JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche Quatrièrae année. N° 46. 18 I^oYembre 1866.
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Ee Discours du Tróne.
Le discours du Tróne a deconcertè, par sa rare in-
signifiance politique, les prévisions de tons les partis.
Les clérioaux, surloui, sont dans la slupefaction ils
s'attendaient a un manifeste de guerre; et voil n qu'ils
se trouvent en présence d'un document tellement
inerte et incolore que, faute d'autre prise par oü ils
puissent l'atlaquer, ils en sont reduits a lui faire un
crime de sa paleur même, taxee par eux d'hypocrisie
et de couardise.
Bien des libéraux partagent la surprise de leurs
adversaires. Ceux la comptaient que le ministère in-
jurié, vilipendé par le parti clerical avec un acharne-
ment de haine qui ne connait plus de bornes, allait
saisir l'occasion que lui offrait l'ouverture de la ses
sion legislative pour-affirmer, avec une nouvelle ener
gie, les grands principes qui sont l'honneur du libé
ralisme beige Ils allaient même jusqu'a penser, ces
honnêles libéraux, qu'il y avait, pour le ministère,
un devoir élroit de moralite politique a accorder cette
satisfaction a la majorité du corps electoral qui venait
de lui douner tout récemment une marque si éclatante
de sa confiancè. Eux aussi ont vu leur attente trom-
pée; mais, en gens bien appris et faconnes depuis
longtemps aux deceptions, ils gardent le silence et
s'efforcent, comme toujours, de faire bonne mine a
mauvais ji u. Quelques uns même vont jusqu'a ap-
plaudir et jurent qu'ils sont pléinement satisfaits. On
n'est pas p us accommodant
Quanta nous, spectateurs désintéressés de la petite
comedieqne la presse des deux opinions donne en ce
moment au pays, si qm-lque chose nous ètonne, c'est
l'etonnement même des deux partis en presence. Pour
s'imaginer que le ministère, en possession d'une ma
jorité considerable et assurée pour deux sessions au
moins, allait debuter par une campagne en regie
centre les pretentions clericales, il a fa 11u vraiment
qu'ils eussent tons les deux oublie l'histoire de ces dix
dernières ann 'es Ah! si nous etions a la veille d'une
élection generale, ce serail different loin d'éviter la
]ulte, nos gouvernants saisiraienl tous les pretextes
pour la fomenter. Au lieu du langage insipide qu'ils
ont mis dans la bouche du Roi, nous eussions en-
tendu de fières paroles, de ces paroles émouvantes
comme M. Frère Orban suit les trouver quand son
existence ininistèrielle est tnenacée et qu'il s'agit de
la réconforler par quelque grand coup de lheêtre.
Mais le ministère n'en est pas la avec virigt voix de
majorité garanties jusqu'en 1868, il a, comme on dit,
du pain sur la planche, et peut attendre, quitte a
emboucher de nouveau la trompette guerriere le jour
oil l'approche des elections lui fera sentir la nécessité
de donner du montant a I'opinion publique Endorinir
et révèiller, reveiller et endorinir le secret de la poli
tique ministerielle est lout entier dans cette formule,
empruntee aux magnétiseurs forains.
Qu'on cesse done de critiquer I'insignifiance poli
tique du discours du Tróne. Ce discours est, de tous
points, conforme aux traditions gouvernementales
Ie ministère ne pouvait I'accentuer davantage sans
manquer a tons ses antécédents. M. Frère-Orban,
d'ailleurs, le declare excellent. II suffit. Mauvais libé-
ral, a prés cola, qui trouverait a y redire.
Que si, abandonnant le point de vue politique, nous
n'envisageons ce discours que de son cöté social etéco-
noi-nique.nous ne faisons nulle difficulté de reconnaitre
qu'il contient des promesses dont la réalisation sielle
s'accomplit, fera le plus grand honneur au ministère.
L'assainissemenl desquarliers insalubres, Ie dévelop-
pementde ('instruction du peuple, I'abolition de la con-
trainte par corps, la dètenlion preventive adoucie, le
CodePénal militaire révisè constituent un ensemble de
mesures dont le pays devra une profonde reconnais
sance au gouvernement qui saura les conduire a
bonne fin. Personne plus que nous ne souhaile que
Ie ministère s'acquitte avec honneur de la têche qu'il
s'est solennellement imposee, et puissent ces nou velles
promesses ne point partager le sort de lant d'autres,
qui attendent, depuis si longtemps, leur accomplisse-
ment 1
C'est notre devoir a tous, a dit S. M., de conti-
nuer a nous occuper de tout ce,qui peut favoriser
l'amelioratiun morale et matériede des populations
laborieuses. 11 n'est personne en Belgique qui
n'applaudisse de tout coeur a ces nobles paroles, vrai
ment dignes du jeune souverain qui préside aux des-
tinèes de la patrie. Nos querelles de parti ne nous ont
fait que trop souvent oublier qu'en dehors et au-des-
sus des questions politiques, il en est d'autres qui
touchent a des intéréts bien autrement importants
par la-même que nul progrès social veritable n'est
possible que du jour oü ils auront recu pleine et en-
tière satisfaction. Nous pouvons discuter cent ans
encore la question de l'independance du pouvoir civil
et loutes celles qui se rattachent a la solution de ce
grand prob'ème de notre politique intérieure nous
aurons fait peu de chose, aussi longtemps que les po
pulations ouvrières resteront assujéties au double
ioug de la misère et de I'ignorance. C'est que la li
berie n'est pas seulement le droit de penser et d'agir,
mais qu'elle implique nécessairement la puissance
d'exercer, de pratiquerce droit. L'ignorant, le rnisé-
rable sont libres de penser et d'agir ni plus ni moins
que l'aveugle et le paralytique de voir et de mar
cher.
