ORGANE CATHOLIQUE DE L'ARRONDISSEMENT.
SAMEDI 16 Aoüt 1879.
10 centimes Ie numéro.
14e année. N" 1422.
On s'abonne rue au Beurre, 66, Ypres, et tous les bureaux de poste du royaurae.
Résumé politique.
ROME. L'Encyclique relative it l'en-
seignement de la Philosophic a été puhliée.
C'est un document important qui vient ii son
lieure.
Le libéralisme pourra qualifier de singula-
rité ce retour plusieurs siècles en arrière.
Mais qu'on n'oublie pas que plusieurs héré-
tiques des pluscélèbres déclaraient hautement
qu'une fois la doctrine de St-Thomas d'Aquin
supprimée, ils se faisaient fort d'engager une
lutteinclorieuse avec tous les docteurs catho-
liques et d'anéantir l'Eylise.
A'oici le résumé de ce document:
Elle montre en premier lieu le röle im
portant de la raison humaine par rapport it la
Foi. II appartient en effet it la première d'éta-
blir les préambules de la seconde, de lui apla-
nir la voie, de donner la forme scientifique
aux doctrines révélées et de les défendre
contre les attaques.
Ensuite l'Encyclique fait connaitre la
méthode que le catholique doit suivre en phi
losophic, et elle montre combien cette mé
thode est raisonnable; car elle sauvegarde en
même temps l'obéissance due la foi et la
dignité de la raison, qui tire de la foi de si
précieux avantages.
Le document pontifical rappelle que les
Pères firent un grand usage de la philosophic
pour expliquer, défendre et persuader les
vérités révélées, et que la science des Pères
fut recueillie, ordonnée et augmentée par les
Scholastiques et en particulier par saint Tho
mas d'Aquin, dont le Saint-Père fait un ma-
gnifique éloge.
Le Souverain-Pontife déplore ensuite que
depuis le XVI" siècle, ce trésor de doctrine
ait été abandonné, au grand détriment de
cette même science. 11 expose les raisons
d'ordre religieux, social et scientifique qui
conseillent de retourner a la philosophie de
saint Thomas, de laquelle n'ont rien crain-
dre les vrais progrès des sciences modernes,
progrès que le Saint-Père déclare apprécier
heaucoup.
11 exhorte enfin les évêques a répondre
ses intentions en remettant en honneur dans
'es chaires et dans les académies la vraie
doctrine de saint Thomas.
FRANCE.La presse libérale annon
ce une entrevue prochaine du chef de la mai-
son de France avec beaucoup de notabilités
légitimistes dans une ville non encore dési-
gnée.
Cette nouvelle prouve que, malgré le dé
dain que les radicaux affectent pour le comte
de Chambord, ceux-ci ne voient pas sans
craintes que fopinion de la nation francaise
se tourne vers celui qui seul pourrait rendre
la paix au pays, paree que seul il représente
le droit et professe les principes d'un vérita-
ble gouvernement.
AUTRICHE. On n'est pas encore
fixé sur la démission du comte Andrassy
comme chancelier de l'Empire.
Le ministère autrichien, présidé par M.
Stremays, s'est retiré. II est remplacé par un
ministère ayant a sa tête le comte de Taaffe,
et composé de quelques membres de l'ancien
ministère. On considère la question tchèque
comme terminée.
L'entrevue de Gastein, entre les empe-
reurs d'Allemagne et d'Autriche, a eu lieu.
Grandes démonstrations de sympathie et
d'admiration.
-ALLEMAGNE. A l'occasion des pro-
chainés élections de la Diète prussienne, le
centre vient de publier un énergique mani
feste par lequel il se pose nettement sur le
terrain de la vérité, du droit et de la justi
ce. En d'autres termes, le rédacteur de ce
manifeste exprime sous sa forme propre les
revendications depuis longtemps formulées
par la Germania, revendications qui se résu-
ment par ce mot: Abolition du principe des
lois de mai.
Le manifeste du centre est d'ailleurs extrê-
mement réservé :i l'égard du gouvernement
et ne témoigne qu'une eonfiance fort restrein-
te sa politique. Le seul fait d'oü il croit pou-
voir conclure k l'espérance est le complet
désarroi du parti national-libéral. Le centre
a raison. Lü oü le libéralisme est baltu, les
catholiques peuvent espérer. Mais de quelle
manière et jusques quand est-il battu? Voilit
ce qu'il faudrait savoir. Ce qui est certain en
tous cas, c'est que, si les nationaux-libéraux
ont perdu toute faveur dans les régions offi-
cielles, s'ils y sont bafoués et vilipendés
l'égal des socialistes, leur principe, le prin
cipe qui consacre la statolatrie et soumet tou
te conscience individuelle aux souveraines
décisions de l'Etat, n'a pas encore cessé d'etre
en vigueur. Sera-t-il abrogé? Les catholiques
le demandent au Ciel par d'instantes prières.
Mais tant qu'il ne le sera pas, tant que les lois
de mai ne seront pas solennellement condam-
nées et répudiées, il y aura toujours plus
d'espoir pour les nationaux-libéraux que pour
les catholiques.
Emprunt provincial.
Dans sa séance du 24 Juillet dernier, le
conseil provincial a procédé au tirage au sort
des obligations de 1 emprunt de 2,500,000
fr., appelées au remboursement pour le lr
Janvier 1880.
Les séries 83, 245, 258 et 299 ont été
désignées.
Comment se forge une éineute
libérale.
