JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEIENI
YP1VES, Diuiauche
Quatrièrae année. N°51.
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Paraissant le dimanche.
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PKIX MES AAXOICEK
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POUR LA BELGIQUE
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Ypres, Oécembre
On lit dans le Journal de Charleroi
On a beaueoup remarqué que, dans la discussion
soulevée par M. Defré a propos de l'admission du
clergè dans les nouvelles écoles d'adultes, M. le mi-
nistre des finances, en répondant a M. Dumortier,
n'avait pas eu une parole pour défendre la mesure
prise par son collogue de l'inlérieur. Serait-il vrai,
comme je I'ai entendn dire, que M. Vandenpeereboom
aurait pris sur lui de décréter cette mesure sans en
conferee au préalable avec les autres membres du ca
binet? Je ne saismais il parait que M. le ministre
des finances n'a pas vu de trop mauvais ceil les inter
pellations de M Defré et que, personnellemenl, il n'est
rien moins que sympathique au système mis en pra
tique par son collègue de l'inlérieur. J'ajouterai, puis-
que je suis en veine de faire l'écho, qu'un certain
nombre de membres de la gauche ont eu un instant
l'idee de formuler une proposition ayant pour but
d'exclure l'enseignement dogmalique des écoles d'a
dultes et qu'ils ne l'ont abandonnée que par crainte
de provoquer dans le sein du cabinet, une scission
que les circonslances du moment rendraient particu-
lièrement inopportune.
Nous ignorons jusqu'a que! point les informations
de notre confrère sont exactes, mais eiles n'ont rien
qui nous étonne. Les sentiments de M le ministre des
finances a l'égard de la loi de 1842 sont connus a
mainte reprise, il a déclarè que si une réforme de cette
législation n'avait pas été admise jusqu'a cejour,c'est
qu'un grand nombre de membres de la gauche, d'ac-
cord avec lui sur le principe, étaient cependant con-
vaincus qu'en touehani a la loi de 1842, on nuirait
considérablement au développement de l'enseigne
ment primaire en Belgique. C'est dans le même sens
qu'il s'est expt'imé, dans la séance du 7 de ce mois, en
répondant a M. Dumortier qui, lui, avail demandé la
parole pour défendre le système inaugure par M. le
ministre de l'intérieur. Comment M. Frère-Orban,
dont l'hoslilité au principe de la loi de 1842 s'est ma-
nifestee si souvent et dans des termes si Gategori-
ques, a-l il pu consentir a ce que son collègue de l'in
térieur donnat une consécration nouvelle a ce prin
cipe, en l'appliquant aux ecoles d'adultes? II y a la un
mystèreque nous ne nous chargeons pas de pénétrer,
mais qui aulorise d'une facon assez vraisemblable les
conjectures du Journal de Charleroi.
Quoiqu'il en soit, la conception clérico-libérale de
M. le ministre de l'inlérieur est acoueillie dans nos
grandes communes avec un vif sentiment de réproba-
tion. A Gand, le Conseil communal a refuse le sub
side qui lui étail offert sous la condition d'organiser
l'enseignement religieux dans les écoles d'adultes. Cet
exemple sera très-probablement suivi par la plupart
des grandes villes du pays. Nous lisons aujourd'hui
même dans YEtoile Beige qu'une proposition concue
dans le même sens vient d'être soumise au Conseil
communal de Molenbeek Saint-Jean. Liége, Verviers,
Louvain, Mons et Tournai agiront de même sans au-
cun doute. II ne restera alors, pour applaudir au ma-
lencontreux projet de M. le ministre de l'intérieur,
que lesadhésionschaleureuses de la presse cléricaleet
de quelques administrations communales inféodées au
clergé. Un journal ministériel, YEcho du Luxembourg
n'a trouvé rien de mieux pour disculper M. Vanden
peereboom, que d'insinuer que sa religion avaitpro-
bablement été surprise.
Nous ignorons de quelle religion le journal luxem-
bourgeois a vonlu parler mais nous en connaissons
une qui s'accommode très-bien de la manière dont
M. Ie ministre entend et pratique les droits de l'Etat
et la liberie de conscience.
L'administration communale de Verviers vient de
destituer solennellement un professeur de son Ecole
industrielle. Le crime qu'elle reproche a ce profes
seur, c'est d'avoir [iris une part plusou moins active
la rédaction de YEcho de Verviers.
Nous connaissons très-peu YEcho de Verviers;
mais la mesure qui vient d'atteindre un de ses colla
borateurs nous dit assez que ce journal nejouissait
pas de la faveur de l'administration communale; en
un mot, que c'est un journal d'opposition.
II ne peut cependant pas y avoir deux poids et
deux mesures et la question posée par cette destitu
tion appelle une solution radicale dans un sens ou
dans un autre.
Les professeurs appartenant a des établissements
communaux d'instruction jouissent-ils, comme les
autres ciloyens, de la plénitude de Ia liberté de leurs
opinions? Dans ce cas, la destitution infligée au pro
fesseur de I'Ecole industrielle de Verviers est un acle
arbitraire, violent, inconstitutionnel au premier chef.
