4e ANNËlB. N° 412.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTERIEUR.
M. VIalou-Vergauwen. «J'engagerai le gou
vernement prendre les mesures nécessaires pour
mettre l'arrondissement d'Ypres l'abri des vexa
tions de M. l'ingénieur en chef De Brock.
feuilleton.
On s'abonne TpreSi Marché
an Beurre, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE LABONNEMENT,
par trimestre.
pour Y prèsfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
DIMANCHE, 13 AVRIL 1843.
Tout ce qui concerne la ré
daction doit être idressé, franco,
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrès paraît le Dimanohe
et le Jeudi de chaque semaine*
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
YPRES, le 12 Avril.
A voir ia persistance que mettent nos adver
saires comprimer l'élan des idées libérales, il
est impossible de ne pas pressentir l'oppression
que la théocratie prépare la Belgique dans
un avenir qui semble peu éloigné de nous. Cette
tendance a dessillé les yeux des moins clair
voyants, et chacun aperçoit maintenant le but
vers lequel tend une faction insensée, qui a déjà
su rendre illusoires les dispositions les plus
franches de noire charte constitutionnelle.
Oui. aux yeux de la faclion rétrograde, la
constitution de 1830 n'est plus qu'un vain.simu
lacre qu'un édifice sans consistance dont elle
sappe chaque jour davantage les fondements
elle qui a coopéré son érection. La presse
est condamnée par l'encyclique, dans le con
fessionnal, du haut de la chaire; la liberté
d'association est proscrite, hors, dans l'église;
un joug tyrannique pèse partout sur les con
sciences le clergé lient toutes les issues du pou
voir, il domine dans les comices électoraux il
s'est presqu'altribué le monopole de l'instruc
tion de la jeunesseet les neuf dixièmes des
écoles relèvent exclusivement de lui N"est-il
pas bien près de saisir le sceptre, de mettre
l'autel sur le trône
En 1830. on eût appelé mauvais citoyen ce
lui qui aurait prétendu que, quinze années plus
tard, la devise de la révolution liberté en tout
et pour tous aurait été machiavéliquement tra
vestie par une caste qui ne veut de la liberté
que pour elle seule et pour ses acolytes, et ce
pendant, on ne peut le nier nous en sommes
décidément arrivés là.
Nous nous abstenons de preuves, elles abon
dent tel point, qu'il devient oiseux de recou
rir ce moyen d'argumentation, et les dénéga
tions de commande de nos adversaires ne
peuvent infirmer l'évidence des faitselles ne
peuvent que la corroborer.
Bien n'atteste mieux combien nos adversai
res se croient déjà fermement ancrés, et combien
ils méprisent même les formes purement par
lementaires, que la manière dont se fabrique
aujourd'hui un mandataire du peuple un évê-
que et un gouverneur transmettent un com
missaire (1 arrondissement le nom du candidat
qui doit être élu celui-ci communique le mot
d'ordre quelques curés de village, et quelques
bourgmestres et notaires meneurs; les bulletins
se préparent, et le troupeau docile des électeurs
ruraux se charge de les apporter la ville: et le
peuple, quel rôle joue-t-il dans celte farce?...
hélas! il se laisse faire... et pourtant cela s'ap
pelle du représentatif.
C'est surtout dans le vice du système élec
toral qu'il faut rechercher les causes de la
réaction qui commence menacer sérieuse
ment nos libertés. Nos campagnards obéis
sent aveuglement-aux influences dont on les
entoure ils ne lisent généralement d'autres
journaux que ceux qui ont pour mission de les
induire en erreur sur les hommes et les choses,
car les feuilles indépendantes pénètrent peu
la campagne, où elles sont proscrites de par les
curés de là cette déplorable scission entre la
ville et le village, de là l'ilotisme des cités, et,
par suite l'omnipotence cléricale.
Ce sont donc nos concitoyens du p!at pays
que nous devons tâcher d'éclairer sur leurs
véritables intérêts qui ne peuvent être autres
que les nôtres; un puissant auxiliaire viendra
d'ailleurs en aide ceux qui entreprendront
celte noble lâche, cet auxiliaire est la raison pu
blique qui ne permettra jamais que le mal arrive
son comble.
Nous avons signalé plusieurs reprises, et la
situation déplorable où se trouvent les voies
navigables dans notre province, surtout le canal
d'Ypres, et les dommages qui en résultent pour
le commerce; cet état de chosesque nous n'avons
pas hésite d'attribuer l'incurie et au mauvais
vouloir de l'ingénieur eu chef De Brock vient de
soulever des plaintes au sein du Sénat.
Monsieur Malou-Vergauwen que l'on se plait
trouver sur la brèche, chaque fois qu'il s'agit
de la défense des intérêts de l'arrondissement
d'Ypres, n'a pas fait faute encore cette fois.
Nous reproduisons le discours que l'honorable
sénateur a prononcé la séance du 4 avril, et
ceux de MM. de Rodes et Cassiers:
Ce fonctionnaire a interrompu, pendant neuf
mois environ, la navigation d'Ypres au canal de
Boesinghe, sans en prévenir Ostende les personnes
intéressées. 11 a mis, dans celte circonstance, un
mauvais vouloir tel que lorsqu'on a mis en adjudi
cation les portes de l'écluse de Boesinghe, il a fait
faire, trois semaines d'intervalle, l'adjudication
d'un pont sur le même canal, et chaque fois il fait
baisser les eaux de manière interrompre totalement
la navigation.
