LA POLITIQUE DU ROI
JUGEE PAR LES
ANGLAIS
LA LEÇON DE
GENEVE
Abonnement 30,Fr. l'an. C. C. P. 367.225
Le numéro 60 centimes. Téléph. 3 15.24
SAMEDI 30 DECEMBRE 1939
HEBDOMADAIRE
92me ANNEE No 51
Administration Rédaction 163, Chaussée de Ghistelles, St ANDRE-lez-BRUGES
Publicité 10, Rue St Georges, Bruges.
1940
Un vœu primordial vient la pen
sée de tous en ce jour de l'An. Que
cetfe paix que nous avons demandée
la Noël, et qui a été promise aux
hommes de bonne volonté sur la terre,
soit donnée aux nations. Mais où sont
les hommes de bonne volonté
En tout cas dans les petits pays neu
tres de l'Europe, qui sont encore
épargnés par le conflit, qui ont con
serve une paix peut-être difficile et
lourde de privations, mais une paix
quand même. Qu'il leur soit accordé
de passer 1940 sans être entrainés
dans le conflit.
Qu'il soit en tout cas entendu que
pour notre pays la guerre n'est pas
inévitable, et que grâce l'énergie
clairvoyante de notre Souverain, nous
avons échappé cette guerre de sur
prise, qui était la seule vraiment pro
fitable l'adversaire.
Pourquoi ne regarder que les om
bres du tableau. Il y a dix ans un con
flit européen paraissait très lointain,
mais quiconque en parlait ne doutait
pas qu'entrainée par les obligations de
Genève et sa position géographique, la
Belgique serait fatalement la première
victime de ce conflit. Et ne remontons
qu en 1934, au moment du début de la
restauration de la puissance alleman
de. On sentait que le Roi Albert avait
compris la nécessité urgente de prati
quer la politique d'indépendance, no
tre sauvegarde en cas de conflit. Mais
cependant nous n'avions pas encore la
conviction que nous parviendrions
obtenir la reconnaissance de cette at
titude, splendidement nationale.
Que de chemin parcouru en dix
ans, sous la conduite ferme de nos
Rois. Juste temps, le fils du Roi-Che
valier a pu hâter l'évolution de la po
litique de son Père. L'effet moral vis-
°-vis de nos voisins, comme l'effet pra
tique l'égard de notre défense na
tionale ont eu le temps de se dévelop
per. Et, il faut le reconnaître, la mobi
lisation de septembre 1938 a servi de
banc d'épreuve, tant dans le domaine
e 1° politique étrangère, que dans
celui de l'amélioration apporter
"otre organisation militaire.
Redisons-le plus d'une fois au mo
ment où 1939 nous quitte quels sont
es beiges qui ont cru que le conflit
onglo-aremand aurait pu éclater sans
jjue ja Belgique soit immédiatement et
/Iniquement entrainée dans la ba-
e Pour presque tous cette hypo-
j.es® Paraissait invraisemblable, car
U ?.Y?'enf Pas compris l'utilité de
Politique royale. Cependant cette
ypothese s'est réalisée. 1939 nous a
nservé la paix, pour ne nous laisser
des difficultés d'ordre économi-
financier.
"dans grâce Dieu, et ne nous
Le 0ns pas indignes de ce bienfait,
dur SOuffrances que nous avons en-
fr er son* nulles, comparées aux souf-
tQ "ce.s autres. Quittons avec re-
quen,^SOnce "39, et souhaitons
*40 soit aussi débonnaire
C. v. R.
De nombreux témoignages anglais don
nent hautement raison notre Roi pour sa
politique aussi réaliste qu'énergique. Ces té
moignages doivent nous consoler des incom
préhensions de certains milieux belges, qui,
par un excès bien dangereux de faux patrio
tisme, prouvent tout la fois combien ils
discutent volontiers les actes du Roi, quand,
dans tant de circonstances ils demandent un
pouvoir autoritaire, et combien aussi leur
fierté nationale frôle facilement l'abdica
tion
Rarement, cependant, la politique royale
a été mieux interprétée que par M. Ernest
Baker, professeur de politique l'Université
de Cambridge, dans un article dont nous
empruntons deux importants extraits, et
dans lesquels nos lecteurs retrouveront les
arguments cités plus d'une fois dans les co
lonnes de La Patrie Voici ce qu'écrit le
professeur Baker.
