ORGANE (AT HOI 10 DE DE I/ARRONDISSEMENT.
SAMEDI 21 Juin 1879.
10 centimes le numéro.
14e année. N° 1406.
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Lettre pastorale
S. EM. LE GARDINAL-ARGHEVKQUE
ET DE N.N. SS. LES ÉVÊQUES DE BELGIQUE
Résumé politique.
MORT DU PRINCE LOUIS-NAPOLÉON.
Une dépêche officielle expédiée h YAgence
Reuter, du Cap de Bonne Espérance, h la
date du 3 Juin porte:
Le prince Louis-Napoléon est mort.
Etant allé avec quelques officiers effec-
tuer une reconnaissance, il descendit avec
eux de cheval, fut surpris par les Zoulous et
tué par un coup d'assegai. Deux soldats fu-
rent également tués. Les autres échappèrent.
Le corps du prince a été retrouvé. a
Journal d'Ypres,
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AU CLEPGË ET AUX PIDÈLES.
Nos très-chers frères,
Dans nos deux précédentes instructions pasto
rales, nous avons fait voir le principe, le carac-
tère et le but du projet de loi sur l'enseignement
primaire, soumis en ce moment aux deliberations
des Cliambres legislatives; Nous avons aussi
appelé votre attention sur les consequences
funestes, sous le rapport religieux et moral, que
Ié régime dé l'ócole primaire NEUTRE, c'est-a-
dire sans religion et partant sans Dièu, doit
produire en Belgique, comme il l'a fait ét comme
i! continue de.le faire dans tous les pays oü il est
appliqué.
Notre langage a été celui du devoir et de la
véritó.
Responsables du salut de vos ames, défenseurs
de vos droits et de vos intéréts moraux et reli
gieux, interprets des lois ómanées du piel, nous
étions obliges d'élever la voix, de vous signaler,
dans facte le plus significatif qu'elle ait encóre
tenté, la conspiration organisèe par les loges
maeonniques contra Jésus-Christ, contre son
Eglise, contre vos croyances, ccmtre les ames de
vos enfants.
C'était done un devoir pour nous, un devoir
impérieux, urgent de parler. Si nous avions
gardé le silence, si, sentinelles muettes, nous
n'avions pas dónoncé les desseins de T.ennemi,
nous eussions prévariquó contre le Ciel et contre
vous. En qualifiant, comme nous rayons déja
fait, de mauvais et de permcieux de sa nature, le
principe qui a donné naissancë a la loi projetée,
et qui domme dans les principales dispositions
de cette loien attribuant a cette oeuvre un
caractère antichrétien, antinational en antisocial
en dévoilant le but, a savoir la propagation de
Tindifférentisme en matière de religion, c'est-a-
dire l'oubli de Dieu, l'abandon des devoirs de la
religion chrétienne, l'extinction du sentiment
religieux dans les ames, nous nous sommes
rencontrés avec tous les hommes publics et con-
servateurs les plus dóvoués au pays et au Roi,
avec les plus intelligents défenseurs des reven-
dications de la conscience catholique, des droits
des pères de famiile et des enfants, en tnème
temps que des intéréts de la société. Leur lan
gage, soit dans la presse, soit dans les assem
blees, soit dans les Cliambres, a continué de tont
point nos appréciations et justifié nos alarmes
leurs jugements comme leurs sentiments sont a
l'.unisson des nötres.
Nós instructions out aussi porté la conviction
dans vos esprits, Nos Très-Chers Frères. C'est
que notre langagö ést l'expression de la vérité,
e'est que nos jugements se fondent sur les vicés
intrinsèques du régime scolaire auquel l'Etat
prétend soumettre l'enfance et sur les funestes
effets que ce même régime produit ailleurs et
nécessairement.