Est-on d'avis, au contraire, qu'en acceptant des
fonclions salariées par la commune, le professeur
aliène sa liberté constitutionnelle et s'interdit la dis
cussion publique des actes de l'administration dont il
relève? Dans cette seconde hypothèse, nous soute-
nons que I'interdiction qui pèse sur le professeur est
absolue et qu'il ne lui appartient pas plus de louer
que de blamer les actes de cette administration. II
faut choisir ou bien le professeur, en dehors des
devoirs spéciaux de sa profession, doit être assimilé,
sous le rapport des libertés politiques, a un citoyen
ordinaire et jouir, comme tel, du droit de dire et de
publier ce qu'i! pense de la manière dont les affaires
publiques sont géréesou bien si sa qualité de salarié
de la commune lui fait un devoir de se tenir en dehors
de la discussion des intéréts communaux, son devoir
est Ie même pour Ie blême comme pour la louange,
et lui commande l'abstention dans les deux cas. Ne
serait-ce pas, en effet, une chose souverainement ab
surde que d'autoriser le panégyrique et d'interdire la
critique? Pourquoi l'un plutót que I'autre? Le bon
sens repousse une pareille distinction.
Nous n'avons pas besoin de dire que nous voulons
la liberté la plus large pour tout le monde. Pour nous,
le professeur, sa lêche accomplie, est maitre de sa
parole et de sa pensée ni plus ni moins que tout autre
citoyen. Mais nous nous permettrons de demander au
Progrès si tel est également son avis sur ce point et,
dans la negative, comment il concilie son sentiment
avec la collaboration bien connue que lui prête, a ses
moments perdus, Ie gête-sauce dont nous nous som
mes amusés dimanche dernier. Le Progrès nous ré-
pondra sans doute que celui-la, c'est pour le bon mo~
tif. Le Progrès sera conséquent La liberté pour les
amis; pour les adversaires, le frein et la menace, telle
a toujours été sa devise.
Aprèsde longues hésitations que nejustifie point
suffisamment la vacature du portefeuille de la guerre,
le gouvernement s'est enfin décidé a instituer unè
commission chargèe d'étudier le problème de notre
réorganisation militaire. Cette commission, composée
mi-partie de membres de la Chambre des représem-
tants et du Sénat et d'officiers supérieurs de l'armée,
a recu pour mission d'examiner toutes les questions
quelles qu'ellrs soient, qui se rattachent a l'organisa-
tion de notre armée, et de soumeltre le résultat de ses
recherches au gouvernement, qui avisera ensuite
sous sa responsabilité, aux mesures a prendre pour
assurer la sécurité nationale. Ellejouira, d'ailleurs,
dans I'exercice de cette mission, d'une trés-grande li
berté d'investigation et pourra, au besoin, c'est M. le
ministre de la guerre qui l'a déclaré a la Chambre, se
livrer a toutes les enquêtes qu'elle jugera propres
a l'éclairer sur la solution des graves et nombreuses
questions qui lui sont soumises.
Dans ces conditions, nous applaudirions sans ré
serve au projet auquel Ie gouvernement vient de
s'arrêtersi une longue experience des commissions
ne nous avait pas appris a nous tenir en grande de
fiance des résullats qu'on peut en attendee. Faut-il
esperer que la commission mixte fora menlir l'expé-
rience et qu'elle aboutira prochainement a des con
clusions satisfaisantes? Nous n'oserions I'affirmer
notre foi ne va pas au-dela du doute. Puisse I'avenir
nous apprendre bientót que nous avons eu tort de
douter et que les commissions sont autre chose que
des oubliettes.
La question du refus de prestation du serment ju-
diciaire s'est présentée tout récemment sous un nou-
vel aspect devant le tribunal correctionnel de Bruxel-
les. II s'agissait, dans l'espèce, d'un témoir, qui, loin
de nier l'exislence de la Divinité, soutenait, la Bible
a la main, que c'est I'offenser gravement que de la
prendre a temoin de la verité de son affirmation.
Le tribunal de Bruxelles, sur les conclusions con-
formes du ministère public, a condamne le témoin
récalcilranl a 100 francs d'amende et subsidiairement
a 15 jours d'emprisonnement.
Le journal qui rapporte Ie fait ne dit pas si le con-
damné a interjeté appel de ce jugement. Nous l'espé-
rons bien, car il nous semble impossible que la Cour
ne reforme pas un jugement qui viole aussi ouverte-
ment les droits de la conscience. On aura beau entas-
ser autour de cette question toute l'érudition imagi
nable, on ne fera pas que le serment ne soit pas un
acte religieux et, dés lors, il est visible qu'on ne peut
l'imposera un particulier, pas plus qu'on ne pourrait
le contraindre a aller a confesse ou a fêter la Paque.
Comment des vériles aussi évideutes par elles-i-nèmes
peuvent être méconnues par des hommes intelligents
et imbus d'idées libérales, c'est ce que nous laissons
aux physiologistes le soin d'expliquer. Pour nous
c'est un myslère.