A l'occasion du vingtième -nniver- saire de la Bataille d'Ypres nous don nerons au cours du mois d'octobre dans LE SUD l'historique de cette magnifique résistance de notre armée devant l'envahisseur. Anvers allait tomber. Le bombarde ment de la ville commença le 8 octo bre minuit. Le 9 octobre les alle mands pénétraient dans la ville. Le 1 0 le gouverneur militaire capitula. C'était la retraite vers la mer. Dans son mouvement vers l'ouest, l'armée belge n'était pas seulement me nacée d'être investie dans Anvers par le corps de siège allemand elle cou rait encore le danger de trouver, pour lui barrer le chemin, l'aile droite des armées principales de l'ennemi. Depuis le 20 septembre, les deux ad versaires, tout en luttant de front sur l'Oise, avaient cherché se déborder mutuellement. Le 24, des combats vio lents avaient eu lieu vers Roye les fronts s'étaient ensuite étendus vers Albert. Le 5 octobre, les ailes exté rieures avaient progressé jusque Arras il fallait s'attendre ce que, d'un jour l'autre, elles atteignissent Lille et mê me s'étendissent plus au nord encore. Les troupes belges allaient donc avoir parcourir plus de 100 kilomè tres, par un réseau routier médiocre, sous la menace continuelle d'une atta que de flanc. Le mouvement commença dans la nuit du 6-7 octobre. Les Ire et 5e di visions rompirent le combat et passè rent sur la rive gauche de l'Escaut par les ponts voisins d'Anvers. La 3e di vision franchit le fleuve en amont. Dans la matinée du 7, le passage était achevé. Le roi quitta Anvers 15 heures, et se rendit Saint-Nicolas. La situation était critique. Les corps allemands avaient renou velé leurs tentatives de forcer l'Escaut vers Termonde. Ils avaient échoué Gnmberghen, avaient réussi Schoo- naerde, mais avaient été contenus Berlaer par le 1 r carabiniers. Des trou pes ennemies se concentraient autour d'Alost. D'autre part, un détachement en nemi, dont la force était évaluée 3 régiments de chevau-légers bavarois, un régiment d'infanterie et plusieurs batteries, était signalé Cruyshautem ses partis avancés atteignaient même Nazareth 1 2 km. de Gand où avait eu lieu un engagement. Jusqu'alors, il n'avait été possible de consacrer la protection de Gand que des fractions de gardes-civiques, chasseurs pied de Gand, chasseurs cheval de Liège, artillerie de Bru xelles, aidés d'un escadron de gendar merie et de deux compagnies du 5e territorial français. Quatre bataillons de volontaires, troupes jeunes dont l'instruction était loin d'être achevée, constituaient la réserve. Fort heureusement, ce groupe fut renforcé par la 4e brigade (général- major Scheere) et trois batteries, la brigade de fusiliers marins français de l'amiral Ronarc'h (8 octobre), puis la 7e division britannique,sous les ordres du général Capper (9 octobre). Le 8 octobre, la 1 re division d'ar mée fut transportée par voie ferrée de Saint-Nicolas Ostende pour y proté ger l'installation de la nouvelle base d'approvisionnement, le reste de l'ar mée belge s'achemina vers le canal de Terneuzen Gand, derrière lequel elle s'arrêta. Le soir, la 2e division d'armée res tée Anvers et les trouples anglaises passèrent l'Escaut pour rejoindre l'ar mée de campagne. Ce jour-là, la 37e brigade de land- wehr occupa Lokeren, après avoir re poussé le 1 er carabiniers Berlaer et Zele. Le 9 octobre, la 4e division d'er satz passa l'Escaut Schoonaerde et gagna Lokeren, pendant que la 37e brigade de landwehr s'avançait sur Loochristy. Une partie des fusiliers marins bri tanniques, attaqués Moerbeke, fut re jetée vers le nord et acculée la fron tière hollandaise. La Ire division d'ersatz et la Ire brigade de landwehr bavaroise par tant d'Alost se portèrent sur Quatrecht, Gontrode et Lemberge. Elles s'y heur tèrent aux deux bataillons de fusiliers marins qui y avaient été envoyés en soutien des volontaires belges. L'atta que allemande se brisa Melle contre la résistance des fusiliers soutenus par deux groupes d'artillerie belge. Malgré ce succès, la tentative des Allemands sur Gand donnait de sé rieux motifs d'inquiétude. Elle com promettait d'abord la défense