Il est assez naturel que., lorsque de gran
des puissances sont aux prises, les petites na
tions d'Europe y trouvent des sujets d'a
larme. Aussi est-il non moins naturel que
ces petites nations s'efforcent, en employant
tous les moyens en leur pouvoir, de rester
neutres et de conserver la paix sur leur ter
ritoire.
Aussi n'est-il pas un Anglais qui ne soit
prêt reconnaître sans réticence la justesse
et le bien-fondé de la politique belge de
neutralité. Mais l'Anglais va, et cela fort
volontiers, plus loin. Il admet que la Bel
gique n'a pas seulement adopté une politi
que passive de neutralité elle a également
accompli deux actes, deux actes dirigés dans
un sens positif et actif.
En premier lieu, elle a fait et elle déve
loppe encore, un magnifique effort mili
taire en vue d'être complètement prête
lutter contre toute agression qui pourrait
menacer sa neutralité.
En second lieu, la Belgique a fait, par
l'intermédiaire de son Roi et de son gou
vernement, et elle continue le faire, un
non moins vaillant effort, dans le domaine
diplomatique, pour adoucir le caractère vio
lent de la guerre et pour contribuer au ré
tablissement de la paix en Europe.
La neutralité de la Belgique n'est pas
seulement l'exercice d'un droit incondition
nel et sans restriction de la part du peuple
belge, un droit absolu devant lequel le peu
ple de Grande-Bretagne doit s'incliner et
que, d'ailleurs, le gouvernement de Grande-
Bretagne, a sollennellement reconnu le 28
août dernier. Il est plus que cela la neu
tralité de la Belgique est également d'un in
térêt considérable, d'un intérêt majeur pour
le peuple britannique.
Tant que la Belgique demeure neutre. Il
ne peut être question d'appliquer le plan
van Schlieffen, d'entreprendre une vaste
manoeuvre de débordement de la ligne Ma-
ginot en traversant la Basse-Belgique pour
atteindre les départements du nord de la
France.
Tant que la Belgique demeurera neutre,
l'Allemagne ne pourra pas établir de bases
pour sous-marins sur le littoral belge, ni
d'aérodromes sur le sol belge, proximité
immédiate du territoire britannique. Mieux
la Belgique s'arme pour garder sa neutra
lité dans la forme et la vigilance, plus
grande est la sécurité britannique.
Quand en mars dernier, le Roi Léopold,
la veille des élections générales, pria son
peuple de réfléchir la nécessité de donner
au pays un Parlement personnifiant l'unité
nationale, l'Angleterre comprit le consiejl
du Roi.
Quand ce Parlement fut élu et se mit
aussitôt l'œuvre par exemple, dès
fin avril, il accorde au gouvernement des
pouvoirs spéciaux pour appliquer les réfor
mes économiques et financières indispensa
bles le peuple britannique en fut heu
reux, parce qu'il voyait dans l'accroisse
ment de la force de la Belgique un accrois
sement de la sécurité de la Grande-Bre
tagne.
Le discours du roi Léopold radiodiffusé
aux Etats-Unis, le 27 octobre, discours
dans lequel le Souverain déclare que si la
Belgique était attaquée comme en 1914,
elle se battrait avec la même conviction,
mais avec une force dix fois accrue, fut le
discours qui fournit la preuve définitive
que la neutralité belge n'était pas un acte
passif mais un acte essentiellement actif.
Et plus loin M. Baker conclut
Certes, le roi Léopold songe, en tout
premier lieu aux intérêts de son propre
pays, il cherche préserver sa paix et
maintenir sa prospérité. N'est-ce pas là le
premier des devoirs d'un roi Mais en mê
me temps, il travaille atteindre un but
plus élevé la paix de l'Europe, l'ordre
en Europe, l'édification d'une nouvelle
Europe.
Quand viendra le moment de construire
une nouvelle Europe, le roi Léopold prendra
une place prépondérante parmi ses architec
tes.
Entre temps, nous autres Anglais, nous
ne pouvons, par ces jours sombres, dési
rer ardemment qu'une seule chose, c'est
qu'il réussisse maintenir son propre pays
dans la neutralité et la paix. Nous devons
le désirer ardemment pour deux bonnes et
primordiales raisons.
