JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimancbe
Septième année. N° 19.
9 Mai 1869.
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dition de noire journal se produisent habituelle-
ment par le fait de l'administration des Postes.
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sonnes dont le journal serait en retard, de vouloir
nous en informer en adressant la bande notre
bureau, rue de Dixmude, 59, d Ypres. C'est pour
nous le seul moyen de faire cesser cet abus.
Tous les abonnés a YOpinion, aussi bien ceux
de la campagne que ceux des villesdoivent rece-
voir leur journal le DIMANCHE
Xpres, s Mai noes».
L'Opinion s'est occupée dans son dernier n° du
vote récent du Sénat. Depuis un nouvel incident
est venu s'ajouter aux autres la démission de
M. le ministre de la Justice et aujourd'hui la
sitüation intérieure est assez grave, son impor
tance au point de vue du libéralisme assez sé-
rieuse pour nous autoriser a revenir sur cette
question.
Disons tout d'abord que nous ne saurions
plaindre le minissère des embarras qu'il éprouve.
II trouve ce qu'il a cherché, il récolte ce qu'il a
semé. Quand aux élections de Brnxelles notam-
ment se trouvaient en présence deux candidats
libéraux, l'un d'un libéralisme tiède et incolore,
tout prêt k enrayer, 1'autre aux convictions ar-
dentes et inébranlables, disposé a soutenir et au
besoin k pousser Ie gouvernement dans la voie
progressive, c'est au premier que celui-ci prodi-
guait invariablement toutes ses sympathies et tout
son appui.
Les protégés, les créatures d'hier sont deve-
nus les adversaires d'aujourd'hui. Les Barbanson,
les Watteeu et consorts ont créè la situation pré-
sente. Le ministère est puni par oü il a péché.
C'est bien fait. La lecon qu'il re§oit est dure,
mais raéritée. Et, si toute sa conduite n'est pas
une immense hypocrisie, combien doivent étre
amers les regrets qu'il éprouve
Encore une fois nous ne saurions plaindre Ie
ministère dont depuis longtemps nous coodam-
nons la politique nous n'en regrettons pas moins
de voir tomber M. Bara victime de la réaction.
Malgré de nombreuses fautes, malgré des fai—
blesses déplorables, M. Ie ministre de la Justice
etait celui de tous les membres du cabinet qui
avait le plus d initiative et les vues les plus larges.
II etait naturellement désigné la haine impla
cable du parti rétrograde. La grande faute des
sénateurs libéraux, qnelque nuance qu'ils ap-
partiennent d'ailleurs, est précisêment d'avoir
prèté l'appui de leur vote la satisfaction de ces
haines cléricales.
Parmi ces braves qui ont passé a I'ennemi
figure nous l'avons déja dit M. Mazeman.
Elle n'est pas heureuse Ia carrière politique de
notre honorable sênateur et lorsque nous compul-
sons ses votes, que nous établissons son bilan
parlementaire par doit et avoir, nous trouvons
entre autres choses au passif de son libéralisme
Le vote contre les enquêtes électorales l'oc -
casion des scandales occasionnés par les stock-
slaegers de Louvain, malheureux début.
Le vote en faveur du maintien de l'art. 1781
du Code civil dont l'abolition èlait proposée par
Ie ministère.
Le vote contre l'abolition de la peine de mort
proposée par le ministère.
L'abstention lors du vote du dernier budget de
la Justice, abstention qui eut pour effet de faire
rejeter ce budget par la majorité catholique et
amerier déjè alors une crise ministérielle.
Hier encore le vote contre l'abolition de la
contrainte par corps, également proposée par le
ministère et votée par la Chambre des représen-
tants.
II en est bien d'autres iriutiles a énuraérer en
ce moment. Sauf de rares exceptions, toujours la
réaction a trouvé en M. Mazeman un serviteur
dévoué.
Est-ce lè ce qu'attendait de lui le corps éleclo-
ral en Penvoyant au Sénat? L'arrondissement
d'Ypres si libéral aurait-il donnê pour missioa k
son mandataire de se coaliser avec les cléricaux
pour combattre le ministère précisêment dans les
trop rares propositions libérales émanant de ce
ministère? Nous serions curieux de l'apprendre.
Déjè nous avons interpellé le Progrès k ce su
jet, lui demandant comment il apprécie le vote de
M. Mazeman roaintenant la contrainte par corps
après avoir loué MM. Alph. Vandenpeereboom et
Beke qui abolissaient cette contrainte. Mais le
cas est trop embarrassant; Ie Progrès restera
muet. Quoiqu'il en soit, aujourd'hui se réalise
plus que jamais la fameuse parole de M. Henri
Carton en 1858 M. Mazeman n'est pas un
libéral et le pis-aller qui le fit prendre
pour sénateur va depuis lors de mal en pis. II y a
tout parier néanmoins qu'en dépit de ses votes
cléricaux, l'honorable baron restera le candidat de
la coterie. Sera-ce parce que l'intérêt du libéra
lisme dans 1'arrondissement I'exige? Autant vau-
drait soutenir qu'on fait avaucer Ie véhicule en
attelant ler chevaux par derrière. L'intérêt du
libéralisme n'a rien a voir dans le choix des candi
dats Ypres; il ne s'agit que du plus grand profit
des meneurs. M. Mazeman restera done leur
candidat.
Parce qu'il leur faut, a eux, peu généreux de
leur nature, un sac d'écus qui leur achète une
popularité que leurs actes ne sauraient leur con-
quérir et que M. Mazeman est ce sac.
Parce qu'il faut aux hurleurs du doctrinarisme
un abreuvoir débordant de vins de Champagne
pour étancher cette soif pantagruélique et que
M. Mazeman est cet abreuvoir.
Parce qu'il faut aux créatures, aux affamés de
places et de faveurs un commissionnaire courant
les bureaux des ministères et que M. Mazeman
est ce commissionnaire.
Mais les vrais libéraux, ceux qui aux cadeaux
du gouvernement préfèrent leurs convictions, en-
visagent les choses différemment. De quelque
manière que se termine le mandat de M. le séna
teur, que ce soit régulièrement ou qu'une disso
lution du Sénat vienne l'interrompre, son compte-
courant est ouvert et sa réélection ne se fera plus
désormais sans qu'il ait justifier sa conduite
politique. S'il plait a l'Association libérale de
recevoir le mot d'ordre d'une familie, Ie corps
électoral se lasse d'enregistrer purement et sim-
plement, sans examen et sans contróle, les déci-
sions d'une association dont la moitié des mem
bres ne sont pas même électeurs. Le nombre des
libéraux sincères et indépendants est assez grand
heureusement dans l'arrondissement pour que le
libéralisme puisse se passer du patronage d'une
association en majeure partie composée de fonc-
tionnaires la dévotion de la coterie dominante,
d'une association qui n'a de libéral que le nom et
dont la prétendue puissance a puisé ses seuls élé-
ments dans l'indift'érence et l'apathie publiques.
Au temps du bon Lofontaine les ènes trompaient
les badauds en s'affublant de la peau du lion
ces temps ne sont plus.
II n'est bruit, depuis quelques jours, que de la
retraite de M. Ie ministre de la Justice. Nous nous
associons de grand coeur aux regrets que cette
résolution inspire a uos confrères de la presse
libérale. M. Bara a défendu au pouvoir des idéés
qui nous sont chères l'horreur de l'échafaud, la
suppression de 1 article 178 J du Code civil et tout
Laisser dire, laissez-voui blümer, mais publier totre pensèe.
La démission de M. Rara.