4e ANNÉE. - N° 416.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 27 AVRIL 1845.
Feuilleton.
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YPRES, le 26 Avril.
BIBLIOTHEQUE PUBLIQUE. MUSEE.
Rien n'atleste mieux les progrès de l'esprit
humain que le culte qu'il voue au génie, et
l'estime où il lient les monuments des arts et
de la science. Cela est si vrai, qu'on mesure
communément le dégré de civilisation d'une
localité, par le nombre et l'importance des
établissements scientifiques qu'elle possède, et
qu'eux seuls peuvent lui assurer un éclat que
les richesses elles-mêmes sont impuissantes
lui donner, lorsqu'aucune considération de pro
grès moral ne les guide. Ces réflexions se
sont présentées nous lors d'une visite que
nous avons faite récemment la Bibliothèque
publique et au Musée des beaux-arts de celle
ville.
Il est impossible de se Former une idée exacte
de l'importance du premier de ces dépôts
sans l'avoir examiné dans ses détails, el avec
soin pour nous, nous ne pourrions erl donner
une analyse, même Irès-restreinletant sont
nombreuses el variées les richesses littéraires
qu'étale le salon de la Place du Palais de Justice,
aussi nous ne l'essayerons pas, et en écrivant
cet article, nous avons voulu seulement faire
part nos lecteurs de l'impression qu'à pro
duite sur nous la vue de 10,000 volumes ras
semblés par les soins inFatigables de quelques
hommes qui ont conçu l'heureuse idée de faire
un appel aux lumières de uotre population,
elles ne leur ont point fait faute, ces lumières, et
de nombreux dons volontaires, émanant de
toutes les classes de la société, leur sont venus
en aide, el ont donné en peu d'années notre
bibliothèque un accroissement immense et
presque fabuleux chacun s'est empressé d'at
tacher son nom une institution ulile; ainsi
ont pu se réunir en peu de temps, et sans frais
une foule d'ouvrages précieux, et se créer ce
beau dépôt dont nous avons dès présent le
droit d'être fiers.
Le Musée est un digne pendant la Bibliothè
que dont il est le complément nécessaire.
Une même pensée a présidé la création de
l'une et de l'autre de ces institutions; il ne
s'agit point ici, non plus, d'une collection ache
tée des deniers communaux, et rassemblée avec
peine et lenteur. On peut dire que le Musée est
l'œuvre immédiate des habitants d'Ypres, aussi,
ce qui ailleurs n'eût été réalisable qu'en un
grand nombre d'années a été fait ici. avec une
rapidité étonnante, de sorte qu'un établisse
ment qui compte peine cinq années d'exis
tence est parvenu aujourd'hui un degré d'élé
vation remarquable. A part les tableaux que
la ville possédait déjà, et dont elle s'est con
stamment efForcée d'accroître le nombre, par
les achats qu'elle a faits différentes époques,
toutes les autres collections ont été acquises par
la société des beaux-arts, el celte partie n'est
pas la moins intéressante du salon la collection
d'animaux surtout mérite d'être signalée. Le
médaillier, déjà considérable s'accroit chaque
jour par les dons des particuliers, et par ceux
du gouvernement, il se distingue par un grand
nombre de médailles rares et curieuses. Les
coquillages forment une section élégante et
variée, et les fossiles quoique moins brillants
n'offrent pas moins d intérêt aux yeux du con
naisseur. La collection des minéraux est peu
nombreuse encore, mais elle présente quelques
échantillons curieux, et il faut espérer que les
sympathies dont le public a entouré dès le prin
cipe la création de notre cabinet des beaux-
arts, ue laisseront point celle partie défectueuse.
