ORGANE C ATHOLIQUE DE L'A RRONDISSEMENT.
SAMEDI 18 Octobre 1879.
10 centimes le numéro.
14" année.
N' 1440.
On s'abonne rue au Beurre, 6H, a Ypres, et a tous les bureaux de poste du royaume
Résumé politique.
FRANCE. La situation devient de
plus en plus tendue. L'élection du communard
Humbert, les manifestations radicales, l'am-
nistie plénière, la volte-face de Gambetta
sont autant de symptómes qui annonccnt de
prochains cataclysmes. Sans compter les
autres difficultés k l'intérieur, comme l'art.
7 de la loi-Ferry, et ii l'extérieur la question
grecque, oü le gouvernement francais a pris
une position dangereuse que.ne lui permet-
tait pas la situation de l'Europe.
Le ministère Waddington Hotte entre ces
écueils sans hut arrêté et sans unité de poli
tique. Les dernières nouvelles semblent indi-
quer de sa part des velléités de résistance.
Ainsi on annonce la publication de circulaires
émanant des ministères de la justice et de
l'intérieur, indiquant aux préfets et aux pro
cureurs généraux une ligne de conduite k
suivre pour faire respecter les lois.
Mais que peut-on attendre de MM. Le Royer
ct Lepère, surmontés d'un président comme
M. Grévy, tous partisans des principes révo-
lutionnaires et qui désirent s'arrêter dans
cette voie par le motit' qu'ils sont arrivés au
pouvoir.
Le parti bonapartiste est toujours pro-
fondément divisé et n'a plus une cohésion
suffisante pour être redoutable.
Les légitimistes, au contraire, gagnent
chaque jour du terrain. On commence a voir
oü se trouvent les vrais principes d'ordre et
de conservation sociale. Le gouvernement
NOTICE
la Yie de Bernadctte de Lourdes,
qui laisse les radicaux et communards pour-
suivre en paix leurs desseins -néfastes, sévit
contre ceux qui pourraient lui porter secours.
Aveuglement de l'orgueil iiumain. On préfèrs
s'attacher aux courtes vues de la petite sages-
se humaine et on compte pour rien faction
de la Providence divine.
ALLEMAGNE. L'entente enlre I'Al-
lemagne et fAutriche-Hongrie est un fait
aecompli. Une alliance a été conclue entre
les deux Etats. De nouvelles négociations
sont ouvertes sur le terrain commercial et
douanier.
M. de Bismarck, satisfait du résultat élec-
toral, puisqu'il a réussi k briser le parti
national-libéral, continue sa politique com-
merciale. 11 ne parviendra pas facilement a
ses fins; la reprise des cbemins de fer notam-
ment soulève des difficultés. Les actionnaires
de diverses sociétés ne paraissent pas être
d'humeur ii se laisser exproprier facilement.
RUSSIE. La guerre de plume conti
nue entre les journaux russes et allemands.
Elle n'a plus la même apreté. Mais d'autre
part certains symptómes indiquent que les
tiraillements entre les deux nations existent
encore. M. de Bismarck notamment a évité
toute rencontre avec le chancelier de fempirc
russe.
Partout cependant on parle de paix. Cha
que gouvernement proclame vouloir la paix
et se dit décidé k la maintenir. Mais personne
ne desarme; au contraire, jamais l'axiöme
si vis pacem para bellum n'a été mis en pra
tique avec une énergie comme en ce moment.
Tant d'indices nous montrent une situation
grave et périlleuse. Qu'en voyant ces pro
messes de paix on songe aux paroles de l'Ë-
criture: Dixerunt pax et non erat pax.
Le monde semble mi'ir pour une catas
trophe.
ANGLETERRE. La question agrai-
re en Irlande prend de graves proportions.
11 est incontestable que la position des tenan-
ciers ou fermiers irlandais réclamait une
réforme complete. Les souffrances de ces
malheureux leur a fait prendre des décisions
qui ne peuvent amener qu'une solution pleine
de dangers. II ne suffit pas de crier; A bas
les landlords! On tirera dessus! et de mettre
cette menace k exécution. C'est répondre k
une injustice par une injustice nouvelle et
aggraver une situation déjk très-tendue.
