JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Quatrième année. N° 42
21 Octobre 1866.
Paraissant le dimanche.
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Ypres, «o Octobre is®«.
Notre intention n'est point de revenir sur notre
dernière polémique avec Ie Progrès. Encore moins
nous sentons-nous l'envie de triompher bruyamment
du silence ou nous avons réduit notre piteux contra-
dicteur et de battre le tambour sur sa peau. Le Pro
grès nous avait injuriés, nous lui avons dit son fait.
II n'y a la nulle matière a nous énorgueillir le pre
mier venu, a notre place, en eut fait tout autant.
C'est que le temps n'est plus oii les hauts et puis-
sants barons du Progrès pouvaient s'arroger impuné-
ment le droit d'insolence dans notre ville et régenter
1'opinion publique du haul de leur omnipotence. II
n'est plus, le temps oü toute parole sortant de leur
bouche était tenue pour parole d'Evangile et recue
avec vénération par Ie commun des fidèles. Le senti
ment populaire, longtemps énervé sous Faction délé-
tère des influences, a repris confiauce dans ses forces.
II commence a apprécier a leur juste valeur ces soi-
disant libéraux dont la vie ne fut qu'une lutte perpé-
tuelle contre les aspirations de la liberté^ ces préten-
dus dèfenseurs du pouvoir civil, toujours prêts ja
tendre la main au parti cléricalces apótres de la
tolérance, que la moindre contradiction jelte dans des
transports de rage; ces amis de la libre discussion,
qui n'ont a la bouche que Finjure et la personnalité
grossière ces grands oraleurs muets, ces grands écri-
vains sans ortbographe, qu'une longue habitude lui
avait appris a admirer de confiance et qu'il admirait
ainsi, depuis une vinglaine d'années, avec une foi
naïve renouvelee des temps de i'Eglise primitive.
On les voit enfin, tels qu'ils sont, orgueilieux ou
plats valets, suivanl les circonstances, mais ègale-
ment nuls toujours et forts seulemenl d'une certaine
habileté qui consiste a mépriser les hommes et a leur
apprendre a n'écouter que la voix de leurs intéréts.
Le prestige qui les environnent a disparu el, avec
lui, la terreur qu'ils inspiraient. On rit tout hout
aujourd'hui de la sottise du Progrès, le vieil oracle
naguère si redouté, et loin de trouver mauvais que
nous l'ayons rerais a sa place, on applaudit ouverte-
menta la verte correction que nous lui avons admi-
nislrée.
G'est la uil premier résultal dans lequel nous vou-
lons voir le gage d'une victoire prochaine et definitive
de l'esprit public sur l'esprit de coterie el de familie
dont notre ville a si longtemps subi l'empire. Avons-
nous besoin de le répeter encore Nous sommes un
journal liberal et pas autre chose; nous demandons
la réalisation des promesses qu'on nous a faites eu
1848, et rien de plus. Mais ces promesses, nous en
tendons qu'elles soient remplies et nous avons la con
viction qu'elles ne le seront pas, aussi longtemps que
le sentiment public n'aura pas fait justice des charla
tans qui exploitent sa crédulité. Ne nous en prenons
pas toujours a uos représentants de nos mecomptes
et de nos dèceptions. Ces representants, après tout,
c'est nous qui les avons élus nous pouvions en choi-
sir d'autres, nous avons préferé ceux-lè Sachons ac
cepter la responsabilité de notre faiblesse et de notre
incurie; sachons surtoul tirer du passé une lecon
utile pour Favenir. Les elections sont, chez nous,
affaire de pure camaraderie. Habiluons-nous a les
considérer comme des choses sérieuses, dignes de
toute notre attention et n'accordons nos suffrages
qu'aux hommes qui nous inspirenl une pleine con
fiance. Le jour oü nous serons tous pénétrés de ce
devoir, l'ère des coteries sera définitivement fermée
et Ie souci des principes prendra, dans nos assem
blees délibèrantes, la place qu'y occupent aujourd'hui
les preoccupations personnelles et les intéréts de
boutique.
Denouement.
Les intrigues sont arrivées a leur terme le Pro
grès a parlé Le comité de l'Association libérale se
réunira samedi soir, dit-il, a l'effet de faire choix de
candidats provisoires pour les èlections communales
et l'Association sera convoquèe.quelques jours après
en assemblée générale.
Ce que nous avions prévu depuis longtemps se rea
lise MM. Bourgois, Merghelynck et Aug. De Ghelcke
renoncent au renouvellement de leur mandat.
En ce qui concerne M. Léopold Merghelynck, cette
résolution se comprend aisément.
La retraite de MM. Bourgois et Auguste De Ghelcke
est due a une heureuse inspiration et nous croyons
que la ville d'Ypres leur en sera reconnaissante.