Le Propagateur d'Ypres annonce dans son
numéro de dimanche dernier que Monsieur
Antoine Poupart, vient de passer son examen
de docteur en médecine avec la grande distinc
tion et celui de docteur en chirurgie avec la
plus grande distinction. Encore un triomphe
enrégislrer, et qui rejaillit sur notre collège
communaloù Monsieur Pouparl a reçu l'in
struction humanitaire.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de
Jean Van dên Brouck, tonnelier, âgé de 31 ans,
né Slaeden, demeurant Clercken (Flandre-
Occidentale)condamné mort parjla cour
d'assises de Bruges, le 14 octobre dernier, du
chef d'assassinat.
Hier matin, le tribunal correctionnel s'est
occupé au milieu d'un grand concours de monde
de l'affaire des curés et vicaire de Watermael-
Boitsfort qui revenait de nouveau celte au
dience par suite de l'arrêt de la cour d'appel de
Bruxelles qui a condamné définitivement ces
ecclésiastiques se défendre au fond, leur ex
ception d'incompétence ayant été rejetée.
On a commencé par l'audience des témoins,
lesquels ont confirmé en tout point ce qui avait
été dit dans la plainte relativement aux critiques
et aux excitations auxquelles ces prêtres s'étaient
livrés dans leurs sermons propos d'une déci
sion prise par le conseil communal. On sait que
par celle décision qu'on a attaquée avec tant
de violence, le conseil communal se bornait
déclarer qu'à cause des charges nombreuses qui
écrasaient la commune, celle-ci ne pouvait con
sentir payer trois curés et autant de vicaires,
nombre bien exagéré assurément pour un vil
lage qui compte peine 2,500 habitants.
Le principal incident de cette première au
dience et qui a produit une sensation profonde,
a eu lieu propos d'une question adressée par
le ministère public l'un des témoins. M. De
Dobbeleer demandait M. Rowies, ancien con
seiller communal, si l'on n'avait pas fait auprès
de lui des démarches soit pour le menacer
l'occasion du vole qu'il avait émis lorsqu'il était
encore membre du conseil, soit pour l'intimider
au sujet de la déclaration qu'il venait faire en
justice.
A cette demande M. Rowies a répondu que
lorsqu'il s'est présenté, le vendredi Saint, au
confessionnal de M. le vicaire de Watermael,
afin de se préparer faire ses Pâques, il a été
fait mention par le prêtre des affairesdont
s'agit au procès, et qu'en définitive le confesseur
2>33 3^3^2333 3t? 2>&
DF JUILLET.
Rapport nu Roi, par M. Villemairt, ministre de l'instruction publi
que 1843. Défense de F Université, par M. Cousin. Des
Jésuites, par MM. Michelct et Quiuet. Manuel du Droit public
ecclésiastiqueJrançaispar M. lJupiu aîné. Lettres sur le Clergé
et sur la Liberté d1 enseignement, par M. Libri. Histoire de la
chute des Jésuites au dix-huitième siècle, par M. le comte Alexis
de Sainl-Piiest. Les Jésuites et l Université, par M. Géuiu.
Du Pouvoir de FÊtat sur F Enseignement, par M. Troploug.
VUltramontanisme par M. Quiuet. Les Constitutions des
Jésuites avec les Déclarations. Doctrines morales et politiques;
Cas de Conscience et Aphorismes des Jésuites. Du prêtre, do la
Femme, de la Famille, par M. Michèle t. Le Mari la Cam
pagne (la pièce imprimée), par MM. Bayard el Jules de VVailly.
Rapport de M. Thiers sur Finstruction secondaire, brocliute
in-12. Le Juif-Errant, par M. Eugène Sue; G volumes iu-8°
etc.
(1er article.)
