JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
4 e ANNÉE. N° 392.
INTERIEUR.
DIMANCHE, 2 FÉVRIER 1845.
Feuilleton du Progrès»
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YPRES, le 1" Février.
Jusqu'ici trois orateurs du côté droit ont pris,
dans la discussion de l'adresse, la parole en fa
veur du ministère. Mais peu d'accord sur le rôle
qu'ils avaient jouer, ils ont détonné considé
rablement. M. Malou a fait concevoir comment
une place de gouverneur peut modifier les opi
nions d'un représentant puritain. 11 a entonné
un dithyrambe en l'honneur de la conciliation
lui, M. Jules Malou, dont les opinions el le ca
ractère sont des plus tranchants, lui dévoué de
corps et âme au parti-prêtre el qui certes ne
veut de conciliation, que pour autant que le
clergé pourra dire, dans la sincérilé de ses con
victions l'État, c'est moi.
Nous ne parlerons pas de M. Cogels, aulre
orateur rétrograde il paraissait avoir sollicité
la permission du ministère, pour oser preudre
la défense d'un cabinet qui possède les sym
pathies, ce qu'il avance, des personnes qui le
composent et de lui M. Cogels. Venons M.
Dedecker qui a été plus franc, plus énergique
et qui a mis nu la position de M. Nolhomb
vis-à-vis du parti clérical de la chambre.
C'est M. Nolhomb, s'est-il écrié, qui a sauvé
la majorité. Il en revient bien une petite por
tion de gloire M, De Meulenaere, que nous
ne pensions pas devoir être mêlé dans cette dis
cussion, vu qu'il souffre d'une indisposition qui
lui permet de ne pas y prendre part. Mais enfin
le principal honneur en revient M. Nolhomb.
Nous ignorons, comment il serait possible
d'avouer plus ingénument la faiblesse du parti
clérical, que de le représenter comme ayant été
sauvé de sa ruine, par un rénégat de l'opinion
libérale. Aiusi les coryphées du parti puritain
n'ont plus de honte de patronner un ministère
qui sème la corruption et qui gouverne par
l'immoralité; le parti prêtre, qui se prétendait
omnipotent, penchait vers sa ruine, quand M.
Nothomb est venu lui tendre une main secou-
rable
Grâces ses intrigues, sa duplicité, la co
médie libérale modérée jouée par ces eunuques
LU ML MffflTOjlfflJiS..
NOUVELLE.
C'était au tour de Fulgence prendre la parole, et les auditeurs
silencieux s'étaient tournés vers le jeune homme et 1 interrogeaient
du regard-, mais il resta muet.
Eh bien, Fulgence! s'écria le narrateur qui venait d'achever
le récit du Denier de la veuve, parle, qui t'arrête nous t'écoutons.
-h En vérité, mes amis, je ne sais si je dois vous conter la petite
nouvelle que j'avais préparée pour ce soir, elle est si bizarre, si ori
ginale, je dirais même si peu vraisemblable
Parbleu! s'éoria l'autre, cela sera comme tout oe que tu nous
racontes. Allons, allons tu fais comme ces charmantes jeunes mères
qoi approchent plusieurs fois un bonbon de la bouche de leurs^en-
(i) Extraite des Traditions, Légendes et Nouvelles, ouvrage
inédit, par R.-Th. Pironon.
politiques qui. tantôt blancs, tantôt noirs, accep
tent tous les rôles, M. Nothomb a sauvé l'an
cienne majorité, il y ajoute mixte, mais nous
n'y tenons; pas nous croyons qu'on peut y acco
ler lepilhèle de cléricale dans toute la force de
l'expression.
Mais, puisqu'il se vante d'avoir rendu ce ser
vice la majorité rétrograde, M. Nolhomb doit
avouer en même temps, qu il est étroitement lié
ce parti, qu'il est son service, comme dirait
M. Dumorlier. Pourquoi alors ne pas se poser
franchement comme l'allié du clergé, pourquoi
se donner pour libéral, tandis quon est vendu
aux adversaires les plus acharnés de l'opinion
libérale
Il ressort du discours de M. Dedecker quel
ques fails d'une évidence incontestable. C'est
que la majorité n'a été sauvée que par l inler-
venlion de M. Nothomb, cela est avoué. Il s'en
suit que cet allié du clergé a faussé les élections,
puisque, si les chambres avaient été dissoutes,
le côté droit devenait minorité; ou du moins
quon avait tout lieu de le craindre, puisqu'on
a appelé la ruse et la fausseté son secours
pour égarer l'opinion publique et que les mi
nistres mêmes ont violé la loi, pour ne pasdevoir
être soumis une reélection avant les élections
générales.
Nous pouvons donc dire hardiment et de
l'aveu de nos adversaires, que leschambres, telles
quelles sont composées, ne reflètent pas fidè
lement les opinions de la nation. Ce n'est plus
une représentation nationale, c'est le produit
de l'intrigue et peut-être de la corruption.