Le gouvernement a pris ['engagement d'étudier
résolument ces questions capitales et, comme pre
mier gage de sa sollicitude, il nous promet un projet
de loi sur l'assainissemenl des quartiers insalubres
el des mesures destinees a donner un nouvel essor a
l'enseignement populaire. Les amis du progrès, a
quelque parti qu'ilsappartiennent, s'associeront avec
bonheur a cette genéreuse et vraiment libérale entre-
prise.
Le pays a accueilli avec non moins de satisfaction
la promesse de l'ab ilition prochaine de la contrainte
par corps. Cette mesure, inspirée par un sentiment
d'humanite et de justice auquel tous les par lis reu-
dront hommage, ne fera qu'ajouter un litre nouveau
a tous ceux que le ministre de la justice a su mériter
dèja de la reconnaissance publique.
C'est aussi a ce ministre, trop jeune au gré de
M. Dolez, que nous allons devoir la révision de eet
affreuxCode Pénal militaire contre Lquel le sentiment
public a vainement protesté depuis vmgt anslejour
viendra bientót oü les iniquités criantes de cette le
gislation barbare seront divulguées et l'on aura peine
a croire qu'un pareil régime ait pu subsister jusqu'au-
jourd'hui au milieu d'une société policée et qui se
pique de justice.
Nous lui devons encore, a ce trop jeune mi
nistre, l'améliofation de nos lois sur la dètenlion
préventive et sur les extraditions, qui appelaient
également une révision radicale au point de vue
des garanties de la liberté individuelle. Hélasl que
les aulres membres du cabinet ne sont-ils aussi
jeunes que M. Bara Nous n'aurions pas a entou-
rer de tant de réserves la satisfaction que nous a
fait éprouver le discours du Tróne et nous pour-
rions, a l'instar de l'Echo du Parlement et du Jour
nal de Liége, saluer dans l'oeuvre ministèrielle, le
programme sincere et complet des voeux du libé
ralisme.
En coalition.
Jusqu'ici nous nous sommes très-peu occupé du
résultat de nos elections communales, voulant d'une
part laisser au temps le soin de calmer la première
effervescence, car notre habitude est de nous adres-
ser uniquemènt au bon sens et a la raison de nos
concitoyens, sachant de l'autre que le Progrèsqui
ne brille pas précisément par une grande richesse
d'imagination, ressasserait quelques pitoyables ca-
lomnies pour tout argument et que nous en aurions
fini d'un coup si nous avions la patience d'attendre.
Jamais le Progrès ne fut plus loquace. Jamais pie
bavarde ne fit entendre pareil caquetage Le libé
ralisme pratique vient de triompher de l'opposition
clèricale, radicale el hargneusele pacte a èté con-
clu.... le drapeau rouge et noir a étéprboré et de ce
mariage monstrueux est nè la plus honteuse des coa
litions IEnfin c'est le cóté le plus grave de la
question I 'Opinion fait en ce moment un effort
suprème d'imagination et un tour de force de cal-
cul II!
Tout doux, beaux sires, vous donnez soltement
vos qualites aux autres.
Non certes, 1 'Opinion ne se tient pas pour battue,
non certes el le n'est pas découragée et ne renonce pas
a la lutte plus d'une fois encore vous la retrouverez
sur votre chemin alors que vous le désireriez le
moins, signalant les abus, demasquant vos intrigues,
fletrissant votre ambition égoïste, ridiculisant vos
puériles vanitès, s'efforcant enfiu d'arracher le clin
quant de vos oripeaux et d'eclairer la ville d'Ypres
sur votre valeur intrinsèque. Mais el le n'a besoin
d'aucun tour de force pour comprendre que tous vos
pretendus arguments ne reposent que sur une calom-
nie a laquelle vous-mêmes ne croyez pas et que vos
efforts ne tendent qu'a plótrer une victoire qui vous
donne plus d'un souci.
Dèja précédemment nous avons parlé de cette mon-
strueuse coalition enlre clericaux etradicaux, comme
on nous appelle. Notre droit serait done de n'y plus
revenir aujourd'hui, d'autant plus que nos accusa-
teurs se sont contenlés de vaines déclamations, sans
apporter même un sembianl de preuve a i'appui de
leur these
Qu'esl-ce qu'une coalition?