Ces deux honorables conseillers n'ont pas brillé dans
leur carrière publique. Aussi ne comprenons-nous
pas au nom de quel principe, de quel intérêt M. De-
ghelcke a été appelé a siéger a I'Hótel-de-Ville.
Quant a M. Bourgois, nous exprimerons un regret.
C'est que ['honorable échevin n'ait pas pris sa retraite
avant la démolïtion de la porte de Lille ou que ['admi
nistration n'ait pas eu Ie bon sens de retarder cette
démolition jusqu'après cette retraite. Quoiqu'il en
soit, ce monument restera comme une preuve irrecu
sable de la faillibilité humaine.
II n'y a pas lieu de s'occuper davantage aujourd'hui
de ces parlicularités, si ce n'ést pour féliciter de re-
chef ces deux honorables conseillers de leur bonne
inspiration.
L'essenliel en ce moment est de savoir qui les rem-
placera. Et ici nous renconlrons l'entrefiiet du Pro
grès de jeudi.
L'organe de la coterie s'étonne que nous nous
soyons plaint du retard qu'on mettait a convoquer
l'Association II ne partage pas notre opinion, dit-
il; c'est tout naturel. II faut le temps de discuter les
candidats en familie, de travailler le corps electoral,
et l'Association arrivera toujours assez tót pour la
simple formalité d'enregistrer la volonté des me-
neurs.
Mais oü éclate surtout l'insigne mauvaise foi du
Progrès, c'est quand il affirme que dans aucune
ville jusqu'ici, les choix definitifs ne sont arrêtés.
Cela serait que la feuille doctrinaire n'en pourrait ti
rer aucun argument en faveur de sa thèse. Chacun
sail, en effet, que la plupart des associations libérales
sont constituées sur de toutes autres bases que la
nótre. La presentation des candidats est laissée a
l'initiative individuellele comité se contente d'en
prendre acte. Ici c'est tout le contraire. Le comité
fait les présentations que l'assemblée, par des raisons
que nous pourrions exposer, ratifie invariablement.
Cette considération, jointe a beaucoup d'autres,
ferait comprendre sufiisamment pourquoi quelques
associations n'ont pas encore fait leur choix défi-
nitif.
Au moins se sont-elles occupées des èlections.
Celle de Courtrai a été convoquée dés les premiers
jours du mois.
Le comité de Bruxelles adressait, vers la même
époque, une circulaire a tous les membres de la so-
ciété. II ya douze jours que l'Association libérale de
Bruges s'est réunie. Et voici de plus un fait matériel,
indëniable, qui renverse tous les sophismes du Pro
grès. Pendant qu'il imprimait les lignes auxquelles
nous répondons, lesiournaux de Bruges nous appor-
taient les choix définitifs de l'Association de cette
ville, arrêtés dans sa séance du mardi, 16. Voila done
uue association qui se prononce au moins huit jours
avant la nótre.
Mais,dira le Progrès, a dans une localité qui, comme
la nótre, oompte moins de 600 electeurs, il sufïit de
ne s'occuper de ces choses que sept a huit jours avant
les èlections.
A qui ferez-vous done accroire qne vos patrons
altendent les décisions de l'Association pour recom-
mander leurs candidats? S'il n'est besoin que de huit
jours pour assurer voire succès, pourquoi vous voit-
on depuis prés de trois semaines courir de porte en
porte, le chapeau a la main, les promesses et les
mensonges a Ia bouche? Non, non, votre but est tout
autre que celui que vous proclamez, et si tant de
personnes respectables se taisenl et s'abstiennent,
gardez-vous bien d'v voir un acquiescement a votre
conduite. Non, ce n'est la qu'une des formes de
leur profond mépris pour vos scaudaleuses monées.
Hypocrisie.
Le Progrès publie un long compte-rendu de Inau
guration de la nouvelle fabrique de M. Seys, compte-
rendu tout émaillé d'éloges,auxquels chacun adhé-
rera, mais qui jurent sous la plume de son rédacteur,
pour le patron, pour les ouvriers et même pour un
ancien industriel qu'il cite, M. Vanden Driessche.
II termine en se disant heureux de pouvoir don-
ner un petit apercu de cette rèunion fraternelle.
Depuis quand done le Progrès est-il animó d'un si
tendre amour pour Findustrie et les industriels? Cela
lui prend-ii par hasard comme une fièvre intermit-
tente, la veille des èlections el lorsqu'il a besoin du
concours des industriels pour faire reussir ses pians
Le succès assuré, il reprendra sa vieille défroque,
minant sourdement Findustrie et calomniant les in
dustriels.
Au reste, il a raison a son point de vue d'en agir
ainsi, et l'on peul assurer que nul mieux que ses pa
trons ne comprend la vraie situation. Si Findustrie
venait a s'implanter dans nos murs, la ville devien-
drait richeet prospère sans doute, mais leur règne ne
serait plus de longue durée.