JOURNAL D'TPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche Quatrième année. JM° 30. 29 Juillet I860.
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Ea déchéance de l'Autriche.
Finis Austria. L'Autriche a cessé d'être une grande
puissance, et nul ne sait quelles épreuves plus dures
l'avenir lui réserve encore.
II y a clans la vie des peuples des instants décisifs,
oü une seulefaute entraine des consequences irrépa-
rables, oü la meconnaissance d'un devoir patriotique
équivaut a un arrêt du destin.
Le jour oü Carthage refusa a Annibal victorieux les
moyens d'achever sa vicloire, elte décida sa propre
ruine Le jour oü les républiques grecques laissèrent
Athènes seule en face de Philippe, et oü Athènes se
manqua a elle-même, la liberté de la Grèce fut per
due.
En achetant l'intégrité de son territoire au prix de
son exclusion de l'Allemagne, l'Autriche s'imagine
conclure un marché avantageuxc'est sa déchéance
qu'elle consomme. Mieux vaudrait cent fois pourelle
la perle d'une province.
L'Europe occidentale est pour longtemps encore le
centre de gravilé du monde civilisé. Tous les grands
problèmes de la politique, de l'industrie et du com
merce continueront d'y recevoir leur solution. En se
laissant exclure de l'Allemagne, l'Autriche tourne le
dos au foyer vivifiant qui anime l'Europe et, par elle,
le monde. Elle devient un empire oriental, presque
asiatique, et bientót elle ne pèsera pas plus dans la
balance de l'Europe que la Turquie.
L'Autriche avait, en cffet, sous sa garde, les libertès
de l'Allemagne. Tous les Etats constitutionnels de la
Confédération, par la voix de leurs assemblees repre
sentatives bien plus que par la volonté de leurs sou-
verains, s'etaient declares pour l'Autriche, paree que
le triomphe de la Prusse leur presageait la fin de leur
autonomie et la suppression de leurs,institutions libé-
rales. L'Autriche déserte cette grande cause, elle sa-
crifie ses allies. Qu'en rêsultera-t-il C'est que l'hégé-
monie prussienne va faconner immédiatement au joug
toute l'Allemagne du Nord, et preparer l'asservisse-
ment de l'allemagne du Sud; et quand l'oeuvre sera
accomplie, quand un grand empire militaire se sera
solidement assis des bords de la Baltique a la vallèe du
Danube, le premier sein des chefs de eet empire sera
d'exclure l'Autriche des conseils de l'Europe.
Voila Ia situation qu'accepte, a l'avance, en se lais
sant exclure de la Confédération gerrnanique, le des
cendant et l'héritier des anciens empereurs d'Alle-
magne, le souverain dont la chancellerie conserve si
scrupuleusement le cérémonial, les litres, les dignités
et les formules du Saint-Empire. Quelques formules
vides de sens, voila toutce qui va rester a l'Autriche
d'un passé de plusieurs siècles.
Le roi de Sardaigne s'est longtemps intitulé roi de
Chypre et de Jerusalemmais il a su échanger ces
titres vains contre celui de roi d'Italie. Oü les uns
montent, les autres descendent telle est la loi de ce
monde; et le malheur n'a rien d'humiliant quand il
n'est pas mérité, et qu'il peut attendre de l'avenir
une réparation.
Ce que nous voyons de plus (riste dans cette dé
chéance de l'Autriche, c'est qu'elle est meritée. La
cour de Vienne aime mieux céder aux armes de ses
ennemis qu'aux justes exigences de la liberté. Elle sa-
crifie les liberies de l'Allemagne pour n'avoir pas a
reconnaitre les droits de ses sujets.
La France républicaine, aux prises ailec toute l'Eu
rope, a subi défaite sur défaite sans un instant de dé-
faillance; et, instruits par leurs revers, ses généraux
improvisés ont fini par enchalner la victoire a son
drapeau. Après une seule bataille perdue, quand
250,000 hommes sont réunis sous les murs de Vienne
et brülent de venger leur défaite, pourquoi l'Autriche
subit-elle la loi de son vainqueur? Paree que si cette
armée venait subir encore un revers, il ne resterait
d'autre voie de salut que de se jeter dans les bras de
la libertéparee que Deak, appelé a Vienne, a refusé
de mettre au service de l'Empire son autorité morale
et sa popularité si on n'acquittait les promesses faites
a la Hongrie paree que la municipalité de Vienne, en
offrant son concours dévoué, a prononcé Ie mot d'élec-
tions et de régime constitutionnel.
L'inüexiblé aristocratie qui entoure Francois-Jo
seph a vu le danger oü était précisément le salut. Elle
n'a vu que la ruine de son influence et de ses privi
leges dans ce mouvement d'opinion qui pouvait cou-
server a l'Autriche démocratisée son rang de grande
puissance, a l'Allemagne sa liberté intérieure, a l'Eu
rope son équilibre. Ellea préferè tout cèdera l'ennemi
du dehors pour tourner sa résistance et ses efforts
contre ce qu'on appelle l'ennemi du dedans.
