JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTERIEUR.
ft ANNEE. N° 386.
DIMANCHE, 12 JANVIER 1845.
Feuilleton.
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YPRES, le II Janvier.
CATHOLICISME ET JESUITISME.
Le Commercede Paris, feuille libérale,
jublie un article de haute importance, que
eproduil l'abbé de Genoude dans la Gazette
de Francepour démontrer que 'e catholicisme
s'il ne veut périr au royaume très-chrétien, ne
«aurait trop se bâter de répudier le jésuitisme.
Nous reproduisons notre tour ces réflexions
ionl la justesse s'applique peut-être quelque
îulre pays que celui de France:
(t Mous voulons dire sans déguisement l'é-
jlise et ses organes toute notre pensée.
Les journaux ecclésiastiques se plaignent des
iliaques incessantes dont le clergé et la Religion
aiême sont l'objet.
Ils prétendent qu'on refuse aux catholiques
e droit d"élever leurs enfants leur guise.
Mais qui a produit uu tel état de choses? Il
y a quelques années, les esprits les plus émi-
aenls se rapprochaient d eux-mêmes, et sans
ïfforts, des croyances religieuses. La religion se
séparait de plus en plus de la politique, elle
s'étendait chaque jour davantage dans la sphère
morale, la seule où elle doit vivre: la faveur
publique renaissait pour elle.
D'où vient qu'aujourd'hui ses ministres mon
trent tant d'irritation et tant de colère qu'il y
a une sorte de courage ne pas leur dire d'in
jures? D'où vient qu'on a pu faire de la haine
de l'église une machine de guerre dont les hom
mes politiques trouvent utile de se servir Pour
quoi le parti libéral lui-même qui était una
nime pour désirer la liberté de renseignement,
se divise-t-il sur celle question par défiance des
prêtres? Qui a produit tous ses changements
dont les journaux du clergé se plaignent Nous
répondrons, sans hésiter le clergé lui-même
ït tous ses organes.
Le pays tenait ce qu'il y avait de national et
de français dans son catholicisme, et il avait
raison. Le gallicanisme n'avait pas seulement
été la doctrine de ses plus grands magistrats et
de ses plus grands princes, mais de ses plus
profonds théologiens et de ses plus saints doc
teurs, depuis Bossuet jusqu'à Frayssinous et
au cardinal de la Luzerne. On a traité le galli
canisme avec mépris. Un orateur a pu dire eu
plein parlement, sans êlredémenti, que le clergé
de France n'enseignait plus ce que toute l'église
de France enseignait, il y a cinquante ans. Le
catholicisme effarouchait certains esprits on a
entrepris de nous faire plus catholiques que ne
l avaient été des cardinaux et des évêques.
Fatiguées de doutes, lassées d'agitations sté
riles, vides de passions politiques, les âmes ap
pelaient de nouveau le catholicisme leur aide,
mais elles le voulaient simple et grand. On a
été fouiller jusque dans les profondeurs du
moyen-âge pour en retirer des petites pratiques
moitié païennes et les remettre en honneur.
Non seulement 011 a combattu la philosophie
du dix-huitième siècle dans ce qu'elle avait
d'irréligieux et de sceptique, mais on a pris
plaisir jeter une sorte de défi l'esprit tout
entier de notre âge.
Une société fameuse avait, depuissa naissance,
excité la crainte et la haine non seulement en
France, mais dans tout l'univers chrétien; non
seulement chez les philosophes, mais chez beau
coup de catholiques très-sincères. Partout les
jésuites avaient été considérés avec raison com
me les ennemis les plus déclarés de la liberté
civile et de la liberté religieuse, partout la na
tion ne demandait pas mieux que de séparer les
jésuites du catholicisme. Les journaux reli
gieux ne l'ont pas voulu: ils se sont remplis
de l'esprit de cet ordre monastique et font
soufflé de toutes parts sur le clergé.
La question de l'instruction secondaire sur
vient enfin. La position du clergé était simple
et honorable. Réclamer paisiblement la part de
liberté que la constitution lui assure, c'était son
droit. Notre devoir eût été de la lui accorder.
Au lieu de cela, qu'a-t-on fait? La presse ecclé
siastique d'abord, l'épiscopal lui-même ensuite
ont attaqué l'Université avec une violence achar
née. On n'a pas seulement demandé la faculté
d'enseigner soi-même, on a entrepris de prou
ver que l'état enseignait l'irréligion et l'immo
ralité: on n'a pas seulement montré le désir
d'être libres; mais l'envie d être maîtres; on a
parlé de s'organiser en parti dans le sein du
pays on a fait entendre des cris de guerre
insensés, on a montré des colères impuissan
tes; et, force d'efForts, on est enfin parvenu
armer contre la Religion une nation qui ne de
mandait qu'à revenir sa foi.