Ge qui le prouve non moins manifestement, ce
sont les efforts que les auteurs et les partisans
de la loi projetée ont prodigués dans la presse et
et dans des documents officiels, et qu'ils em-
Ploient encore a la tribune parlementaire et dans
ia loi même, pour dissimuler la malignité de
celle-ci, et faire croire qua nos appréciations
sont injustes et nos craintes exagéróes. Mais la
Plupart de leurs organes et de leurs représen
tant.? les plus autorisés ont reconnu et proclamó
franchement le caractère et le but de la loi. La
Prudence elle-même des habiles s'est démentie,
leur haiuo contre l'Eglise catholique s'est dénias-
quée; des aveux leur ont échappó, et ces aveux
révèlent clairement ce qu'ils veulent, ce qu'ils
cherchent en neutralisant l'ecole primaire, a
savoir un rqqyen infaillible de déchristianiser le
pays.
La dissimulation n'a pas eu de succèselle ne
pouvait tromper personne. La loi projetée est
trop formelle, trop catégorique dans ses disposi
tions principales; les intentions du gouverne
ment, manifestées dans l'oxposé des motifs a
l'appui de la loi, les commentates de la section-
centrale, consignes dans son rapport, et les ex
plications donnóes a la Gbambre par le rappor
teur sont trop explicites pour que les catholiques
puissent se laisser donner le change. Le prin
cipe, le caractère, le but de la loi projetée sont
done tels que nous lés avons définis, teis que les
ont définis, signalés et réprouvós avec nous ces
hommes d'Etat, élite de l'opittion conservatrice,
dont nous avons ci-dessus invoqué le témoigna-
ge.
Pourquoi le gouvernement propose-t-il de só-
culariser l'école primaire, c'est-a-dire d'en ex-
clure l'enseignement de la religion et Tinterven-
tion de toute autorité religieuse quelconque Ge
n'est certainement pas dans le but d'assurér aux
enfants la libertó de conscience. Cette liberté
leur est suflisamment garantie par les disposi
tions de la loi de 1842; et il est avéró que les dis
sidents n'ont élevé de ce chef aucune plainte
contre les instituteurs communaux catholiques.
Quel avantage moral ou scientiflque, quelle
nécessitó nouvelle religieuse ou sociale Tont
déterminé a recourir a une mesure d'une si
haute gravité L'ótablissement de ce régime
scolaire se comprend, sans se justilier toujours,
dans le pays oü cliaque agglomération d'habi-
tants se compose de families appartenant tant a
diverses confessions religieuses qu'a diverses
sectes pliilosophiques incroyantes, et oü le man
que de ressources ne permet pas d'ouvrir autant
d'ócoles qu'il y a de confessions et d'opinions.
Mais quelle raison y a-t-il d'établir ce régime
scolaire dans toute la Belgique, oü sur environ
2,500 communes il y en a peut-êtro 2,400 qui ne
comptent dans leur population ni juif's, rii pro
testants, ni libres-penseurs L'égalitó entre les
croyants et les incroyants, ainsi que la liberté de
conscience, n'est ici qu'un vain mot, qu'un futilè
prétexte.
Les incrédules, renégats de toutes les confes
sions chrétiennes, plus acharnós que les hétóro-
doxes contre l'Eglise catholique, les déistes,
lés libres-penseurs, les nihilistes, les matérialis-
tes athóes oupanthórstes, ne s'y trom pent pas.
Pourquoi, en effet, demanderaient-ils, tien-
draient-ils tant a séculariser l'école primaire,
s'ils n'étaient pas convaincus què le régime da
l'école neutre aura infailliblemeiit pour résultat
d'éteindre la foi chrétienne dans la plupart des
jeunes ames, et de ne laisser dans les esprits
atrophiés qu'une incurable indifference?
Aussi est-ce vaiuemènt que le miuistre de l'in-
struction publique a soutenu que la loi n'exclut
aucunement Dieu de l'école instituée par sa loi.