Il doit paraître maladroit que des orateurs
du parti clérical aient été assez mal avisés, pour
défendre un ministèrequi jusqu'ici,n'areprésenlé
aucun partimais qui s est toujours soumis
toutes les exigences de la majorité. C'est un
effet de la reconnaissance de certains membres
de la chambre, qui doivent au ministère de ne
pas avoir passé sous les fourches caudines des
électeurs indépendants.
Si nous devons en croire le discours de M.
Dedecker, on annonce un changement dans
le régime de la mixture. Cet orateur a engagé
fantsafinde le leur faire trouver meilleur. Trêve de compliments,
et commence.
Je ne ferai ce récit qu'à la coudilion que nui de vous ne m'in-
terrompera.
-h Accordé! dirent-ils d'une voix.
Il y a des hommes qui ne vieillissent pas, et l'on peut dire que
l'éternelle jeunesse du cœur est un privilège fatal parce que cette
ardeur, cette vivacité d'impression qui caractérisent noblement la
jeunesse ridiculisent les vieillards.
Ce n'est pas cependant d'un vieillard que je vais vous entretenir,
mais de l'un de ces hommes, qui, au milieu des dissipations brutales
et honteuses ont atteint une vieillesse prématurée.
Une nuit noire enveloppait les rues de Bruxelles, où des masques,
sales et déguenillés, se croisaient, en se jetant au passage toutes ces
belles injures dout l'impression a déshonoré la presse.
Il était près de minuit.
Le vent sifflait avec violence el la pluie battait avec fracas les
vîtres d'une chambre élégamment meublée dans laquelle uu homme
s'occupait minuticusment mettre la dernière main sa toilette,
il paraissait âgé de trente-huit quarante ans. Sa taille était dis-
le ministère prendre la voie la plus courte et
suivre la ligne droite. Apparemment cela veut
dire que M. Nothomb doit se dépouiller de
toute pudeur et se faire le promoteur d'une
réaction contre les idées libérales. Nous verrons
bien.
LE CARNAVAL.
Toujours le fond du sac revient en évidence,
Et bien souvent l'effet contredit l'apparence.
Il faut rire de tout, aussi bien ne peut-on
Changer Gille eu Virgile et Bazileen Platon?
Le monde dit la sagesse des nations, est un
vaste bal déguiséce qui veut dire qu'il res
semble assez au Carnaval et en effet, il ne dif
fère, selon nous, du carnaval proprement dit,
qu'en ce que celui-ci, plusfrancdanssesallures,
est aussi d humeur plus joviale, eu ce que bien
qu'il mente comme un marchand d'orviétan, il
met tous ses soins s'amuser et amuser les
autres, tandis que son confrère, vrai type du
mauvais compagnon, est un personnage sérieux
et maussade; un trouble fêle dans toute la
force de l'expression. Enfin, pour résumer notre
pensée en deux mots, le carnaval c'est Jean qui
rit, le monde, c'est Jean qui pleure ou qui fait
pleurer.
Le monde, il est vrai, ne présente ni cette
bigarrure, ni celte profusion de costumes grotes
ques plus ou moins frais, plus ou moins crottés
qu'élale le carnaval, mais comme l'habit ne fait
pas le moine, nous maintenons qu'il ne convient
pas de poser en principe, que l'affublemeut con
stitue seul le masque. Tous les hommes, nous
le voulons bien, ne sont ni des gilles, ni des
paillasses, ni des bergers, ni des turcs, ni des
tyrans, dans le sens qu'on est convenu d'attri
buer ces mots, comme toutes les femmes ne
sont pas des bergères; mais il y a de tout cela
dans la nature. Quoi de plus gille, par exemple,
que la presse du recul en général et les libel
les du Bazile, d Ypres, en particulier? Quoi de
plus turc que le Bourgmestre de Dadizeele et
son digne curé? Quoi de plus tyrannique que
les volontés d'une jolie femme.
Ces petits exemples vulgaires et bien d'autres
tin»uée, sou maintien uoble el gracieux,mais sa figure bien qu'assez
régulière et très-expressive trahissait une fatigue, un affaissement
qui oontraslaieut singulièrement avec la brillante toilette de bal
dont cet homme venait de se revêtir.
Au premier coup d'œil jeté Sur lui, on ne pouvait être frappé que
d'une seule chose la puissance fascinatrice de son regard qui expri
mait tantôt la douceur infinie d'un ange, tantôt la malice sardonique
d un démon. Ses yeux, perçants et fixes, brillaient comme deux
étoiles sur le foud noir du ciel, et lorsqu'ils se portaient vers uue
cassette d'ébèue déposée sur la cheminée, on se serait trouvé em
barrassé de dire s'ils étaient tristes^ou colères, sombres ou rail
leurs.
Cet homme se nommait Sosthène et était ce que l'on est couvcnu
d'appeler un homme bonnes fortunesavec cette différence cepen
dant, que dans toutes les relations qu'il formait il était guidé par
une aflection vive et sincère, mais dès longtemps la satiété des plai
sirs lui avait apporté le précoce dégoût.
il se promenait avec agitation attendant impatiemment I heure dn
bal.
Pour tromper l'ait ente il prit sa cassette, l'ouvrit, et répandit sur