JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
DIMANCHE, 3 AVRIL 1842
INTÉRIEUR.
Feuilleton «lu Progrès.
eun do,
Tout ce qui concerne la ré
daction doit être adressé,franco,
l'éditeur du journal, Ypres. -
Le Progrès parait le Dimanche
et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligue.
I" ANNÉE. N° 97.
On s'abonne Ypres, rue du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
prix de l'abonnement,
par trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro 0-25
Le roi et la reine des Belges sont partis le
29 dr, pour Paris. Leur absence sera d'une
quinzaine de jours et se rattache, dit-on la
reprise des négociations commerciales.
Dans son audience de samedi dernier, le tri
bunal correctionnel de Bruxelles a prononcé
son jugement en cause du ministère public
contre le sieur Montius. Ji
Prenant en considération le prospectus dis
tribué par M. Montius et dans léqilel il procla
mait le magnétisme comme un agent curatif,
et annonçait qu'il donnait chez lui des"séances
théoriques, en même temps qu'il, recevait
en traitement des malades, qui pouvaient même
se procurer des appartemens particuliers, etc.,
considérant également que l'instruction avait
établi que des personnes malades s'étaient pré
sentées chez lui dans le but et l'espoir de se faire
guérir, qu'il les avait magnétisées ou mises en
rapport avec une somnambule, etc., le tribunal
a trouvé dans ces faits Pexereioe de l'art de
guérir, exercice pour lequel le sieur Montius
n'avait pas reçu l'autorisation par suite, il l'a
condamné une amende de 52 fr. 82 c. (23 fl.)
en vertu de l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818.
On écrit de Bruges
On nous assure qu'un religieux appartenant
un des ordres de notre ville, ayant été appelé
il y a déjà quelque temps, une heure assez
avancée dans la nuit, chez un malade, a été
attaqué en route par plusieurs hommes qui
l'ont menacé de le jeter l'eau. On dit que ce
n'est qu'avec peine que ce religieux a pu échapper
aux mains de ces bandits. On ajoute que ce
malheureux événement lui a occasionné une
forte maladie, dont il n'est pas encore rétabli.
Nous n'avons pas appris que la police, ait
fait faire des recherches pour découvrir les
malfaiteurs. Journal de Bruges.)
-i-a.s—
Le Siècle, après avoir rapporté la condamna
tion dans l'affaire du complot, fait les réflexions
suivantes
Le ministère public avait averti le jury qu'il
pouvait sans crainte de faire couler le sang
répondre affirmativement aux questions entraî
nant la peine de mort, le gouvernement étant
résolu user du droit de grâce. La défense a
qualifié comme elle le devait ce procédé sans
excuses s'il n'est pas sans exemples.
Le procès a occupé 23 séances. L'avocat-gé-
néral s'est surtout attaché établir que le gou
vernement n'avait point employé d'agens pro
vocateurs; sesagensontétéseulementreW/oteîzrs
ou enformeurs. Il a paru triste tout le monde
que les agens du gouvernement quelques
dénominations qu'il convienne de leur donner,
appartinssent tous la profession militaire.
Il est rare que les procès politiques apportent
quelque force aux gouvernemens. Cependant,
une absolution eût été plus profitable au cabinet
belge que l'arrêt qui est intervenu. Il demeure
en effet prouvé par cet arrêt que des hommes
considérables par leur position personnelle et
leurs relations ont pensé qu'il était possible
facile même de renverser le trône élevé en 1831.
Puisque le gouvernement connaissait d'avance
le complot, il eût fait plus sagement de le dis
siper en l'éventant, que de le suivre pas pas
jusqu'à la cour d'assises.
On écrit de Bruxelles2 avril
Aujourd'hui, la 7e batterie d'artillerie légère
doit arriver en cette ville. Elle sera placée la
caserne de Sainte-Elisabeth en remplacement
de la 20e batterie qui occupe actuellement
l'ancienne caserne de gendarmerierue des
Petits-Carmes.
Nous apprenons que les négociations entre
la Belgique et la Hollande, concernant la navi
gation sur les eaux intermédiairesentre l'Es
caut et le Rhindoivent en ce moment être
regardées comme rompues.
Journal de Belgique.)
Courtrai, 3i mars i84a.
Dans sa séance de mardi le conseil communal
s'est déclaré compétent pour formuler une
adresse aux chambres contre le projet de loi
YPRES, le 2 Avril.
Nous avons donné dans notre dernier N°
deux articles extraits l'un du Précurseur
l'autre de I'Observateur, et relatifs l'issue du
procès politique qu'un arrêt de la cour d'assises
du Brabant vient de terminer. Si nous ne
pouvons admettre la doctrine que semble
avancer le premier de ces journaux, quand il
dit Nous ne nous attendions pas ce que la
sévérité des jurés viendrait mettre dans tout
son jour Vimmoralité et les dangers de certaines
pratiques usitées dans l'exercice de la police
pareeque, selon nous, des jurés ne peuvent
être sévères, leur rôle se bornant apprécier
des faits matériels dont ils doivent conscien-
sieusemenl affirmer ou nier l'existence, sans
qu'ils aient s'occuper des conséquences de leur
verdict. En revanche, nous approuvons entière
ment tout ce qu'il dit du scandale occasionné
par ce procès déplorable, et des sentimens de
répulsion qu'a inspirés ie rôle accepté dans
cette affaire par le gouvernement.