du ca nal de Terneuzen. Si, d'autre part, l'ennemi lançait droit vers l'ouest les forces réunies le 7 Alost, il pouvait tourner l'armée belge et la séparer dé finitivement des Alliés. Les troupes britanniques destinées former l'aile gauche de ceux-ci commençaient en ce moment leur débarquement Saint- Omer. Les Allemands étaient vers Lille. De Gand Saint-Omer, il y a plus de 110 kilomètres de Gand Lille, 70 environ. Il eût été imprudent de persister s'accrocher soit au canal de Terneu zen, soit au canal de Schipdonck. For ce fut donc de choisir une position plus en arrière. Le roi décida d'établir l'armée dans la région de l'Yser et d'en organiser la défense. Les transports dans la zone Thou- rout-Dixmude-Nieuport commencèrent le 10 octobre. Les unités pied s'y rendirent par voie ferrée les unités cheval par la route. Les mouvements eurent lieu sans encombre. Devant Gand, le lieutenant-général Clooten, commandant les troupes réu nies autour de la ville, prépara une contre-attaque sur les troupes alleman des venues d'Alost. Mais celles-ci s é- taient complètement retirées vers le sud-est. Elles reprirent pourtant l'offensive dans la soirée. Les circonstances de cette attaque furent curieuses. Le général Capper et l'amiral Ro narc'h avaient reçu de leur Gouverne ments des instructions pour quitter Gand le 10 19 heures. Or, ce fut précisément ce moment que les Alle mands ataquèrent le front Melle-My- leek avec une grande violence. Cette fois encore, les fusiliers marins sou tinrent le choc avec bravoure et refou lèrent les assaillants. Enfin, le 1 1 octobre, l'armée ayant achevé son mouvement, la retraite des troupes de couverture fut ordonnée sur Bruges les Français se mettraient en mouvement vers 19 heures, les An glais 2 1 heures, les Belges précédant le mouvement. Le soir même, 20 heures, l'atta que allemande recommença, mais elle fut arrêtée par la 7e division britanni que. A 21 heures, les Anglais enta mèrent, sous le feu de l'artillerie en nemie, une retraite méthodique qui s'exécuta comme la parade. Le 1 2 octobre au matin, les troupes alliées étaient tout entières l'ouest du canal de Schipdonck. que gardaient les divisions de cavalerie. Le 13, les avant-gardes allemandes atteignirent cette ligne d'eau elles eurent un en gagement avec une fraction du 1 r guides. Le transport de l'armée et de ses ressources fut ainsi conduit bonne fin, malgré le danger de la situation et les difficultés d'ordre technique. Les lignes de Selzaete-Eecloo-Bruges et de Bruges-Thourout, dont il était né cessaire de faire un usage intensif, étaient simple voie. L'habileté des mesures prises, le dévouement du per sonnel des chemins de fer et l'à-pro- pos de certaines décisions assurèrent le succès de l'opération. Le 1 2 octobre, la jonction était faite. L'armée ne courait plus le risque d'être isolée et investie. Tel était le résultat immédiat de l'arrivée de l'armée belge l'aide des forces amies. Les conséquences lointaines de l'é vénement furent tout aussi grandes. On peut affirmer qu'il ruina les pro jets d'annexion déjà répandus par l'en vahisseur 1 DEFENSE VICTORIEUSE DE L'YSER. Au début de la guerre, il avait été donné une première fois l'armée belge, de ruiner, sur la Meuse, le plan d'enveloppement bâti par l'état-major allemand. La même tâche allait lui in comber de nouveau sur l'Yser, dans des conditions peut-être plus défavo rables encore. Deux mois et demi de campagne, des combats nombreux, des manœu vres incessantes, une retraite pénible, la chute du réduit national considéré jusqu'alors comme inexpugnable, a- vaient diminué le nombre et la vigueur de nos soldats. Ces troupes fatiguées allaient combattre, outre des contin gents frais, les corps de siège d'An vers, exaltés par la prise de la place. Une phase nouvelle de la guerre s'ouvrait. L'ordre d'armée suivant, en date du I 3 octobre, en définit le caractère Soldats, Voilà deux mois et davantage que vous combattez pour la plus juste des causes, pour vos foyers, pour l'indépendance natio nale. Vous avez contenu les armées ennemies, subi trois sièges, effectué plusieurs