Nous savions dé ja comment se fabriquent
les mouvements populaires du libéralisme
nos lecteurs se rappelleront que maintefois
nous avons décrit de l'alpha l'omega cette
fabricationmais la description émanait
d'une plume cléricale, et pouvait être soup-
qonnée de partialité mais aujourd'hui nous
avons un narré fait par la trés libérale Chro-
nique, et il concorde entièrement avec celui
de la Patrie. 11 s'agit de la spontanéité
foudroyante de 1871, celle qui naquit sous
le prétexte que M. De Decker ne pouvait être
gouverneur du Limbourg.
La presse libérale avait préparé le terrain
l'organe spécial de M. Frère, le Journal de
Liége, proclamait que si on ne savait pas
s'indigner et résister, il y aurait l'effrondre-
ment des institutions, de la monarchie, de
la société
L'Echo du Parlement écrivaitDes éir-
constances imprévues.en ajournant forage,
ne font pas dissipé, et il reparait h l'hori-
zon plus menacant que jamais
Le Précurseur, de son cöté, disaitSi le
Journal de Bruxelles désire le maintien de
l'ordre, nous l'engageons ne pas outrager
la moralité de la nation
La Vérité, de Tournai, organe de M. Rara,
clamait a son tourSi le sens moral du
peuple ne protestait pas, ce serait a rougir
du pays. Ileureusement, nous n'en sommes
pas lè nous le voyons ii l'indignation qui
se répand partout et qui menace de se
déchainer en tempête.
Dix autres journaux firent les mêmes pro
vocations, et le lendemain la Chambre,
entra en scène M. Rara, et l'émeute se fit.
Comment La Chronique va nous le dire.
Lisons
L'occasion fut mise it profit. Discours ii
la Chambre, annoncés d'avance avec grand
p-acas par les journaux du parti grande mise
en scène.
Emploi des mots les plus ronflantsMoralité
politique ct financière. Abus de pouvoir.
Honte éternelle, etc. Nalurellement, on ne
rechercha pas la cause du mal, qui était et
est encore la corruption de la bourgeoisie.
Un seul député profita de l'occasion pour
démontrer que dans un pays oü l'argent était
la base de tout pouvoir, oü l'argent conférait
seul les droits civiques, oü l'argent était tout,
que dans un tel pays, de pareilles mésaven-
tures étaient inévitables.
On ne l'écouta naturellement pas, et l'on
en revint ii la question. La question en Belgi
que, c'est toujours le clérico-libéral. Toujours
est-il qu'après plusieurs séances de la Cham
bre, pendant lesquelles on attaqua violem-
ment les cléricaux Langrand et le nouveau
gouverneur, on était parvenu, il force de
réclame, a attirer autour de la Chambre un
peu plus de curieux qu'a l'ordinaire.
Rien n'était plus intéressant observer
alors que les efforts faits par le parti opposant
pour attirer autour de la Cliambre un nombre
respectable de manifestants.
On tit appel a la bonne volonté des étu-
diautset ii tout ce qu'il y avait de moins
cacochyme dans les associations doctrinaires.
Ceux qui avaient une voix forte et bien timbrée
étaient tres-recherchés, d'oü qu'ils vinssent.
Grace aux loges macönniques, on obtint même
un petit contingent de province. De peuple),
pointcela va sans dire Qu'eüt-il fait dans
cette galère, ou plutót dans cette manifesta
tion, lui, le grand déshérité qui n'est jamais
consulté
Bref, après quelques jours d'efforts et de
discussions parlementaires, on était parvenu
eréer une certaine animation autour de la
Chambre des représentants au commencement
et a la fin des séances. Les heures étaient
propices d'ailleurs. On allait manifester au
palais de la Nation un peu après le déjeuner
et un peu avant le diner on eutendait dans
les restaurants des conversations de ce genre:
Viens-tu manifester Impossible, je
n'ai pas le temps mais j'irai ce spir, s'il ne
pleut pas. Et toi, viens-tu Je veux
bien mais pour une demi lieure seulement,
car j'ai mes affaires.
Et ainsi sortaient des cafés et des restau
rants, la figure épanouïe et le cigare aux
lèvres, ceux qui devaient faire la manifes
tation foudroyante de la conscience publique
indignée dont on parlait a la Chambre.
Toutefois, au bout de quelques jours, il
devenait difficile de recruter le personnel suffi-
sant pour faire une manifestation présentable.
C'était un peu mou Les doctrinaires étaient
soucieux. Un d'eux eut alors une idéé subli
me celle de convoquer la garde civique pour
maintenir l'ordre.
L'effet fut immédiat et la réussite compléte.
Une grande bataille gagnée, une immense
découverte faite après vingt ans d'études, la
joie que l'on éprouve voir revivre un être
aimé qu'on a cru mort, rien de tout cela ne
peut vous donner une idéé approximative de
la joie et de l'ivresse de la garde civique de
Bruxelles convoquée pour maintenir l'ordre,
qu'on lui disait troublé.
Furent-ils heureux lorsqu'ils ceignirent
leur vaillante épée pour marcher jusqu'è la
Chambre, oü ils devaient monter la garde,
nos vaillants soldats citoyens
Non,mais dites-le!... Ne savourez-vous pas
d'ici le plaisir qu'a dü ressentir le bourgeois
h parler d'ordre, de propriété,de loi, de mo
ralité publique, de la force brutale, de l'intel-
ligence des masses populaires k parler
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