En effet, quelle conduite que celle d'un minis
tère dont les membres, avertis qu'un complot
se trames'amusent suivre pas pas les
prétendus conspirateurs, voir fondre les bou
lets, préparer la mitraille; et ne mettent un
terme ces jeux inhûmains, que quand les
choses leur semblent assez avancées pour qu'ils
puissent espérer d'obtenir des condamnations
capitales! et tout cela dans le but de prolonger
de quelques mois leur existence ministérielle
Quant aux journaux qui battent des mains
la décision du jury du Brabant, nous trou
vons leurs manifestations prématurées fort peu
convenables. Il nous semble que dans une
affaire aussi grave, où il s'agit de vie et de
mort, la presse périodique doit user de plus
de réserve, et attendre au moins, pour donner
un avis défavorable aux prévenus, que tous les
dégrés de jurisdiction soient épuisés.
Par arrêté royal du 28 marsle major d'ar
tillerie Herman Kessels est mis en disponibilité.
CORNÈLIE DAVESTAN.
I.
Par une belle et froide matinée de Mars, mon ami Yirlon et moi,
nous parcourions ces allées spacieuses, situées l'une des extrémités
de Paris et si bien nommées les Champs-Elysées, eu jetant au vent la
fumée de nos havanes et mille paroles aussi légères que leurs bouffées.
Mon ami Yirlon est un spirituel conteur, mais, par malheur, ce
jour là, il cherchait en vain quelque récit intéressant pour ranimer
notre conversation. 11 parlait au même instant des pyramides et de
l'opéra, de Louis-Philippe et de Ja monarchie constitutionnelle, du
gouvernement belge et du libéralisme, toutes choses, comme vous le
savez, parfaitement incompatibles.
Impatienté et tourmenté par le froid Virton, m'écriai-je, ton
imagination est hauteur de la température tes improvisations sont
lourdes comme ces glaçons que la Seine charrie nos pieds si tu
voulais m'en croire, tu irais fondre au coin du feu, ce que l'air a
mis de pesant dans ta tête.
Volontiers, s'écria le frileux Yirton, en ment rainant rapide
ment le coin du feu, voilà mou élément, voilà ma sphère! Si tu
n'étais venu m'en arracher ce malin, tu n'aurais pas été forcé d'en
tendre les mille folies que je l'ai débitées.
Comme nous débouchions au coin de là rue de Rivoli, Virion
heurta line femme qui venait en sens inverse. 11 s'arrêta, s'excusa
et la salua poliment en se retirant.
Je ne sais quelle pensée étrange m'entraînait vers cette femme;
je m'étais involontairement arrêté. Déjà elle avait traversé le pont
de la Révolution, et mes regards la cherchaient eucore.
C'était une femme d'un aspect singulier, eu effet. Elle paraissait
avoir trente cinq ans. Sa taille était élevée et cependant ne manquait
pas d'élégance. Ses cheveux bruus nattés, encadraient admirable
ment sa ûgure pâle et triste mais le vague de ses regards trahissait
eu elle une pensée douloureuse et incessante.
Virion m'examinait avec curiosité il semblait, en les devinant,
suivre les idées qui s'agitaient tumultueusement dans mon esprit
Je n'ai jamais vu cette femme, lui dis-je enfin, et cependant
j'oserait affirmer que son existence ne s'écoule pas selon le cours de
la vie ordinaire, et que quclqu'évéuement d'une haute importance
en a bouleversé la marche.
Ta perspicacité ne t'a pas mis en défaut, me répondit Virion
l'existence de cette femme a été brisée, en effet, par un événement
aussi bizarre que douloureux. Je l'ai rencontrée, daus le monde, il
y a quelques années; une dame qui faisait partie de notre cercle,
s'aperçut de ma curiosité et voulut la satisfaire.
Mais continua-t-il, nous voici devant le Café de la poissonuerie
anglaise, entrons, je te raconterai tout cela en déjeûnant.
Nous entrâmes, Virton ayant commandé le déjeûner, commença
ainsi son récit
Le colonel Davestan était un de ces braves que Napoléon affec
tionnait si particulièrement. L'ayant créé baron de l'Empire, il le
plaça dans la garde nationale et le maria en 1807 une orpheline
de la noble maison de Brévance il la dota lubmême. Le colonel eut
deux enfants de cette union, Frédéric cl Comélie. La naissance de
Cornélie coûta la vie sa mère. C'est elle dont la figure mélan
colique t'a si vivement impressionné ce matin.
Avant de partir pour la campagne de Russie, le colonel confia ses