Voici tantôt dix mois que je laisse s'accumuler sur ma table les
ouvrages dont je viens de donner les titres, et avec eux beaucoup
d autres que la réapparition des jésuites fait sortir en foule du sol
rémuépar les passions religieuses. Chaque jour la pyramide s'élève,
et chaque jour elle accuse davantage la critique, indifférente ou ti
mide, que ces vives escarmouches de la philosophie militante ue
parviennent pas tirer de sou sommeil ou qu'elles frappent d'une
frayeur ridicule. Pour moi, je me suis longtemps reproché ce déni
de justice littéraire mais aujourd hui je m'en félicite, la vue de
ceile ligne de bataille formidable que présentent tous ces écrivains,
paitis de tous les points de l'horizon, difï'éreus par l'esprit, la pro
fession et le style, les uns armés a là légère, les autres traînant après
eux l'imposante artillerie de 1 argumentation philosophique, ceux-ci
historiens, ceux-là romanciers, dramatistes ou poêles, mais tous
réunis dans la même appréhension, dans la même au'.ipathie, contre
un ennemi commun.
Ce n'est pas mou goût de mêler une discussion irrilaute au paci
fique examen d un livre, et d'envenimer de fiel politique une enquête
puiement littéraire. Je ne puis pourtant pas échapper la qu :stion
renfermée dans tous ces ouvrages, et qui eu sort, malgré le lecteur
lui-même, si passionuée et si provocante je veux pai 1er du jésuitisme.
Non, la ciilique aurait beau se taire; ces livres parlent. Quelle se
hâte donc, pendant qu il en est temps encore. Sou rôle n'est pas de
suivre, en tremblant, celte grande année défensive qui couvre eu
ce moment la frontière par où le jésuitisme veut rentrer dans nos
écoles, dans nos temples, dans le foyer de nos familles. Sou rôle est
d'assister aux conseils des chefs, de discuter leurs plans de campa
gne, d'observer et de signaler l'ennemi c'est ce que je vai&faire avec
toute la mesure qu'une telle mission commande, mais aussi avec
lou e la .sincérité qu'elle réclame.
Nous avons aujourd hui en France le jésuitisme de deux manières
le jésuitisme sous forme de jésuite, avec la robe et le chapeau de
l'Ordre, et le jésuitisme sous forme séculière, empruntant la voix
ou la plume de quelques membres, heureusement peu nombreux,
du clergé français.
L'habileté des jésuites réguliers a consisté en ceci: ils se sont
tenu d'abord prudemment 1 écart, poussant eu avant un certain
nombre de prêtres et d'écrivains complaisans, comme fit Sam-on
quand il chassa ses renards, avec des flambeaux la queue, dans les
moissons des Philistins. Plus tard, quand le pays reconnut, ce
bruit d'intolérance religieuse qui éclatait, la main qui avait allumé
les brandons, les jésuites s'avouèrent. Un des leurs déposa timide
ment au seuil des sacristies une brochure où l'on disait que la Com
pagnie de Jésus avait pu rentrer en Fiance sans y ramener le
jésuitisme.
C'était justement la question. Mais beaucoup d'honnêtes gens y
furent pris. L'abbé de Ravignau parlait avec modestie et avec ouc-
tion. Il racontait avec une voie émue les exercices de la sainte
Compagnie, ses épreuves, ses travaux et jusqu'à ses innocents plai
sirs. Il montrait, éclairée d une douce lumière, la devise de l'Ordre
Pauvreté, chastetéobéissance, dont le monde chrétien avait été si
lent comprendre la trompeuse ironie! Enfin M. de Ravignau avait
si bieu écrit, si bien parlé (et il parle encore), que la métamorphose
parut complète. Les jésuites n'étaieni plus ces énergiques et astu
cieux sectaires qui avaient pendant deux siècles et demi trompé et
tourmenté l'Europe, les héritiers des Mariana, des Oldecorne el des
Varade; oa eut dit plutôt un troupeau de moulons qui regagnaient
la prairie après l'orage, des moutons comme ceux de Fontenelle ou
de Florian, peignés, frisés et pot tant au col des faveurs roses.
Le succès de 1 églogue de M« 1 abbé de Ravignan a encouragé les
jésuites. Ils out osé, quatorze ans après la révolution de juillet, ce
qu'ils n'avaient jamais tenté même sous la Restauration ils se sou-