La chambre de commerce et l'administration
communale de la ville d'Ypres ont adressé diffé
rentes reprises, des réclamations l'administvatioa
des travaux publicsel l'administration provinciale;
mais M. l'ingénieur De Brock n'a tenu aucun compte
des ordres qui ont dû lui être donnés; et, il n'y a pas
plus de huit jours encore, ce fonctionnaire a fait
baisser les eaux de l'Iser, sans en prévenir personne.
J'espère que M. le commissaire du Roi fera part
de mon observation M. le ministre des travaux
publics, et qu'en i8J5 toutes les localités qui tra
versent ce canal seront l'abri des vexations de M.
l'ingénieur De Brock.
Quant au canal de la Lys l'Yperlé, je dirai que le
travail, fait cet égard, esta la veille d'être terminé.
Comme celte question doit être examinée par le
corps des ponts et chaussées, je n'entrerai pas dans
de plus grands développements. Je rne bornerai
135352 5252SIS©2Si2 ©52 ^©5L525352.
La bonne chose, n'est-ce pas, Mesdames, qu'un beau récit bien
effrayant? Voyez-Vous, tandis que le narrateur arrivé l'endroit le
plus terrible donne ses paroles accentuées une expression plus im
posante, voyez-vous le cercle attentif se resserrant, comme si cha
cun,'par une impulsion involontaire, cherchait un protecteur dans
son voisin? Voyez-vous l'auditoire savouraut l'histoire lugubre qui
se déroule, et se faisant un plaisir même de ses frissons
Malgré notre haute opinion du courage féminin en général, nous
nous permettrons de vous demander, mesdames, si toutes vous vous
sentiriez capables d'imiter, dans une occasion pareille, l'héroïne de
l'anecdote suivante, que nous vous donnons comme très-authentique.
Une jeune femme que nous appellerons Mrae Aubry, habitait
avec son mari une maison de la petite ville de Cette maison, iso
lée au fond d'un vaste jardin, dans un faubourg, n avait pas d'autres
habitants que M. et M'n* Aubry, Leur enfant, âgé d'un an peu près,
et une domestique, entrée depuis peu leur service. Le soir, dès
neuf heures, le sileace le plus complet régnait dans les rues de la
ville; dix heures, on voyait successivement s'éteindre les lumières
qui brillaient aux feuétres, et qui faisaient place une complète
obscurité. 11 fallait, des heures aussi indues, une circonstance
extraordinaire, une noce, un dîner de gala, pour que l'on entendît
résonner les pas de quelques passants attardés en avant desquels un
falot scintillait dans les ténèbres. Qu'on juge de la solitude d'une
maison cachée derrière un rideau de platanes et d'accacias, trois
ou quatre cents pas de la voie publique.
Pa r une soirée du mois de novembre, Mme" Aubry était chez elle,
attendant le retour de son mari qu'une affaire avait appelé dès le
matin daus un bourg, deux lieues de la ville. Il s'agissait d'un re
couvrement opérer, et M. Aubry, qui devait rapporter avec lui
une somme assez considérable, s'était muni d'une paire de pistolets,
précaution dans laquelle sa femme n aurait pu se défendre d'uue
certaine inquiétude.
Il était six heures du soir, Mm Aubry venait de monter dans sa
cliambre avec sa domestique, afin de coucher sou enfant. Cette pièce,
haute et vaste, était située au premier étage, sur le jardin. La boise
rie demi noircie par le temps, les meubles héréditaires, de forme
autique et de couleur foueée, quelques portraits de famille, la
grande perruque, au visage grave, donnaient I ensemble de 1 ap
partement une physionomie sévère. Une large et profonde alcôve,
côté de laquelle était placé le berceau de l'enfant, occupait en
grande partie le côté de la chambre opposé la cheminée. Les ri
deaux de l'alcôve étaient fermés mais l'un des coins, accrochés par
hasard un meuble, laissait voir, en se relevant, le bas du bois de
lit, véritable édifice massif, aux lignes contournées en volutes, où
s'était joué le ciseau capricieux de l'ébénisterie d'autrefois.
La nuit était noire et triste, véritable nuit d'automne avec ses ra
fales de pluie qui fouettaient les fenêtres. Les arbres du jardin
courbés sous l'effort du vent, venaient par intervalles battre la mai
son de l'extrémité de leurs branches c'était un monotone et sombre
concert où ne se mêlait aucun bruit humain, aucune voix qui pût
produire en cas de besoin, aide et assistance.
Mrae Aubry était assise sur une chaise basse, au coin du foyer,
dout le feu, joint la clarté d'une lampe posée sur la cheminée
frappant en plein certains objets, et laissant les autres dans une om
bre épaisse, faisait ressortir toutes les saillies par le jeu des opposi
tions. lia jeune femme tenait sur ses genoux l'enfant qui occupait
ses soins maternels, tandis que la servante, l'une des extrémités
de la chambre, exécutait quelques ordres de sa maîtresse.
Mme Aubry venait d'achever la toilette nocturne de son fils. Elle
jette les yeux vers le berceau, afin de s'assurer s'il est tout préparé
pour recevoir 1 enfant dont les yeux se ferment déjà. En ce moment,
le feu plus actif lançait une lumière vive sur I alcôve. Tout-à-coup
Mme Aubry fait un mouvement. Sous le lit, àtl endroit ou le bas du
rideau se relève, sou regard a distingué deux pieds chaussés de
souliers gros clous.
En uu instant, tout uu monde de pensées a traversé le cerveau de
la jeune femme. Sa situation Août entière s'est révélée son esprit;
comme par uu cclair, par une illurniualion soudaine. Cet homme