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sement richement décoré où les armoiries
de Bourgogne, d'Angleterre, de France, de
Portugal et d'Autriche rappellent la haute
destinée de ces souverains des Pays-Bas en
sevelis, au couchant du Moyen Age, dans
la cité fameuse pour sa richesse et sa tur
bulence qui était le joyau de l'Etat bour
guignon, l'assise politique de la Belgique
d'aujourd'hui.
Certes, les tombes princières sont bien
gardées elles ont été restaurées avec soin,
elles sont parfaitement entretenues, elles
constituent une attraction soigneusement re
pérée par les guides. Mais nous croyons
pouvoir dire, des attentions dont elles sont
l'objet, que c'est trop et que ce n'est pas
assez.
Cest trop. Par souci, sans doute, de
leur conservations, on a relégué ces nobles
souvenirs dans une annexe du déambula
toire de l'église après qu'on les eût en
core déplacés du chœur où ils avaient leur
place marquée entre les hautes stalles sculp
tées qui portent encore les blasons des che
valiers de la Toison d'Or dont un cha
pitre se tint Notre-Dame. On a fermé
cette annexe par un rideau opaque et il
faut payer pour y avoir accès. Ce n'est
pJus une chapelle funéraire où reposent,
dans le lieu saint, les restes du terrible Duc
et de sa douce héritière c'est une salle
d'exposition livrée la seule curiosité des
visiteurs. Le respect des morts, cela ne
comptor-il donc pas quand ces morts sont
de race royale, quand ces tombes sont cel
les de nos princes naturels pour em
ployer le vieux mot de notre droit public
Prix menus spéciaux pour groupes.
Il y a là un certain oubli des convenances
religieuses et nationales qui ne devrait point
perdurer dans une des églises les plus vé
nérables de la Flandre.
Ce n'est pas assez. Les tombeaux de
Charles le Hardi et de Marie de Bour
gogne ne peuvent pas rester, pour nous, de
simples objets de musée. Dans le cadre
prestigieux de Bruges, ils constituent le mé
morial d'une dynastie qui, la première, a
rassemblé nos provinces. Sans vouloir re
nouveler les polémiques de presse qui mi
rent aux prises les admirateurs et les dé
tracteurs du vaincu de Granson et de Ma-
rat, nous ne pouvons oublier que Charles
régna sur la Flandre une époque de sa
grandeur, qu'il fut le magnifique succes
seur de Philippe le Bon, qu'il apparaît dans
1 histoire comme une figure éclatante de la
leodalité finissante.
Sa chute retentissante ajoute au charme
de sa vie et le rêve qui le hanta demeure
comme un indice de ce que pourrait être
une politique lotharingienne. A côté de lui,
l'image de sa fille évoque l'heure sombre
de son avènement, les affreuses discordes
qui ébranlèrent l'œuvre politique du grand
Duc d'Occident et en même temps la tou
chante fidélité de nos pères envers cette
jeune femme, belle et vertueuse, dont la
mort prématurée fut pleurée dans tout le
pays comme une catastrophe nationale. Puis,
Marie ne fut-elle pas la grand'mère de
Charles-Quint, de l'Empereur flamand dont
nous pouvons être fiers
Vraiment Bruges, qui a tant fait depuis
cinquante ans pour associer son renou
veau industriel et commercial un sens exact
des valeurs spirituelles dont elle est toute
chargée, se doit de réparer cet oubli. Il
ne suffit pas de sauvegarder le pittores
que des vieux quais et de réparer les fa
çades des maisons. Dans le décor de cette
ville incomparable, où la brique, la pierre,
l'eau, la lumière donnent aux œuvres de
l'homme une éloquence si pcnurante, il faut
laisser parler les témoignages du passé. S'il
est parfaitement égitime qu'à certaines heu
res l'accès des monuments soit subordonné
au paiement d'un droit d'entree, il faut
veiller ce que le caractère même de ceux-
ci ne soit pas altéré par le mercantilisme.
Les tombes de nos Ducs doivent demeurer,
pour tous, des tombes royales.
Ce n'est qu'un détail, dira-t-on, mais ce
détail touche une règle qu'on ne viole
pas impunément. Un pays qui veut vivre
doit avoir le respect de son passé. Ceux
qui furent ces chefs légitimes, ceux qui fu
rent l'objet de son attachement méritent
d'être défendus contre la morsure du temps.
Les ossements des Ducs de Brabant, décou
verts Afflighem, ont reçu, trop discrè
tement, peut-être, une sépulture honorable
Saint-Pierre de Louvain. Cest d'un bon
exemple, propre resserrer la chaîne des
traditions. C'est en cultivant celles-ci qu'on
orientera dans le bon sens les aspirations
orgueilleuses de cette génération qui, en
pays flamand, a été si souvent mal dirigée.
Le moral d'une nation est fait d'une quan
tité d'impondérables que les soi-disant réa
listes méconnaissent trop facilement. On
s'indigne la pensée que la crypte de Lae-
ken pourrait devenir, un jour, un simple
lieu de curiosité archéologique. Ce serait
la preuve d'un fléchissement douloureux
du sens national. L'indifférence dans la
quelle on laisse, dans le chef-lieu de la
West-Flandre, de grands souvenirs du vieux
comté qui ont précisément un caractère
la fois régional et national, est une mal
adresse psychologique tout fait significa
tive.
On raconte que la veille de sa mort, le
Téméraire ressentit un sombre pressenti
ment quand il vit subitement tomber de
son casque la tête du lion, de Flandre,
qu'il avait portée travers tant de combats.
Cest un signe qu'il voyait, dans son comté
de Flandre, le centre de sa puissance et
la source de son énergie le tombeau de
Bruges est donc bien sa place. Cette ima
ge, ce symbole méritent l'honneur des Bel
ges d'aujourd'hui.
Comte L. de Lichtervelde.