Le Times en prolite pour montrer aux
Irlandais l'éventualité qui les menace. Que
les Irlandais, dit-il, se contentent d'atteindre
leur but par les mêmes moyens et par les
mèmes lois qui suffisent aux autres parties du
Royaume-Uni, et il n'y a pas un seul de leurs
griefs que nous ne soyons disposés k faire
disparaitre.
En présence de ces réllexions auxquelles
les circonstances donnent une force réelle,
les catholiques prieront pour que Dieu éclaire
1'Irlande et la préserve de nouveaux malheurs.
AI. H. Carton
k rAssociation libérale.
Grande nouvelle.
M. Henri Carton s'est confessék l'As-
sociation libérale; il a rec-u l'ahsolution.
Cette comédie s'est jouée le 4 Octobre et
le Proprès nous en donne un compte-rendu
intéressant.
11 est très-nmusant le Progrh quand i!
parle de ses patrons, (lette lois il se sur-
passe.
Personne n'a oublié la fameuse lettre
signée Carton, Merghelynck, Van Heule ét
Verschaeve oü ces quatre illustres avaient
pris la permission grande de parler au nom
de l'association tout entière qu'ils avaient
oublié de consulter.
Ce fut une colère. Les avancés protestè-
rent contre la modération hypocrite du
Président, la Chronique s'en mêla, la Flan-
dre libralt hurla.
MM. Carton et C'e furent cinglés avec
soin coram la Belgique entière.
Nous n'avions jamais attaché grande im
portance aux avis modérésdeces Messieurs,
certaius qu'k la première occasion ils plie-
raient 1'échine devant les radicaux,
Ils se résignent facilement k l'obéissance
quand il s'agit du pouvoir.
II faut bien qu'ils suivefit les avancés
puisqu'ils les commandent, et les avancés
qui ont besoin de pantins trouvent que
ceux-ci répondent fort bien aux ficelles.
Tout finit par s'arranger ainsi.
Done k l'Association libérale, M. Carton
entonne une philippique contre le clergé
Journal d'Ypres,
Le JOURNAL D'YPRES parait le Mercredi et le Sainedi.
Le prix de l'abonnementpayable par anticipationest de 5 fr, 50 c. par an pour tout
le pays; pour l'étranger, le port en sus.
Les abonnements sont d'un an et se régularisent tin Décembre.
Les articles et communications doivent être adressés. .franc de port a l'adresse ci-dessus.
Les annonces coütent 15 centimes la ligne. Les réclames dans le corps du journal paient
30 centimes la ligne.Les insertions judiciaires, l franc la ligne. Les numéro» supplé-
mentafrés coütent 10 francs les cent exemplaires.
Pour les annonces de France et de Belgique (exceptó les 2 Flandres) s'adrosser i 1 'Agence Bartas
Laffite, et C,e Bruxelies, 89, Marehó aux Herbes, et a Paris, 8, Place de la Bourse.
SUR
DANS L'lNSTITUT DJES SCEURS DE NEVERS.
(Extrait de VUnivers.)
(Suite. Voir le numéro précédent.)
Cependant elle n'était pas précisément comme
tout le monde. J'ai constamment observó que son
attrait le niieux caractérisé était celui de vivre
ineonnue. et de n'être comptée pour rien, ce qui
est trés-rare, même parmi les ames qui tendent
a la perfection. Personne ne mit mieux en prati
que cette belle maxime de Limitation Ania
nesciri-et pro nihilo reputari.
N'es'effacait-elleainsi que par dé faut demoyens?
bn ne saurait l'admettre. D'abord les sots ont
oaturellement beaucoup plus de tendance a se
Produire qu'a s'éclipser. Puis Bernadette, entrée
fort ignorante au noviciat, y fit d'assez rapides
P'ogrès dans ses études pour faire preuve d'une
intelligence au-dessus du vulgaire. Elle avait
'üème ce qu'on appelle de l'esprit, et ses saillies
°u ses reparties heureuses, quand on la fatiguait
('e questions indiscrètes, ne peuvent laisser
uucun doute a eet égard. Cet esprit scintillait
Jusque (lans ses yeux, d'une transparence et d'une
beauté indéfinissables, oü semblaient se refléter
eucore les rayons celestes qu'ils avaient coatem-.
piés.