La loi ne veut-elïo pas exclure de l'ócole pri
maire, et menie des salles d'asile ou écoles gar-
diennes, au nom de la tolerance, l'enseignement
de tout dogme et de tout culte positifs Et l'an
dernier, l'homme d'Etat qui est aujourd'hui le
chef du ministère, il'a-t-il pas dóclaró solennel-
lement qu'un gouvernement liberal ne peut s'ap-
puyer sur aucun dogme,pas même sur la croyance
a l'existence de la divimté, paree que le dóisme
lui-même serait intolérant? L'a-t-on oublié? le
ruinistre actuel de rinstruction publique a précisé
le sens et la portée de ces paroles, en disant, en
plein Sénat, que le Decalogue ne serait point
enseignê duns l'école instituée par la nouvelle
loi, paree que le Décalogue est la négation de la
liberté de conscience? L'a-t-on oublié? un ora-
teur, organé attitró des partisans' dé la loi,
croyant cöucilier les'declarations bontradictoirès
des niinistres, les a aggravées, en disant que
l'instituteur pourra parler de Dieu a ses qléves
d'une manière non dogmatique? Tel est bien le
sens de 'ses paroles. Or, qué 'signifient ces' p'dro-
les Iïlles veulent dire que l'instituteur pourra
parlor de Dieu sans le déflnir, de facon a ce que
ce Dieu indéflm ne soit qu'une pure abstraction.
Et l'on croit que l'enfancé élévera dans Son coeur,
comme la superstitieuse Athönes sur sa place
publique, UN AÜTEL A CE DIEU INGONNU,
et l'adórera chrêfiennémé'nt en esprit ét en
vérité Non, non. Qü'est-c'e, en effet, qu'un Dieu
sans culte? Qu'est-ce que l'Être suprème sans
souverainetó, sans pouvoir, sans droit sur les
êtres inférieurs, ses créatures, et sans rapport
avec eux Qu'est-ce que ce Dieu spécülatif,Tm-
personnel, faineant, étranger a Torigine et a la
fin dernière et de l'homme et des choses Qu'est-
ce que ce Dién, qui ne mérite pas d'etre OFFT-
CIELLEMENT adofé, aimé, seFvi, ni même d'etre
connu dogmatiquement? Que penser enfin de ce
Dieu selon la nouvelle loi, sinon ce qu'en a dit
l'un' dés cofyphéès contemporains deT'impiété,
UN BON VIEUX MOT QU'IL FAUT CONSER-
YER Arrière, arrière la dissimulationG'est
done avec raison, en toute véritó que nous quali-
fious, comme l'ont fait aVant nous les catholiques
d'Angleterre et de Hollande, l'école neutre ou
sécularisée, D'ECOLE SANS DIEU
Non moins vainement l'organe de la section
centrale assure-t-il que l'ócole, sous le nouveau
régime, sera loyalement, cómpTétëmént, con-
stamment neutre envêrs toutès les religions; que
l'ihstituteur, en vertu d'une disposition qui sera
insóróé dans la loi, sera teiiu de respecter ét
qu'il rèspëctera scrüpuleuseméut les croyances
religieuses et le culte de chacun de ses éléves.
Gette disposition que l'on propose d'insérer
dans la loi sera tout h fait iuefficace.
Elle sera inefficace A l'égard de l'instituteur
libre-penseur. Gelui-ci se borneraa professerun
respect négatif envërs la religion de sesécoliers,
eu s'abstenant d'en parler d'uue manière
ouvertement agresslve; mais il affichera pour
elle un dédain, un mépris pösitif, en s'abstenant
d'en remplir les devoirs. Péüt-êtrö ne corrom-
pra-t-il pas la foi des enfants par ses lecons
orales; mais il la ruinera plus sürement dans
leur. estiine par l'enseignement tacite, mais
effectif de ses exemples. Et encore, sans disser-
ter contre les dogmes et les institutions catholi
ques, que de moyens n'a-t-il pas d'en ébraillef,
d'en saper la croyance, èt d'en aff'aiblir le res
pect dansl'esprit de ses él'èves? Nele sait-on pas?