Que les hommes éminemment religieux dé
plorent ce qui se passe, qu'ils s'affligent en
voyant que tous les jours pour atteindre le
clergé, on ébranle jusqu'aux fondements des
croyances et des habitudes religieuses qui nous
sont si nécessaires qu'ils accusent les Hommes
politiques de vouloir faire des passions irréli
gieuses du pays, en les excitant, une arme
leur usage que les amis de la liberté s'étonnent
que des craintes chimériques fassent abandon
ner la poursuite de droits nécessaires et promis:
mais VUnivers religieux ne le peut pas; car
c'est lui surtout qui a ranimé les passions irré
ligieuses, dont 011 profile, c'est lui surtout qui
a fait croire ces dangers imaginaires dont on
s'arme aujourd'hui contre la liberté. Il ne lui
sied pas d'accuser ceux qui profitent du mal
dont la religion est atteinte, car c'est lui qui est
le principal auteur.
Dans notre dernier n°nous avons omis de
rendre compte du concert donné au profit des
indigents, par les soins de MM. les officiers en
garnison en cette ville.
C'est un oubli que nous voulons réparer. Le
concert avait attiré une assez nombreuse société.
aa sâ&asm sasuas&ï?.
{Suite.)
II.
I.e lendemain, lorsque James se présenta chez le régent, il le
Lrouva seul, comme il l'avait espéré.
Le comte de Murray peut être placé au premier rang parmi les
nommes les plus célèbres de son temps. Calme et intrépide la
»uerre, habile et circonspect au conseil, il était également estimé
somme capitaine et comme homme politique, et ce fut le person
nage le plus populaire de l'Écosse jusqu'au jour où, profilant des
malheurs et des fautes de la reine Marie Stuart, sa sœur, il employa
>es talents contre celle laquelle il devait sa fortune. Ses traits
sérieux et réfléchis exprimaient la sagacité et le sang-froid dont il
avait donné tant de preuves dans les graves circonstances qui
avaient dominé sa vie; mais quoiqu'il n'eût guère plus de trente
ans l'époque où se passe cette histoire, les fatigues de la guerre,
les soucis du pouvoir, l'ambition, les remords peut-être, avaient
creusé sur son front quelques rides précoces.
Ah! c'est toi, James, dit le régent avec un demi-sourire qui
mourut aussitôt sur ses traits soucieux qu'as-tu donc ce matin? tu
parais tout rêveur. Est-ee quo tu réfléchirais, par hasard Sa
Gtâcea deviné; je réfléchissas tout ce qu'il fallait de géuie et de
prudence pour gouverner, et je me disais qu'une place entourée de
tant de périls et de difficultés n'était pas envier. Et qui le fait
croire que cette place soit si difficile remplir? Une conversa
tion que je viens d'entendre entre Mailland et Kirkaldy de
Lagrauge, car j usqu'alors je n'en avais nul soupçon. Mailland est
uu homme habile, reprit le régent, trop habile même, s'il était
moins dévoué; je serais curieux de savoir comment il méjugé.
Voici ce qu'il disait Kirkaldy a Le régent donnt aujourd'hui la
preuve la plus frappante d'un étrange aveuglement en condamnant
mort les six Hamiltons qui se sont le plus distingués Langside.
Oui, répondit Kirkaldy, je crois, comme toi, qu'il éiait plus sage
de laisser en paix les partisans de Marie. Une grâce complète
eût été d'un effet aussi dangereux qu'une rigueur extrême, répliqua
Maitlaud, eu ce qu'on eût pu 1 attribuer la pusillauimité. J'aurais
évité les deux excès en confisquant les hieus des six Ilamiltons qui
se sont particulièrement distingués au service de Marie par leur
courage et la supéiiorité de leurs talents militaires. Ah! o'est
là l'avis de Mailland! murmura le régent.
11 enfonça ses doigts dans les boucles épaisses de sa noire cheve
lure, et resta longtemps absorbé dans ses réflexions. Mais, dit-il
en relevant tout-à-coup la tête, pourquoi Mailland ne m'a-t-il pas
soumis cette opiniou, puisqu'il assistait ao conseil quand cette ques
tion y fut discutée en ma présence? Cela me paraît juste, répli
qua James avec un ton de candeur; et comment interpréter la
réponse qu'il vient de faire Kirkaldy? Quelle réponse?
Puisque cette mesure le paraît salutaire, lui dit Kirkaldy, pour
quoi ne la proposes-tu pas? Parce qu'elle est salutaire, répondit
Mailland.
Murray se retourna tout-à-coup vers James, l'œil étincelaut et le
feu au visage, et le regardant fixement: Tu es bien sûr, lui
dit-il, que ce sont là les propres paroles de Maitland? Mot pour
mot, répondit James, souteuaut sans sourciller le regard d'aigle du
régent.
Murray se leva de son fauteuil et se mit marcher de long en
large d'un air soucieux et agité. Ah comte Maitlaud, murraura-
t-il eutre ses dents, c est là la comédie que vous jouez avec moi!
Mou Dieu dit James feignant la plus graude surprise, il y a doue
quelque chose de bien grave dans ces paroles Il y a que Mait
laud est un traître.— Un traître! Pas un mot de tout cela qui
que ce soit, James, et en récompense du service que tu viens de me
rendre je t'accorde tout ce qu il te plaira me demander.
Alors, monseigneur, je comprendrai la liberté de vous demander
deux choses: la première o'est la promesse de ne faire savoir per
sonne de qui vous tenez le secret que je viens de vous révéler.
Ne crains rien, je ne yeux pas t'exposeï être considéré comme un