Elle était aussi lort adroite de ses mains. 11 lui
fallut pen de temps pour apprendre les divers
travaux d'aiguille, même les plus difficiles et les
plus délicats, et elle compta bientót parmi les
meilleures ouvrières d'une comnmnauté, oü l'on
en rencontre pourtant d'une habileté peu com
mune.
Avant la fin du.premier mois de son postulat
dans la maison mère, Bernadette fut admise au
saint-habit. Elle le recut le 29.juillet I860, et ce
fut alors que son nom fut changé en celui de soeur
Marie-Bernard.
L'évêque de Nevers présida la cérémonie.
La divine Providence y avait amené comme
fortuitement, deux grands serviteurs de Dieu et
de son EgliseMgr de Mérode et M. le comte
Lafond. Ils apparaissaient la comme de nobles
ambassadeurs, ayant mission de représenter sur
la terre la Reine des cieux a l'heure solennelle
oü sa rille bien-aimée se dépouillait des haillons
du siècle pour se revêtir de la robe royale des
soeurs de charité.
Et ïlsétaient l'un et l'autre véritablement dignes
de cet lionneur.
Ces deux hommes, d'aspect si différent et de
nature si diverse, avaient cependant entre eux
un trait de ressemblance. Ils étaient animés d'une
même ardeur, d'une même générosité pour tou-
tes les saintes causes. Ils dédaignaient égale ment
d'user de leur grande fortune pour les jouissances
vulgaires du luxe ou pour n'importe quelle autre
satisfaction personnelle; mais ils étaient toujours
prèts a en prodiguer les ressources pour les
bonnes oeuvres, et premiêrement pour les besoins
du Saint-Siége. Seulement, chacun y procédait
selon son caractèrel'un trés-ouvertement,
quoique sans ostentationl'autre très-secrète-
ment, quoique sans aucun souci des jugements
du monde. M. Lafond était a la lcttre le bienfai-
teur selon l'Evangile.dont la main gauche ignore
ce que donne la main droiteMgr de Mérode,
vrai successeur de l'intrópide saint Laurent, le
grand aumónier du pape S. Sixte, jetait sans y
regarder son argent au vent (l),"et si pour ce fait
on l'eüt mis sur le gril, il aurait été de force
comme d'humeur a redire: Assatum est jam,
versa et manduca Roti a point, tourue, ami
bourreau, et bon appétit?
Leur mémoire, momentanément associée k celle
de Bernadette, restera pareillement en bénédic-
tion.
III. SA PROFESSION.
Soeur Marie-Bernard a en le singulier privi-
lége de faire deux fois sa profession, dans les
termes et dans les conditions oü la faisaient les
soeurs de Nevers, avant l'approbation de leur
(i) Dispersie dedit pauperibus. Paroles du
nsaume CXI, appliquóes a saint Laurent, dans
l'office de sa l'ête-
n
institut par le Saint-Siége (2). Voici dans quelles
circonstances.
Un louable usage de cette congrégation permet
d'admettre a la profession les novices en danger
de mort, alors même qu'elles sont encore éloi-
gnées du terras régulier da leur ópreuve.On en
est quitte, si elles reviennent a la santé, pour les
faire rentrer au noviciat et leur en faire repreu-
dre les exercices, malgré leur qualité de profes
ses, jusqu'a l'expiration du temps exigé par les
constitutions.
Tel fut le cas de Soeur Marie-Bernard, mais
avec une variante, unique dans son genre, d'oü
il résulta qu'après avoir fait in extremis profes
sion dans son lit, elle dut s'y reprendre plus tard
k l'église, conformémentau cérémonial ordinaire.
Racontons d'abord l'histoire de la première
profession. La pauvre sceur avait une santé dó-
plorable; c'était sans doute la conséquence de la
promesse que la Sainte-Vierge lui avait faite du
bonheur de l'autre vie, au prix de beaucoup da
souffrances dans eelle-ci. Elle trainait incessam-
ment avec elle deux ou trois maladies graves et
incurables, se traduisant de temps a autre par
des crises violentes, qui la mettaient a deux
doigts ue la mort.
La première de ces crises eu lieu le Jeudi23
Octobre 1806. Le soir de ce jour, entre neuf et
dix heures, au moment oüj'allais me mettre au
(2) Cette approbation ne date que du 20 Aoüt
1870.