Tout est enseignemeut cliez le maitre de l'enfan
ce: tout aussi est leqon pour elle, un mot, un
regard, un geste, un ricanement, le silence mê
me. L'enfance s'impfègne avec une merveilleuse
facilité de tout cë qui s'imposeA son intelligence
avec le prestige de la supérioritó; mais elle ac-
cepte et imite le mal et Terreur beaucoup plus
facilement que le bien et la vérité.
Mais n'aitribuons au maitre aucune disposition
hostile; ne supposons pas même qu'il puisse, sans
mauvaise intention, entr'eméler a son enseigne-
ment de la morale des doctrines ou des maximes
fausses, dangereuses, perriicieuses: nous nous
demandons seulement quelle impression l'éco-
lier recevra d'un instituteur qui, oblige par la
positiQn que lui fait la loi de ne tenir compte
d'aucune religion, doit se bonier a enseigner
quelques devoirs civils, et se comporter dans
l'école, comme s'il ne se souciait aucunement
de Dieu a qui il ne rend OFFICIELLEMENT au-
cua culte, qu'il ne peut prier, invoquer qu'en
dehors des heures de la classe? L'atmosphère de
l'école sera done indifférentiste, incródule, mêrtte
sous un maitre religieux qui observera servile-
ment la loi. A plus forte raison sous un maitre
móeréant, propagateur adroit de ses opinions,
l'atmosphère de l'ócole sera-t-elle irréligieuse, et
l'enfance y respirera-t-elle l'incrédulité ou l'in-
diffórence, sans qu'elle s'en doute; la tendance a
Timpiétó sera rèelle, active, dans l'enseignement
de eet instituteur, sans que cette tendance püisse
être constatéo dans des actes déterminés: on no
s'en apereevra que par ses funestes effets. Ainsi
se sera opéré un mal immense, l'empoisonne-
ment des ames, et la disposition législative,
moyen soi-disant tutélaire de sauvegarder la foi
de Tenfant, aura été impuissante a prévenir les
ravages du mal, et n'en aura ni arrêté ni rèpri
mé l'auteur.
Gette disposition que Ton propose d'insérer
dans la loi sera done inefficace.
Ilu'en saurait être autrement. En effet, tandis-
qu'elle ferme Tëntréë dés écoles püblïquês aux
instituteurs et aux institutrices formés dans les
écoles normales catholiques, la loi autorise
l'Etat, devenu Tantagoniste de l'Eglise, a placer
dés maitres libres-penseurs, nihilistes, protes
tants, juif's, francs-masons', a la tête des écoles
primaires, même composées exclusivement d'é-
lèves catholiques, comme elles le sont presque
partout. La loi charge l'Etat de choisir comme
il lui plait, et d'imposer a ces mênies écoles des
manuels de lecture, de morale indépendante, de
sciences naturelles, d'histoire, et de désiguer
les ii vres destinés soit a former les bibliothèques
seolaires, soit a être donnés en prix aux élèves,
sails que Taütorité religieuse, gardienne des
croyances et de la morale chrétiennes, soit mê
me consultée. Gette loi, exócutéo a la lettre et
selon son esprit, par un ministre de Tinstruction
publique, qui peut être un ardent ennemi de la
religion catholique, par une inspection et des
comités seolaires composés peut-étre exclusive
ment de francs-macons et de libres-penseurs,
cétte loi présente-t-elle aux families catholiques
une garantie d'absolue neutralité Non.
L'expérience acquise dans le pays oü est en vi-
gueur le régime scolaire que le gouvernement
projette d'appliquer a la Belgique, prouve que
cette neutralité absolue est moralement impos
sible.
G'est ce que dómontrent les plaintes et les
reclamations de Tépiscopat en Irlande, aux Etats-
Unis d'Amérique, au Canada, en la Nouvelle-
Ecosse, en Australië, en Hollande. G'est ce que le
Saint-Sióge a reconnu, après une longue et
sérieuse instruction, sur des documents d'une
irrecusable autorité foürnis a sa demande par
les óvêques des pays quo nous venons de nom-
mer, et de plusieurs autros, comme TAllemagne
et quelques contróes del'Orient.
(A continuer.)