sorties, opéré sans perte une longue retraite par un couloir étroit. Jusqu'ici, vous étiez isolés dans cette lutte immense. Vous vous trouvez maintenant aux côtés des vaillantes armées françaises en anglaises. II vous appartient, par la ténacité et la bra voure dont vous avez donné tant de preu ves, de soutenir la réputation de nos ar mes. Notre honneur national y est engagé. Soldats, Envisagez l'avenir avec confiance, luttez avec courage. Que, dans les positions où je vous pla cerai, vos regards se portent uniquement en avant et considérez comme tràître la Patrie celui qui prononcera le mot de re traite sans que l'ordre formel en soit donné. Le moment est venu, avec l'aide de nos puissants Alliés, de chasser du sol de notre chère patrie l'ennemi qui l'a envahie au (1) Liste des officiers tués pendant la période 7 octobre. Berlaer les sous-lieute nants Beckhaus et Bernemont du 1er ca rabiniers Grimbergen le lieutenant Bochart, les sous-lieutenants de Gends et de Bocker, du 8e de ligne 8 octobre. Zele le capitaine-comman dant Cohy du lr carabiniers 13 octobte. Meerendré les lieute nants Wittouck et Horlait, du lr guides. mépris de ses engagements et des droits sacrés d'un peuple libre. Albert. Le 1 3 octobre, l'armée belge établi# sur le front Eerneghem-bois de Wynen- daele, et prolongée sur la droite vers Cortemarck par la brigade de fusilier» marins français, était couverte par la 1 re division de cavalerie sur la Lys et par la 2e division de cavalerie (1 sur le canal de Terneuzen. Ce jour-là, déjà, la 1 re division de cavalerie fut en gagée sur divers points, notamment Meerendré, contre les avant-gardes al lemandes. Les forces ennemies atteignirent, le 14, la transversale Bruges-Ichtegem- Cortemarck-Staden-Roulers. C'était la IVe armée marchant sous le duc de Wurtemberg entre la mer et la Lys. Elle comprenait notamment Troupes du corps de siège d'Anvers Le Ille corps de réserve La 4e division d'ersatz La 37e brgiade de landwehr Unités de nouvelle formation Le XXIIe corps de réserve Le XXIIIe corps de réserve Le XXVIe corps de réserve Le XXVIIe corps de réserve c'est-à-dire 140 bataillons appuyés par plus de 500 pièces d'artillerie. L'armée belge, établie le 15 sur l'Yser, s'y retrancha. Elle formait l'aile extrême d'un front continu, s'étendant de Belfort la mer du Nord, et dont les divers éléments venaient de se souder l'un l'autre. Le 15 et le 16 octobre, en effet, le 2e corps britannique, pivotant au tour de Givenchy, avait prolongé vers Neuve-Chapelle et Laventie la ligne française développée d'Arras La Bassée. Le 3e corps britannique, dé barqué Saint-Omer, bordait la Lys de Sailly Nieppe il était relié, par le corps de cavalerie qui se trouvait vers Messines, au détachement du lieu tenant-général Rawlinson. Composé de la 7e division qui avait combattu Gand et de la 3e division de cavale rie, récemment débarquée Ostende, celui-ci tenait le front Zandvoorde- Gheluvelt-Zonnebeke-Langemarck. Le corps de cavalerie française occupait la forêt de Houthulst enfin, deux divi sions territoriales étaient vers Pope- ringhe (87e) et Ypres (89e). La ligne ainsi constituée était, la vérité, peu consistante il fallait plu sieurs jours pour lui amener des ren forts et la consolider. Or, le temps pressait, car l'attaque allemande, dont l'objet certain était d'enfoncer la dé fense de l'Yser pour tourner la gauche franco-britannique, commença dès le 1 6 octobre. Le rôle de l'armée belge fut de bri ser le premier choc de l'ennemi. Le haut commandement français lui de manda d'abord de résister pendant quarante-huit heures. Le front dévolu nos troupes dans le premier acte de la bataille des Flan dres s étendait de la mer du Nord Boesinghe. Il longeait l'Yser jusque Knocke au delà de cette ville, le ca nal de l'Yperlée. De Nieuport Dixmude, l'Yser dé crit un arc dont le chemin de fer, qui relie ces villes, forme la corde. (A suivre) (1) Cette division avait été formée au début d'octobre au moyen des régiments de cavalerie divisionnaire.

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Le Sud (1934-1939) | 1934 | | pagina 6