hommes, aussi irrités l'un quel autre, se trou
vaient eu ce momeut près de la place Royale, ce fut là qu ils voulurent
vider leur querelle. Lorsqu'ils mirent i'épéeà la main, tout ce que
l'intérêt et la curiosité out de plus intense fut concentré sur eux.
On voyait, dans tout le feu de leur valçtir, les deux plus brillants
hommes d'armes de la France Coligny, célèbre daus la guerre du
Languedoc} de Guise, général de l'armée de Soissons} et cela, dans
ce temps où l araonr des armes était si fortement empreint dans le
caractère fiançais, et semblait l'âme de la nation. Chaque coup que
les oombattauts poitaieut faisait tout tressaillir autour d'eux. I.es
témoins et le peuple gardaient le silence} on n'entendait que le choe
des épées qui tintaient dans 1 air. Dans chaque coup de ces lames,il