Premièrement, il est de notre intérêt que
la Belgique puisse garder sa neutralité.
Nous serions coupables d'un raisonnement
suicidaire si, comme nos ennemis affirment
que nous le faisons, nous cherchions en
traîner la Belgique dans la guerre. Si une
pression était faite dans ce sens, c'est plutôt
du côté allemand qu'il faudrait la chercher.
Secondement et ceci est d'une impor
tance encore bien plus considérable
il est de l'intérêt de toute l'Europe, et de
nous-mêmes, en tant que faisant partie de
l'Europe, que, lorsque cette guerre touchera
sa fin, il se trouve une grande figure neu
tre, comme celle du roi Léopold, qui puisse
alors jouer la grand rôle que seule une figure
neutre puisse jouer en vue de contribuer
faire la paix et forger un nouvel ordre eu
ropéen.
C est devant la Société des Nations, en
mai 1939 qu'apparurent les premiers in
dices publics du danger que 1 impérialisme
russe renaissant allait faire courir la Fin
lande.
A ce moment où l'U. R. S. S. n avait pas
encore pris parti en Europe, mais que
l'Angleterre recherchait son alliance contre
l'Allemagne, l'incapacité du conseil de la
Société des Na ions réglér le différend
qui éclata Genève entre la Finlande et
la Suède d'une part et l'U. R. S. S. de l'au
tre, propos de la remilitarisation des îles
d'Aland, considérée par les deux petites
puissances nordiques comme nécessaire
la sécurité de leurs rivages sur la Baltique,
fut symptômatique. L'institution ne sut
trancher le débat ni protéger les faibles
contre l'appétit territorial et naval des So
viets qui commençait percer et qui, mal
heureusement, bénéficiait dans la Baltique
et Genève de l'équivoque provoquée par
les avances que l'Angleterre lui faisait.
Tous les pays signataires de la convention
de 1921 rela ive la neutralisation des îles
avaient donné leur consentement de prin
cipe au projet de remilitarisation. Seule
l'Angleterre accordait de la considération
aux réserves faites par les Soviets, nous
apprend une dépêche Havas câblée de Hel
sinki le 5 décembre et que nous lisons dans
le Temps du 6-
Voici maintenant les Soviets exclus de
la Société des Nations. Après l'agression
main armée qu'ils ont dirigée contre la
Finlande, c'est conforme au pacte et c'est
j uste.
Mais pourquoi avaient-ils été admis dans
la maison de Genève par le perron d'hon
neur le 18 septembre 1934 Pourquoi,
non contente de les accueillir comme so
ciétaire ordinaire, l'institution les investit-
elle, le même jour, du rang suprême et de
l'autorité de membre permanent du con
seil
Et pourquoi, s'obstinant dans l'erreur
après la leçon de la guerre d'Espagne, la
Société des Nations avait-elle encore voulu
faire de M. Molotov sa vedette de 1939
Pourquoi, cédant au dépit et la crainte
inspirés par la déconvenue de Munich, qué-
manda-t-on l'alignement de la Russie dans
le front de la paix en Orient et lui
préparait-on une rentrée triomphale en Oc
cident par une séance grand éclat Ge
nève, où le commissaire aux affaires étran
gères de 1 U. R. S- S. devait présider et
mettre en branle, sous le couvert du pacte,
la coalition montée contre l'Allemagne
Molotov aux assises de Genève, le maré
chal orochilov aux grandes maœuvres de
1 armée britannique, telle était l'attente de
1 Occident démocratique, tel était l'honneur
réservé Moscou.
Si on avait pu embrigader les Soviets,
cela aurait-il changé leur âme On leur
livrait l'Occident, simplement. Une fois sur
l'Elbe et sur le Danube, ils y seraient de
meurés et il eût fallu entreprendre une
nouvelle grande guerre pour repousser ces
louches alliés et leur doctrine du cœur
de 1 Europe.
Et en quoi maintenant l'expulsion aide-
t-elle la Finlande Celle-ci reste seule en
face de son agresseur rendu furieux et
quand, demain, l'U. R. S. S* aura retrouvé
les frontières de l'empire des Tsars sur la
Baltique et longeant les Etats Scandinaves,
ceux-ci, non moins isolés que la Finlande,
porteront devant l'U. R. S. S. le poids des
délibérations et des votes de Genève, qui