L'arislocratie autrichienne croit tout sauvé, paree
que l'intégrité du territoire est maintenue, et elle
se flatte interieurement qu'une guerre heureuse ré-
tablira la situation qu'une guerre a détruite. Dans
son aveuglement, elle ne tient pascompledes forces
morales qu'elle tourne contre elle, du prestige dé-
truil de la couronne, de la fierté nationale blessée,
et du discredit que cette suite de guerres mal en-
treprises, mal conduites et mal tcrminèes, a jeté
sur le gouvernement personnel qu'elle défend comme
le fondement de sa propre influence. Si le parti li-
béral lui semble deja si redoutabie, lorsqueprêt
a tous les sacrifices pour le pays, il ne revendique
que les droits de la nation, quelle force n'aura-t-il
pas, lorsqu'a tous ses griefs s'ajouleront ['humilia
tion de la patrie el la ruine de son influence. L'abais-
Sement est la grande route qui mène aux revolu
tions.
Le Journal de Bruges revient en peu de mots, dans
son n" du 24, sur l'incident qui s'est produit au Con-
seil provincial, a propos du Bulletin. Nous pensons
avec lui qu'il n'y a pas lieu de prolonger. ce debat.
Les faits et gestes de M. Merghelynck ne sont pas as-
sez intéressants pour en occuper longtemps Ie public.
II importe néanmoins de faire connattre a nosdecteurs
les phrases principales tie cette nouvelle protestati n
du Journal de Bruges, plus categorique encore que la
précedente, si c'est possible.
M. Merghelynck, écrit-il, ayant, a propos du
compte-rendu des séances du Conseil provincial,
parlé de la presse en termes peu convenables, nous
avons relevè ses paroles comme elles le méritaient et
sans demander conseil a personne, les questions de
dignité devant se traiter spontanément. Des explica
tions nous ayant élé données, qui nous mettaient
tout a fait hors de cause dans ces attaques, nous les
avons communiquées a nos lecteurs.
Nous tenons a répéter au Progrès,
qui commente encore notre article, que nous n'avons
été viclime d'aucune supercherie et que eet article
émanait de la redaction ordinaire du journal, laquelle
ne doit pas avoir recours a des personnes qui lui sont
étrangères pour apprécier et signaler les actes ou les
paroles qui lui paraissent porter atteinte d la dignité
de la presse.
Nous avons relavé les assertions de M. Merghe
lynck, il s'est excusé vis-a vis de nous, voila tout.
Voila done le Progrès convaincu pour la millième
fois d'insinuations méchantes, de mensonge et de ca-
lomnie.
II n'y a rien a ajouter a la nouvelle semonce
du Journal de Bruges.
Dans son dernier numéro, Ie Progrès imprime quel
ques lignes sibyl lines dont personne n'a deviné le
sens jusqu'ici. Nous le prions en conséquence de sa-
tisfaire la curiosité générale et de nous apprendre
Quel est ce journal dont le bureau se trouverait de-
puis quelques jours sens dessus dessous.
De quelle nature était cette prétendue querelle dont
il oublie de nous donner les détails.
Enfin, Ie nom de ce maniaque qui crut prudtnt
d'étouffer l'affaire, de crainte d'avoir maille a partir
avec la police.
Quand la feuille doctrinaire nous aura livré le mot
de cette énigme, il nous sera peut-être possible alors
de lui fournir loutes les explications qui pourront lui
être agréables.
Une feuille qui ne vit que de diffamation, de
mensonge et de calomnie. Ainsi nous appelle le
Progrès, et il s'empresse de donner dans le méme
numéro un échantillon de sa discussion courtoise et
de ses goüts delicats.
11 passé en revue les nouveaux èlus de la Dépula-
tion permanente. S'il ne s'en prenait qu'aux hommes
•politiques et a leurs principes, nous n'aurions rien a
objecter et ce serait affaire au Journal d'Ypres de ri-
poster, mais il s'attaque directement a leur vie pr -
vee, mettant mêrne en suspicion leur probité comme
particuliers. A quelque parti que l'on appartienne,
pourvu que l'on soit honnête homme, on doit fletrir
ces ignominies.
Commen5ons, dit-il, par ce petit avocat, l'émule
d'un autre petit ambitieux se prélassant a la Chambre
sous l'ógide du pére De Haerne. II y a six mois, il
voulait être juge-de-paix el n'ayant pas reussi, il de-
vint un candidal catholique. Par ce beau cumul et une
opèration du S. Esprit, il fut élu et mangera au rate-
licr de l'F.tat, quand mêrne.
Sans avoir a intervenir dans ces accusations, nous
ne saurions nous defendre d'une reflexion. Si tous
ceux qui briguenl des functions electives ou autres,
dans l'espoir d'être utiles a leur pays, sont des ambi-
mc—
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